La fonction culturelle des cathédrales bretonnes
Dans les cathédrales bretonnes, des manifestations culturelles de nature diverse, ayant souvent un lien direct avec la fonction cultuelle, sont organisées tout au long de l’année. Néanmoins, certaines cathédrales font l’objet d’une programmation culturelle un peu plus variée, un peu plus ambitieuse. L’objet de cette étude n’étant pas de débattre de ce qui appartient ou non à la culture, nous considérons en tant que valorisation culturelle toutes les manifestations artistiques ainsi que tout support visant à développer les connaissances historiques, architecturales et artistiques du public sur le lieu visité.
Les pardons : une particularité cultuelle et culturelle de la Bretagne
Cette première sous-partie peut interroger : pourquoi, en effet, placer les processions et pèlerinages que sont les pardons dans une partie sur la valorisation culturelle ? Nous l’avons dit, culte et culture sont souvent liés dans la valorisation des lieux de culte. Les pardons ont certes une dimension religieuse très importante mais sont aussi l’occasion de fêtes folkloriques, de concerts…L’association Bretagne Culture et Diversité qui œuvre à la « promotion et la diffusion de la matière culturelle de Bretagne » a d’ailleurs lancé un inventaire participatif de ces pardons, qu’elle définit comme des « événements pluriels et polymorphes, les pardons allient aspects cultuels et culturels où la fête et le sacré s’entremêlent », dans le but de les intégrer à l’Inventaire National du Patrimoine Culturel Immatériel. Il existe plusieurs pardons autour des cathédrales bretonnes. Le plus connu, l’un des plus importants pardons de Bretagne, est le grand pardon de saint Yves, célébré à Tréguier chaque année, le troisième dimanche du mois de mai et faisant l’objet d’une semaine d’évènements. Ainsi, du 13 au 21 mai 2019, la cathédrale Saint-Tugdual a accueilli la célébration de multiples offices mais également un concert du groupe Hopen, manifestation musicale liée au culte puisqu’étant un concert de « pop louange » à destination des jeunes . Un deuxième pardon, le petit pardon de saint Yves, est célébré le dernier dimanche d’octobre. À l’occasion de ces pardons, des processions sont organisées en habits traditionnels, avec des bannières, faisant ainsi vivre la culture bretonne. À Dol-de-Bretagne, le pardon de saint Samson se tient le dernier dimanche du mois de juillet. Il commence par une messe à la cathédrale et se poursuit par des manifestations artistiques et folkloriques. Par exemple, en 2019, le pardon de saint Samson a pris la forme d’un « grand festival folklorique » le dimanche, avec une messe à la cathédrale et plusieurs défilés et concerts de musique bretonne . La veille, le samedi 27 juillet, un « fest noz géant » et un feu d’artifice avaient aussi été organisés. À Saint-Pol-de-Léon, le pardon de saint Paul-Aurélien se tient le deuxième dimanche de septembre. Une procession accompagnée d’instrumentistes locaux mène les participants à la cathédrale, où a lieu une messe . À Vannes, le pardon de saint Vincent Ferrier a lieu au début du mois de mai. Toutefois, en 2019, la date du pardon a été modifiée : en raison des 600 ans du saint, le pardon a eu lieu le week-end le plus près de la « date anniversaire » de sa mort, le 5 avril. Le Jubilé de saint Vincent Ferrier, qui s’est déroulé de mars 2018 à juin 2019, a été l’occasion de multiples évènements. Ainsi, pendant la période du Carême 2019, trois « concerts-conférences » ont eu lieu à la cathédrale Saint-Pierre. Ces trois conférences portaient sur des thématiques religieuses et étaient espectivement accompagnées d’un concert d’orgue, d’un concert de clarinette, et d’un concert d’un ensemble vocal65. En outre, le 7 avril 2019, la cathédrale a accueilli la Cobla Mil·lenària de Perpignan, pour un concert de « musique sacrée et festive catalane ». Enfin, pour la clôture du Jubilé, les 7 et 8 juin 2019, trois oratorios – un pour les scolaires et deux pour le grand public – ont été joués à la cathédrale .
Les concerts
La programmation musicale dans les cathédrales bretonnes est plutôt homogène : à l’exception de quelques manifestations, les concerts sont majoritairement des concerts de musique sacrée, classique ou d’orgue. En revanche, le nombre de manifestations d’une cathédrale à l’autre peut être très différent. Les données exploitées dans cette partie relèvent des informations communiquées par les paroisses et des informations trouvées sur des sites internet en complément. Tout d’abord, pour qu’un concert puisse avoir lieu dans une cathédrale bretonne, comme dans tout autre lieu de culte, il faut que l’organisateur en fasse la demande à l’affectataire. De manière générale, une lettre de demande est adressée au prêtre responsable de l’édifice en question. Ces lettres contiennent de multiples informations sur l’organisateur, les moyens techniques et financiers, les œuvres interprétées et elles sont centralisées par un.e bénévole paroissial.e en charge de ces manifestations. Si le prêtre donne son accord, il doit être confirmé par le propriétaire du monument, par le biais des services municipaux ou de l’architecte des Bâtiments de France selon que la cathédrale soit toujours une cathédrale au sens religieux du terme ou non. La lettre rappelle le caractère sacré du lieu par la mention suivante qui doit être acceptée par l’organisateur : « Nous avons bien noté que notre programme doit être compatible avec le caractère religieux de l’édifice, conformément à l’exigence exprimée par le Droit Canonique » et une note renvoie vers le droit canonique, qui précise cela : « canon 1210 : « Ne sera admis dans un lieu sacré que ce qui sert ou favorise le culte, la piété ou la religion, et y sera défendu tout ce qui ne convient pas à la sainteté du lieu. Cependant, l’Ordinaire peut permettre occasionnellement d’autres usages qui ne soient pour tant pas contraires à la sainteté du lieu » ». Le nombre et la diversité des manifestations dépendent donc en grande partie de la vision que le prêtre a du lieu de culte et de sa volonté d’ouvrir ou non « sa » cathédrale à ce type de manifestations. Ainsi, à la cathédrale Saint-Corentin de Quimper, par exemple, le prêtre se dit « très enclin et favorable » à une ouverture culturelle de la cathédrale. A contrario, d’autres prêtres sont moins favorables à cette ouverture, considérant que les cathédrales sont des lieux de culte avant tout et qu’il ne doit s’y passer que des activités et manifestations en lien étroit avec cette fonction cultuelle. Pour plus de lisibilité, nous souhaitons traiter la question des concerts selon trois axes thématiques : les manifestations dites « individuelles » – dans le sens où elles ne font pas partie d’une programmation plus large –, les concerts dans le cadre de festivals et les concerts d’orgue, sur l’année 2019. Dans les cathédrales de Dol-de-Bretagne et de Nantes, nous n’avons pas trouvé de concerts « individuels » sur cette période, ni pour la cathédrale de Vannes à l’exception des concerts mentionnés plus haut dans le cadre du Jubilé.
Des évènements ponctuels qui valorisent culturellement les cathédrales bretonnes Si les concerts sont les manifestations culturelles les plus fréquentes dans les cathédrales bretonnes, il existe aussi d’autres types d’évènements qui se déroulent ponctuellement dans certaines cathédrales. Étant peu nombreux, nous avons choisi de répertorier ces évènements – tels que les Journées Européennes du Patrimoine (dont on utilisera l’abréviation, JEP, par la suite) ou les expositions – dans une même sous-partie. À notre sens, les Journées Européennes du Patrimoine permettent de sensibiliser et de développer l’accès aux connaissances sur les différents lieux qui constituent notre patrimoine à l’échelle locale, c’est pourquoi nous avons choisi d’analyser les manifestations prévues dans ce cadre en tant que dispositif valorisant culturellement les cathédrales bretonnes. Il y a peu de cathédrales qui ont fait l’objet d’une manifestation particulière lors des JEP 2019. À Dol-de-Bretagne, il était possible de visiter la cathédrale Saint-Samson librement, de suivre une visite guidée générale du monument ou une visite thématique en accédant au grand orgue, au comble ouest et au double puits. À Vannes, l’association des Amis de la Cathédrale proposait uniquement une visite libre ou accompagnée, le dimanche 22 septembre après-midi87. À Tréguier, la cathédrale Saint-Tugdual était également ouverte à la visite et des membres de la paroisse étaient présents. Une cathédrale bretonne où la valorisation culturelle est plus développée est la cathédrale Saint-Corentin de Quimper. En effet, cette cathédrale accueille parfois des expositions. C’était le cas, du 12 décembre 2019 au 12 janvier 2020, où plusieurs bannières étaient exposées le long des grilles du chœur, avec quelques éléments d’informations. En outre, la cathédrale de Quimper était l’un des lieux de l’exposition « Balades Brodées » consacrée à Pascal Jaouen, du 6 juillet au 22 septembre 2019. Des œuvres issues du « patrimoine religieux » de Cornouaille, source d’inspiration du styliste, y étaient exposées. En outre, un évènement un peu plus ancien mais qui a contribué à la valorisation culturelle de la cathédrale Saint-Corentin est l’exposition consacrée aux travaux de restauration du monument, présentée du 30 juin au 28 septembre 2018, à la Maison du Patrimoine. Cette exposition, intitulée Cathédrale en chantier[s], retraçait les campagnes de restauration par des photographies et des extraits issus de la presse écrite et de télévision.
Supports de médiation visant à développer les connaissances historiques, artistiques, architecturales des visiteurs
Même si les supports de médiation portent principalement sur la religion, il existe tout de même quelques dispositifs qui permettent de développer l’accès aux connaissances historiques, artistiques, architecturales des visiteurs sur les cathédrales bretonnes visitées. Tout d’abord, il est possible de trouver des supports de valorisation qui, bien que très informatifs et utiles, sont peu voire pas mis en avant dans l’édifice. À la cathédrale de Dol-de-Bretagne, le plan de la cathédrale est présenté, avec une légende permettant de constater l’évolution de sa construction : les périodes de construction des différentes parties sont matérialisées par différents aplats colorés. Les parties architecturales de l’édifice sont mentionnées tout comme une série de plusieurs éléments tels que les tombes, tombeaux, cathèdre, chaire, etc. Cet élément de valorisation a été réalisé par Patrick Amiot en 2010 et pourrait être un outil de médiation davantage mis en avant. À côté de ce plan se trouve un tableau répertoriant les mesures de plusieurs cathédrales en Bretagne et dans d’autres régions françaises. Si cela peut être utile à certains visiteurs férus de ce type d’outil, cela a un impact faible en tant qu’outil de valorisation de la cathédrale, qui mériterait d’être exposé de manière plus visible et en lien avec la présentation de la cathédrale proposée par la signalétique développée par l’office de tourisme. Dans la cathédrale de Saint-Malo, une exposition, réalisée par le musée de Saint-Malo et la paroisse pour les 50 ans de la libération de la ville, présente des photos du monument avant et après 1944. Cet outil permet de se rappeler des destructions causées par la guerre sur le patrimoine. Cette exposition pourrait faire l’objet d’une signalétique plus développée pour être « immanquable » : si un interrupteur permet d’éclairer les panneaux, ces derniers sont néanmoins situés dans un espace périphérique au parcours de visite et il est facilement possible de passer à proximité sans s’apercevoir de leur présence. À la cathédrale de Nantes, deux supports d’informations sont très intéressants mais peu mis en avant. Il s’agit tout d’abord des supports textuels sur les deux orgues. Derrière l’orgue de chœur se trouvent des pages très détaillées sur l’historique de l’instrument, sa composition résumée et détaillée. À l’entrée de l’édifice, des éléments d’informations sur le grand orgue sont aussi visibles. Bien que ces informations puissent être complexes pour des non-initiés, elles permettent un apport de connaissances sur ces instruments. Un deuxième support de valorisation tout aussi intéressant mais pas suffisamment mis en valeur est le plan de la cathédrale réalisé par un guide-conférencier, Jean Moy, en 1985, et installé par l’association des Amis de la Cathédrale. Extrêmement détaillé, ce plan de la cathédrale et de son mobilier après restauration est une mine d’informations qui pourrait être un outil de médiation très efficace s’il était davantage mis en avant, en l’adaptant sur un support numérique, interactif par exemple.