LA FIDELITE AU SERVICE
Le concept de fidélité au service
La fidélité du consommateur constitue pour le secteur des services un atout considérable puisqu’il est plus facile de servir un client fidèle et familier avec l’environnement et le personnel du service d’autant plus que ce type de client permet une plus grande profitabilité pour l’entreprise. La littérature sur le marketing des services a abordé de manière moins approfondie le thème de la fidélité comparée à la littérature sur les biens de grande consommation ou les biens durables [Javalgi & Moberg69 (1997), Gremler & Brown70 (1996)]. Pourtant, étant donné les caractéristiques des services par rapport aux biens tangibles, la fidélité apparaît comme un des aspects les plus importants dans le comportement des consommateurs. Il est en effet, plus difficile pour un consommateur de changer souvent de banque ou de coiffeur que de boîte de conserve de tomate ou de tube de dentifrice. C’est seulement depuis quelques années que les chercheurs commencent à conceptualiser, opérationnaliser et modéliser la fidélité dans le contexte des services. En considérant la théorie de la fidélité à la marque comme plate-forme pour définir et analyser toute autre forme de fidélité du consommateur [Uncles et al71 (2003)], les chercheurs semblent en accord quant à la définition de la fidélité au service. De ce fait, la majorité des recherches étudiant la fidélité dans le domaine des services estime que la conceptualisation et la définition proposées pour la fidélité à la marque restent valables pour les services. Nonobstant, elles suggèrent que les résultats trouvés dans le domaine de la marque ne peuvent être généralisés au contexte des services. En effet, contrairement à la fidélité aux produits tangibles, dans le contexte des services : la fidélité est rattachée aux relations interpersonnelles. L’interaction entre le consommateur et le personnel en contact constitue dans ce contexte le pivot de la fidélité et du marketing des services en général [Berry72 (1995), Czepiel & Gilmore73 (1987)] ; le risque perçu est plus élevé et constitue une barrière au changement de fournisseur de service. La fidélité constitue dans ce cas une stratégie de réduction de risque [Zeithaml et al74 (1981)] ; la fidélité est plus répandue entre les consommateurs lorsqu’il s’agit d’un service [Snyder75 (1986)] ; les consommateurs ont plus tendance à être mono fidèles [Rundle-Thiel & Macka76 (2001)] ; les attributs intangibles comme la crédibilité et la confiance jouent un rôle clé dans le développement de la fidélité [Dick & Basu77 (1994)]; les variables affectives jouent un rôle important dans la détermination de la fidélité et en particulier la variable satisfaction [Dick & Basu78 (1994), Gremler & Brown79 (1998)]. Mis à part ce constat, dans de récentes recherches, on estime que l’intégration des cognitions semble être d’un apport majeur dans la compréhension de la fidélité au service [Oliver80 (1999), Butcher Sparks & O’Callaghan81 (2001), Caruana A82 (2002)] par le fait que celles-ci traduisent le choix d’un produit/service sur la base d’une évaluation des alternatives possibles. Enfin, la tridimensionnalité de la fidélité au service a été reconnue et validée par de nombreux chercheurs qui suggèrent que la fidélité du consommateur au service requiert la prise en compte simultanée des croyances du consommateur (cognition), des sentiments et intentions du consommateur (attitude) et de l’action de ré-achat (comportement) [Kandampully83 (1998), De Ruyter. K. & Bloemer. J84 (1998)]. A travers ces trois aspects : comportemental, attitudinal et cognitif, la fidélité à un service peut être définie comme « un comportement répétitif d’achat pour un même fournisseur de service envers qui le consommateur développe une attitude favorable et qu’il considère comme le premier choix parmi un ensemble d’alternatives possibles. » [Fehri Belaid. D & Temessek Behi, A85 (2005)]. Cette conceptualisation ne constitue donc pas une rupture totale avec la conceptualisation de la fidélité à la marque mais plutôt une extension. Toutefois, si la fidélité est le résultat des antécédents que nous avons traités jusqu’à présent, il s’avère qu’elle peut être caractérisée par une relative vulnérabilité. C’est la raison pour laquelle certains auteurs ont tenté de l’expliquer par une approche relationnelle. L’objectif ici ; est de maintenir la clientèle à long terme, ce qui exige des gestes et demande d’instaurer des barrières à la sortie qui enferment le client dans une « auto-isolation » des actions concurrentielles, dans un contexte dense de relations sociales, en quelque sorte un « village », et qui conduisent à une immersion totale de son identité avec la marque [Oliver86 (1999)].
L’approche relationnelle
D’après Dubois et Laurent87 (1999), « même si la fidélité à la marque constitue une idée ancienne et centrale dans la pratique du marketing, elle reste un construit faiblement compris et mesuré ». La recherche sur la fidélité comme nous l’avons noté plus haut, a donné lieu tour à tour (1) à des modèles comportementaux centrés sur les fréquences et proportions d’achat de la marque, (2) à des modèles attitudinaux centrés sur les prédispositions, les préférences, les attitudes relatives et les intentions de réachat, (3) à des modèles composites alliant simultanément l’observation et l’anticipation du ré-achat ; et enfin (4) à des modèles de satisfaction fondés sur la comparaison subjective des attentes du consommateur à la performance perçue de l’offre , ainsi que sur les expériences personnelles passées. Cependant, la fidélité résultant des antécédents que nous avons traités jusqu’à présent est caractérisée par une relative fragilité. C’est la raison pour laquelle certains auteurs ont tenté de l’expliquer par une approche relationnelle. Définir la fidélité dans toute sa dimension relationnelle revient alors à considérer le lien intense mais non directement observable établi entre le consommateur et la marque. La fidélité est une force qui conduit le consommateur à résister au changement de marque et ceci en dépit des situations d’achat et de consommation qu’il rencontre [Oliver R.L88 (1997)]. Dans cette perspective, la fidélité s’exprime par la présence d’un « lien très fort et non directement observable ; une force qui conduit le consommateur à résister au changement, à résister à des insatisfactions ponctuelles ou à des contre persuasions » [Aurier et al89 (2001)]. Etre fidèle c’est donc maintenir ses comportements en cas d’insatisfaction ponctuelle ou de contre-persuasion [N’Goala90 (2000)]. Par conséquent, dans le but de fidéliser les clients, une stratégie intéressante est l’utilisation d’une approche relationnelle [Berry91 (1995)]. Cette approche vise la création, le développement et le maintien d’une relation d’échange personnalisée entre vendeurs et acheteurs, basée sur la confiance et qui se situe dans une perspective à long terme [Perrien et al92 (1993)]. En effet, Fournier et Yao93 (1997) ont défini la fidélité dans cette perspective relationnelle. Cette définition rejoint le rapprochement effectué entre le relationnel et le concept de mariage tel que discuté par Perrien et Ricard94 (1992). Ainsi, avec cette approche, on considère le consommateur comme un partenaire engagé dans une relation exclusive avec une ou des marques. On parle alors de fidélité multiple. Evans. F.B et Laskting. R.L95. (1994) définissent le marketing relationnel comme « un processus par lequel une firme construit une alliance à long terme avec ses clients et ses prospects pour qu’acheteur et vendeur puissent travailler ensemble vers des buts communs. ».