Le secteur agricole, qui englobe la production agricole stricto sensu, la foresterie, la pêche et l’élevage, est la principale source de revenus et d’emplois pour 70 % de la population mondiale pauvre vivant en zones rurales (World Bank, 2014).
Sur le plan agricole, le Cameroun dispose de nombreux atouts naturels non exploités (Pinlap, 2012). En effet, il dispose de ressources naturelles variées et abondantes, avec cinq zones agro-écologiques dans lesquelles toutes les techniques d’agriculture et d’élevage les plus intensives peuvent prospérer (Ministère de l’économie de la planification et de l’aménagement du territoire ([MINEPAT], 2009). Malgré ses nombreux atouts, le Cameroun présente à regret une agriculture « peu à la pointe et peu productive » (MINEPAT, 2009), même si elle occupe une place de choix dans son économie (Pinlap, 2012). Elle emploie 60% de la population active, est la principale source de revenu des populations rurales et contribue pour environ 21% au PIB (Institut National de la Statistique, 2013).
Ainsi, ce secteur occupe une place stratégique dans l’économie nationale en termes de création de richesses, d’échanges extérieurs, d’emplois, de stabilité sociale, de sécurité, d’autosuffisance alimentaire et d’amélioration du cadre de vie en milieu rural. Depuis son indépendance, l’agriculture camerounaise a connu des mutations institutionnelles, marquées chaque fois par des orientations politiques visant à organiser la production agricole. L’Etat aura ainsi usé avec plus ou moins de réussite de différents types de mesures et d’instruments en matière de politique agricole (Ondoa, 2006).
Selon Ondoa (2006) , dans un premier temps et jusqu’en 1985, l’Etat s’est fait le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre des actions à mener pour atteindre les objectifs de développement arrêtés pour le secteur agricole dans les plans quinquennaux de développement successifs (1960-1986). Cependant, cet interventionnisme poussé a présenté des insuffisances avec un système d’encadrement peu performant, des agents de contact insuffisamment formés et peu nombreux, un accès insuffisant des paysans aux intrants et autres facteurs de production (Achancho et Lothoré, 2008). À ces insuffisances sont venus s’ajouter les programmes d’ajustement structurels de la Banque Mondiale avec comme conséquence immédiate la libéralisation du secteur agricole et un allègement important du dispositif public d’intervention dans le secteur agricole (Achancho et Lothoré, 2008).
Depuis le début des années 2000, un regain d’intérêt pour le secteur agricole et les programmes de vulgarisation est observé chez les Etats et les bailleurs de fonds (Simpson et Owens, 2002). Ces derniers mobilisent désormais d’importantes ressources pour la recherche, le développement et la diffusion de nouvelles techniques de production (Simpson et Owens, 2002). L’Etat camerounais ne déroge pas à cette règle au regard de la multitude de projets implémentés par les ministères en charge du développement rural et des activités associées. Fongang (2008) dénombre d’ailleurs plus de 80 programmes et projet relevant du secteur agropastoral au Cameroun. Toutefois, en dépit des efforts consentis, l’agriculture camerounaise comme celle de bon nombre de pays en voie de développement se caractérise par une faible productivité (MINEPAT, 2009). Une situation qui s’explique en partie par : i) l’incapacité des petits producteurs à accéder aux nouvelles technologies et à mécaniser leur production ; ii) leur faible accès aux marchés compétitifs ; iii) leur forte vulnérabilité aux fluctuations des prix des inputs, des produits agricoles et aux changements climatiques (Regassa, 2011). Selon Aker (2010), cette faible productivité s’explique par, les contraintes d’accès aux ressources (terre, capital, main d’œuvre), la croissance de la population et une sous utilisation des technologies agricoles améliorées. L’un des facteurs limitant l’accès et l’adoption de ces technologies par les producteurs est leur faible accès aux informations concernant les nouvelles technologies développées (Franzel et al., 2001 ; Annor-Frempong et al., 2006 ; Aker, 2010).
Par ailleurs, Garfoht et al. (2003) cité par Yaw et al. (2013) estiment que les problèmes d’informations et les déficits de connaissances sont des contraintes clé au fonctionnement efficace des marchés ; à une croissance et un développement équitable. La Banque Mondiale et l’organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) (2000) pensent d’ailleurs que, l’amélioration de la productivité rurale, de l’équité sociale et de la compétitivité requiert un système efficient et efficace d’informations et de connaissances agricoles qui, lie les individus et les institutions pour promouvoir un apprentissage mutuel, la genèse, le partage et l’utilisation des technologies, des connaissances et des informations agricoles. Le défi auquel sont dès lors confrontés les systèmes nationaux de vulgarisation agricole, et celui du Cameroun en particulier, est de trouver une stratégie permettant de mettre à la disposition du grand public toutes les connaissances et technologies agricoles disponibles (FAO, 2008). Tous les acteurs dudit système se trouvent dès lors interpellés pour relever ce défi. C’est dans ce contexte que le World Agroforestry Center (ICRAF), qui œuvre dans le développement de l’agroforesterie, a initié l’appui à la formation théorique et pratique des acteurs impliqués dans l’agroforesterie.
Les contraintes qui expliquent la faible performance de l’agriculture camerounaise tel que mentionnée plus haut incluent : les difficultés d’accès à l’information; la valorisation limitée des résultats de la recherche agricole; le manque de financement des agriculteurs; le manque de concertation et de coordination entre les différents acteurs de développement rural dans la mise en œuvre des stratégies et politiques adoptées par l’Etat; la difficulté d’accès aux intrants de qualité, en quantité suffisante; le manque ou la non maîtrise des techniques modernes de production, de conservation et de transformation des produits agricoles en général (FAO, 2008). Ces contraintes traduisent de faibles performances des dispositifs de vulgarisation existants. L’agroforesterie comme sous-secteur de l’agriculture n’échappe pas à ces contraintes. Dans le but de remplir sa mission à savoir la transformation des vies et des paysages grâce aux arbres, l’ICRAF a développé et expérimente au Cameroun depuis quelques années un nouveau dispositif de vulgarisation : les centres de ressources ruraux (CRR). Ceci s’inscrit dans la volonté de l’ICRAF de vulgariser l’agroforesterie comme pratique culturale, d’offrir de nouvelles opportunités aux populations rurales et d’améliorer leurs conditions de vie. Ces centres sont des lieux de rendez-vous où de nouvelles techniques sont développées et démontrées, et où les producteurs peuvent venir pour des informations, des expérimentations et des formations sur des sujets variés (Degrande et al., 2012a). Selon Tchoundjeu et al. (2012), ces CRR constituent des éléments clés dans la mise en œuvre de la domestication participative des arbres par l’ICRAF.
Il est reconnu que le développement socio-économique du monde rural et des exploitations agricoles en général repose sur l’offre de service de conseils techniques et économiques dont les besoins sont de plus en plus croissants chez les producteurs (Comité de suivi des actes de l’atelier de Bohicon, 2003). Par conséquent, les dispositifs de vulgarisation et de conseil agricole se doivent d’assurer le transfert de nouvelles connaissances aux producteurs et la fourniture de services adaptés à leurs besoins. La disponibilité et la circulation d’informations de qualité deviennent alors importantes pour l’atteinte des objectifs de développement agricole et rural assignés aux dispositifs de vulgarisation (Norton, 2005).
A l’heure actuelle, les méthodes de vulgarisation inappropriées ont contribué à une faible adoption des innovations agricoles en général et agroforestières en particulier. En effet, les innovations agroforestières sont complexes, font appel à de nombreuses connaissances, impliquent plusieurs composantes (culture, arbre et animaux), nécessitent l’apprentissage de nouvelles techniques tel que l’établissement des pépinières, et ne procure des bénéfices que sur le long terme (Franzel et al., 2001). Ce qui rend leur adoption particulièrement difficile comparativement aux autres innovations. L’insuffisance du matériel végétal de qualité constitue une contrainte majeure à l’adoption de ces innovations (Takoutsing et al., 2012). Degrande et al. (2012b) précisent d’ailleurs que la disponibilité en quantité, en qualité et à un prix abordable du matériel végétal est incitative à l’arboriculture.
Chapitre 1 :INTRODUCTION |