La fiscalité au service de l’éco-mobilité

La fiscalité au service de l’écomobilité

Une tendance au verdissement de la fiscalité

La politique du « bâton et de la carotte » à la sauce fiscale dont nous parlons en introduction, a conduit à la création d’une sous-catégorie au sein même du droit fiscal belge, celle de la fiscalité verte. L’objectif de la présente section est d’illustrer, de manière sommaire, par des mesures concrètes cette tendance au verdissement qui a envahi le paysage fiscal belge ces dernières années. Toutefois, afin de coller au plus près de l’objet de notre étude, seuls les incitants fiscaux pouvant avoir une influence sur les déplacements entre le domicile et le lieu de travail seront ici abordés.

Parmi ceux-ci, peuvent être cités sans aucune prétention d’exhaustivité :
– La variation de la déductibilité des frais de voiture, voiture mixte et minibus en fonction des émissions de CO2 tant à l’impôt des sociétés (article 198bis CIR) qu’à l’impôt des personnes physiques (article 66, §1er, al.1er et 2 nouveaux CIR ) ;
– La prise en compte du caractère polluant du véhicule dans le calcul de l’avantage de toute nature (ci-après « ATN ») résultant de la mise à disposition d’une voiture de société (article 18, §3, 9° de l’AR/CIR ) ;
– La fluctuation de l’importance de l’exonération de l’indemnité octroyée par l’employeur en paiement ou en remboursement des frais de déplacement domicile lieu de travail (article 38, 9° CIR) ;
– L’exonération de l’avantage social résultant de la mise à disposition du travailleur de certains moyens de transport pour effectuer ses déplacements domicile-lieu de travail tels que le transport collectif organisé et le vélo (article 38, 11° et 14° CIR)
– L’existence d’une contribution de solidarité à charge des employeurs variable selon le taux de CO2 rejeté par une voiture de société ;
– L’existence d’un régime d’exonération des plus-values réalisées sur les véhicules d’entreprise subordonné au remploi de l’intégralité de celle-ci dans l’acquisition d’un véhicule écologiquement responsable (article 44bis CIR) ;
– Les primes à l’achat d’un véhicule « zéro émission » (article 145/28 CIR).

Outre les exonérations, déductions et régimes favorables spécifiques qu’elle organise, la fiscalité verte permet également, dans certaines circonstances, de déduire des frais supérieurs à ceux qui ont été réellement supportés. Ainsi, les frais de mise à disposition d’une bicyclette de société bénéficient d’une déduction majorée de 20%. De même, le forfait de 0,15 euro du kilomètre, est également applicable aux déplacements en vélo et à pied, même lorsque leur coût est inférieur.

Cependant, des contraintes de nature budgétaire ainsi que le souci d’éviter les abus peuvent parfois obliger le législateur fiscal à réfréner l’excès de conscience écologique animant les contribuables, voire à faire machine arrière. C’est ainsi que l’exonération de l’intervention patronale dans les frais de déplacement-domicile lieu de travail n’est accessible qu’aux travailleurs dont les frais professionnels sont fixés forfaitairement. Plus récemment, la déductibilité majorée de 20% des dépenses liées à la mise en place du transport collectif organisé (ci-après « TCO ») a été supprimée.

Une autre manière de prévenir l’excès de « carottes fiscales » consiste à définir de façon restrictive les notions sur lesquels repose la fiscalité des déplacements domicile-lieu de travail. La règle dite des quarante jours nécessaire à l’existence d’un lieu fixe de travail ou encore la notion de véhicules propres subordonnant l’application du forfait de 0,15 euro du kilomètre visée à l’article 66, §4 CIR relèvent de cette catégorie. Enfin, des limites peuvent également conditionner la consommation d’avantages fiscaux verts. Ainsi, pour pouvoir recourir au forfait de l’article 66bis CIR, la distance entre le domicile et le lieu de travail ne peut excéder cent kilomètres. L’assemblage des différentes pièces du « patchwork fiscal mobilité » peuvent permettre de faire rimer économie et écologie, tout particulièrement dans le cadre des déplacements domicile-lieu de travail où le cumul des avantages fiscaux est souvent autorisé et dans la mesure où ceux-ci peuvent profiter tant au travailleur qu’à l’employeur. L’ensemble de cet arsenal fiscal vert converge vers un seul et même objectif : celui d’amener les contribuables à diversifier leurs modes de déplacement, sans pour autant clouer au pilori l’usage de la voiture. Bien au contraire, il s’agit plutôt d’inciter à la collectivisation des moyens de transport, que ceux-ci soient publics ou organisés. De plus, le développement secteur de l’automobile a également démontré l’existence d’alternatives aux énergies fossiles avec l’apparition des voitures électriques ou propulsées à l’énergie solaire. Ce bref descriptif permet de comprendre la logique sous-jacente aux normes appartenant à la récente mais déjà grande famille de la fiscalité verte. Les mesures ici brièvement évoquées feront l’objet de plus amples développements dans les lignes qui suivent.

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La mobilité des travailleurs en pratique et en chiffres

Les analystes de l’évolution de la demande de transport dans les années à venir prédisent une augmentation du trafic autoroutier de 20% à l’horizon 2030.  Le réseau ferroviaire ne sera pas, lui non plus, épargné par cette inflation avec une hausse du taux de fréquentation d’environ 55% en 2025.  Ces perspectives d’avenir reflètent l’importance des enjeux de la question qui nous (pré)occupe. En effet, les infrastructures routières existantes ainsi que les espaces dédiés aux transports publics seront-ils en mesure d’absorber cette demande de transport en constante croissance ? Faudra-t-il, au contraire, craindre l’émergence d’une « mobilité du chaos » ?  Pour tenter d’apporter des réponses, il nous semble opportun d’étayer notre analyse de quelques données chiffrées relatives aux déplacements domicile lieu de travail. A cette fin, nous pencherons d’abord sur le diagnostic des déplacements domicile-lieu de travail, fruit d’une enquête du SPF Mobilité  , avant de tenter d’identifier les raisons qui peuvent pousser un travailleur à privilégier un moyen de transport au détriment d’un autre.

Table des matières

INTRODUCTION
I. LA FISCALITE AU SERVICE DE L’ECO-MOBILITE
1. Une tendance au verdissement de la fiscalité
2. La mobilité des travailleurs en pratique et en chiffres
2.1. Diagnostic des déplacements domicile-lieu de travail
A. Les objectifs de l’enquête fédérale
B. Les principaux chiffres révélés par l’enquête
2.2. Les facteurs influençant le choix d’un moyen de transport
A. La voiture personnelle
B. La voiture de société
C. La bicyclette (de société ou non)
D. Les transports publics
E. Le covoiturage
F. Brèves conclusions
II. LA FISCALITE DES DEPLACEMENTS ‘DOMICILE-LIEU DE TRAVAIL’
1. Notion de déplacement « domicile-lieu de travail »
1.1. Déplacement à prendre en considération
1.2. Durée du déplacement et détour(s) éventuel(s)
1.3. Plusieurs déplacements domicile-lieu de travail par jour
1.4. Plusieurs lieux fixes de travail
2. Le travailleur se déplace par ses propres moyens
2.1. Principes généraux
A. Déductibilité des frais dans le chef du travailleur
a) Utilisation d’un véhicule « propre » ou mis à disposition
b) Utilisation d’un autre moyen de transport
c) Cumul possible des différents forfaits
B. Exonération de l’intervention éventuelle de l’employeur
2.2. Régime fiscal propre à chaque moyen de transport
A. Le véhicule privé
a) La voiture, la voiture mixte ou le minibus
b) La motocyclette
c) La camionnette
B. Le vélo privé
C. Le covoiturage (hors transport collectif organisé)
a) Dans le chef du travailleur-chauffeur
b) Dans le chef du travailleur-passager
D. La marche à pied
3. L’employeur organise les déplacements domicile-lieu de travail
3.1. Principes généraux
A. L’imposition d’un avantage de toute nature dans le chef du travailleur
B. La déductibilité des frais de mise à disposition dans le chef de l’employeur
C. Aspects de TVA
3.2. Régime fiscal propre à chaque moyen de transport
A. Le véhicule de société
a) La voiture, la voiture mixte ou le minibus de société
(i) Dans le chef du travailleur
(ii) Intervention personnelle du bénéficiaire de l’avantage
(ii) Dans le chef de l’employeur
1) Employeur personne physique
2) Employeur société
2.1.) Variation de taux de déductibilité en fonction du caractère polluant du véhicule
2.2.) Dépense non admise
b) La motocyclette de société
c) La camionnette de société
B. La bicyclette de société
C. Le transport collectif organisé (TCO)
a) Principes généraux
b) Avec la voiture personnelle du travailleur-chauffeur
(i) Dans le chef du travailleur-chauffeur
(ii) Dans le chef du travailleur-passager
c) Avec la voiture de société du travailleur-chauffeur
(i) Dans le chef du travailleur-chauffeur
(iii) Dans le chef du travailleur-passager
D. La mise à disposition d’une carte carburant
4. Le travailleur recourt aux transports publics
4.1. Le train
4.2. Le métro, le bus et le tram
4.3. Les transports publics combinés
5. Le budget mobilité
5.1. Notion et modalités d’octroi
5.2. Traitement fiscal et social
5.3. Contenu de l’allocation mobilité
III. L’ECO-MOBILITE, UNE PREOCCUPATION QUI DEPASSE NOS FRONTIERES ?
1. La France
2. L’Allemagne
3. Les Pays-Bas
4. La Norvège
CONCLUSION

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