La détection des atomes d’hélium métastables
Problématique de la détection de l’ H e*
Les techniques de détection de l’ H e* peuvent être classées en deux catégories, distinguées par le type d’interaction mise en oeuvre: interaction H e*-surface métallique (détection « électronique ») ou interaction H e*-laser sonde (détection » optique »). Nous détaillons ces différentes techniques dans les deux parties qui suivent. La possibilité d’une détection électronique constitue un avantage certain des atomes métastables comme l’H e* ou le N e*. Ce type de détection ad’ailleurs été systématiquement utilisé dans les expériences antérieures sur l’ H e*. D’interprétation simple, elle permet des mesures quantitatives du flux d’atomes métastables. Des dispositifs comme les galettes de micro-canaux constituent par ailleurs un outil remarquable pour imager la distribution spatiale à deux dimensions d’un faisceau atomique. I.:inconvénient majeur de la détection électronique est qu’elle nécessite l’introduction de pièces matérielles dans le faisceau atomique. Ceci la rend parfois difficilement compatible avec la mesure recherchée. Ainsi, lorsque l’on veut détecter des atomes ralentis, la plaque de détection doit être transparente pour laisser passer le faisceau laser ralentisseur. D’autre part, on souhaite à long terme disposer de points permanents de diagnostic du jet atomique. La détection électronique implique alors l’utilisation de systèmes de translation sous vide. Enfin, les informations fournies par les méthodes optiques sont souvent complémentaires de celles obtenues par détection électronique: la sélectivité en vitesse de la détection optique permet ainsi d’obtenir facilement certaines quantités, pour lesquelles l’emploi de la détection électronique serait plus fastidieux. C’est pourquoi nous avons privilégié, lorsque cela était possible, l’utilisation des méthodes de détection optique. Toute la détection est effectuée à la même longueur d’onde que celle utilisée pour la manipulation des atomes (À = 1,083 Ilm), ce qui évite de compliquer l’expérience. Ce type de détection se distingue par sa grande souplesse d’utilisation, et constitue un outil de choix pour l’analyse des distributions des vitesses atomiques. En revanche, l’interprétation 26 Chapitre II. La détection des atomes d’hélium métastables des signaux est souvent plus délicate que dans le cas de la détection électronique, et la sensibilité est plus faible.
La détection électronique
Lorsqu’un atome d’H e* interagit avec une surface métallique, l’énergie stockée sous forme interne (~ 20 eV) est largement suffisante pour extraire un électron de celle-ci 4, avec une probabilité proche de l’unité. En mesurant le courant ainsi créé, on remonte donc de façon simple au nombre d’atomes métastables qui frappent la surface par unité de temps. La version la plus simple de cette technique, connue sous le nom de « plaque de Faraday », est schématisée sur la figure (II-l): le détecteur est une simple plaque métallique, à laquelle on applique une faible tension négative; les électrons extraits par les atomes d’ He* sont donc repoussés par la plaque et captés par la paroi métallique qui entoure le dispositif, reliée à la terre. Un picoampèremetre mesure le courant débité, qui est directement relié au débit d’atomes d’ He* frappant la plaque. En se basant sur les valeurs publiées dans la littérature , on peut estimer l’efficacité du processus de détection à environ 50 %. . La plaque métallique P est portée à un potentiel négatif(rv 10 V) ; un atome d’He* quifrappe la plaque lui arrache un électron. Le courant résultant est mesuré à l’aide d’un picoampèremètre. la « fonction de travail » d’un métal, qui caractérise l’énergie nécessaire à l’extraction d’un électron, est typiquement de quelques eV.On peut augmenter considérablement la sensibilité de cette méthode en utilisant un multiplicateur d’électrons (gain typique pour le modèle utilisé: de 1 à 107, suivant la tension utilisée); il devient alors possible de détecter individuellement les atomes. Les électrons produits lorsque les atomes métastables frappent les parois des canaux sont multipliés (a) et accélérés vers un écran de phosphore (b); les photons émis sont détectés avec une caméra CCD. Enfin, on peut combiner l’amplification électronique avec la résolution spatiale en utilisant une galette de micro-canaux, ou MCP. Ce système, représenté sur la figure (II-2) (a), est l’ équivalent d’un multiplicateur d’électrons « multi-canaux »; il est constitué d’un réseau de fibres creuses inclinées, dont les parois internes sont tapissées d’un matériau multiplicateur d’électrons. Lors de l’opération, on applique une haute tension entre les deux faces de la galette: lorsqu’un atome d’ H e* frappe la paroi en début de fibre, il extrait un électron qui est accéléré et qui, lors de chacun de ses impacts ultérieurs sur la paroi, génère une « gerbe » d’autres électrons. On a donc un phénomène de « cascade » qui permet une amplification importante (typiquement s: 104, dans le cas d’un seul MCP 5). L’utilisation de deux galettes de micro-canaux, montées en série, permet de gagner plusieurs ordres de grandeur supplémentaires sur l’amplification. En adjoignant au MCP un écran de phosphore, comme cela est indiqué en (b), on convertit les électrons en photons visibles, qui sont détectés par une caméra CCD; on obtient ainsi un détecteur sensible et possédant une bonne résolution spatiale (::::::: 100 {Lm). Notre système de détection à MCP a été conçu et expérimenté par Dirk Voelker, lors de son séjour de Diplomarbeit dans notre groupe; la conception en a été orientée pour autoriser une grande souplesse d’utilisation, le dispositif étant entièrement et facilement démontable. Ce type de détecteur s’est avéré irremplaçable pour de nombreuses étapes de cette expérience, en particulier lors des phases d’alignement.
La détection optique
Nous nous intéressons dans cette section à la détection optique de l’hélium métastable. Nous utilisons à cet effet les rappels sur l’interaction entre un atome et un champ laser (voir chapitre [1]). Nous introduisons tout d’abord les paramètres de l’H e* qui j ouent un rôle dans la manipulation par laser. Nous décrivons brièvement les conséquences de la sélectivité en vitesse qui caractérise ce type de détection. Nous consacrons un paragraphe à chacune des techniques employées, à savoir les mesures de la fluorescence et de l’absorption. Nous analysons les signaux obtenus dans les deux situations. Enfin, nous discutons brièvement des mérites respectifs de ces différentes techniques.
Paramètres importants de l’H e*
Nous avons représenté sur la figure (II-3) le schéma des niveaux de l’H e* qui sont utilisés dans cette expérience pour manipuler et détecter les atomes. Lesétats métastables 23SI (état « triplet ») et 21So (état « singulet ») sont excités à partir de l’état fondamental 11S0 , par un mécanisme détaillé dans le paragraphe [III. 2}. L’énergie considérable stockée dans ces niveaux métastables (…….., 20 eV) permet notamment, comme nous l’avons déjà mentionné, de modifier les propriétés d’une couche sensible dans un processus de: lithographie. On utilise l’état triplet dont la durée de vie est de 8000 s [46] (contre 19, 5 msseulement pour l’état singulet [47]). Comparée au temps de transit des atomes dans l’expérience, la durée de vie de l’état 23SI est donc pratiquement infinie. La transition utilisée pour la manipulation par laser et la détection s’effectue, pour une longueur d’onde À 1,083 {Lm, entre l’état métastable 23SI et l’état excité 23P2 ; il s’agit donc d’une transition J = 1 —t J = 2. La figure (II-4) illustre les différentes transitions observées par absorption saturée dans une cellule d’hélium aux alentours de À = 1,083 {Lm. On note l’importante séparation qui existe entre les différentes transitions; les transitions 23SI —t 23P2 et 23SI —t 23 g sont séparées de 2, 3 GHz, tandis que la transition 23SI —t 23Po est décalée de 29,9 GHz vers le bleu. S1 état I/triplet » état fondamental Figure 11-3 : Niveaux d’énergie de l’hélium pour la manipulation par laser. La source produit les états métastables 2180 (état ‘Singulet ») et 23 81 (état « triplet ») qui sont tous deux caractérisés par une énergie stockée de l’ordre de 20 eV. On utilise la transition du niveau jondamental » 2381 (durée de vie t’V 8000 s) vers le niveau excité 23P2pour la manipulation par laser et la détection optique. La longueur d’onde de la transition est À = 1,083 J.Lm. On a regroupé dans la table (II.l) ci-dessous les valeurs des paramètres importants pour la manipulation par laser de l’hélium, ainsi que celles correspondant à d’autres espèces atomiques. On note en particulier la valeur élevée de la vitesse de recul pour l’hélium (due à sa faible masse), ainsi que que les valeurs réduites de la largeur naturelle et de l’intensité de saturation.
3. B La détection à 1,08 microns
Si elles sont d’usage courant dans les expériences avec les alcalins, les techniques de caractérisation optiques ont été relativement peu employées dans les expériences sur l’He*. Ceci tient essentiellement au fait que la longueur d’onde À 1,083 Mm, correspondant à la transition 23SI -t 23P2 que nous utilisons pour la manipulation par laser, est située dans la « queue d’absorption » du silicium dont l’énergie de gap vaut Eg ~ 1 eV. Il en résulte une efficacité de détection, pour les photodétecteurs « standard » basés sur ce matériau, qui peut être considérablement réduite par rapport aux valeurs obtenues dans le visible. Ainsi, le catalogue Hamamatsu annonce pour ses photodiodes un rendement quantique d’environ 0,1 pour ).. = 1,083 ftm, contre 0,8 à 550 nm. Nous avons effectués des mesures comparatives avec différents types de détecteurs, photodiodes et CCD. On constate que du fait du faible rendement quantique, la sensibilité d’un photodétecteur donné dépend assez fortement de la technologie ,utilisée, en particulier pour les CCD. A titre d’exemple, nous avons comparé les efficacités de détection d’un CCD aux longueurs d’ondes). 1,083 ftm et).’ = 780 nm, cette dernière correspondant à la transition de la raie D2 du rubidium: on trouve une différence de plus de deux ordres de grandeurs entre ces deux longueurs d’onde. Pour s’affranchir de ce problème, on peut chercher à exploiter d’autres transitions de l’ H e* ; divers schémas de détection ont été proposés [29] et utilisés [35] . Cependant, ces techniques impliquent toutes l’utilisation de plusieurs lasers à différentes longueurs d’ondes, ce qui augmente le degré de complexité des expériences. Notre démarche, qui a été d’utiliser systématiquement la transition 2381 –+ 23 P2, nous a conduit à mettre au point des techniques de détection comparativement simples à mettre en oeuvre et satisfaisantes du point de vue rapport signal à bruit. l?intensité du faisceau de métastab les s’est en effet révélée suffisante pour permettre la détection par ces techniques à tous les stades de l’expérience.