La déshydratation hypernatrémique du nouveau-né

La déshydratation hypernatrémique du nouveau-né

Définitions 

 La déshydratation

 La déshydratation aiguë est l’ensemble des manifestations cliniques et biologiques en rapport avec un déficit hydrique lié soit à des pertes excessives d’eau et d’électrolytes, soit à un défaut d’apport, soit à la constitution d’un troisième secteur, le tout de façon non compensée.  L’hypernatrémie : natrémie supérieure ou égale à 150 mmol/litre  La période néonatale : C’est la période qui s’étend du 1er au 28ème jour de vie révolu. 2. Épidémiologie Dans la littérature, la prévalence de la déshydratation hypernatrémique est variable. Les premières publications remontent à quelques décennies dans les pays Occidentaux [8]. Depuis cette période, de très nombreuses publications ont été faites sur le sujet  Au cours des années 1980, des prévalences très élevées avaient été rapportées et la DHN pouvait concerner jusqu’à 42.5% des nouveau-nés hospitalisés en soins intensifs [14]. Cette période correspondait à une tendance générale à recourir à l’allaitement artificiel systématique, par effet de mode et les laits infantiles n’étaient pas réglementés en termes de composition. Ainsi on trouvait des préparations contenant des teneurs importantes en sodium, favorisant ainsi la survenue des hypernatrémies. Les erreurs diététiques occupaient donc une place très importante. Les données plus récentes font état de prévalences plus faibles entre 5,4 à 9 pour mille naissances vivantes [30], 2,3%o[36] ou entre 2,5et 4% de toutes les hospitalisations de nouveau-nés à terme [49, 35]. Dans d’autres études, les déshydratations hypernatrémiques représentaient proportionnellement 1 à 11% de toutes les déshydratations néonatales Les prévalences sont généralement plus élevées dans les pays en développement comparés aux pays développés où la situation semble rare actuellement

Rappel sur les compartiments hydriques du nouveau-né et sa régulation

Les compartiments hydriques du nouveau-né

 L’eau représente l’élément le plus important entrant dans la composition corporelle et cela à tous les âges. Le pourcentage d’eau de l’organisme et sa répartition se modifient considérablement pendant la vie fœtale et postnatale. Les variations sont en rapport avec la croissance cellulaire et l’accroissement progressif de la masse grasse. Ainsi :  Chez l’adulte et le grand enfant, l’eau constitue 60% du poids  Chez le nouveau-né à terme : l’eau représente 75% du poids  Chez le grand prématuré ou le RCIU : l’eau peut représenter jusqu’à 80 à 90% du poids. L’eau se répartit dans trois compartiments  Intracellulaire  Extracellulaire interstitiel  Extracellulaire intra vasculaire 

Répartition des compartiments hydriques

Elle varie avec l’âge chez le nouveau-né et le nourrisson (Figure I). Chez le nouveau-né prématuré et à terme, on note une prépondérance de l’eau extracellulaire, ce qui l’expose plus au risque de déshydratation.  Figure 1: Répartition des compartiments hydriques en fonction de l’âge 

 Composition des différents compartiments hydriques de l’organisme

Cette composition varie très peu en fonction de l’âge. La Figure II représente la teneur en divers électrolytes au niveau des différents compartiments. CATIONS: – Sodium= Principal cation extracellulaire – Potassium= Principal anion intracellulaire – Rôle important da la pompe Na/K ATPase pour maintenir cet équilibre ANIONS – Protéines et phosphates : principaux anions intracellulaires – Chlore, bicarbonates, protéines : principaux anions intravasculaire – chlore et protéines : principaux anions dans l’interstitium 

Mouvements d’eau et d’électrolytes entre différents compartiments hydriques 

Pour comprendre ces mouvements il est important de comprendre un certain nombre de notions que nous allons expliquer.  Définition de certaines notions • Osmolalité= somme des concentrations totales de toutes les molécules dissoutes dans 1Kg de solvant comme l’eau (normale= 285+/-10 mosm/kg H2O). L’osmolalité se mesure au laboratoire • Osmolarité= somme des concentrations de toutes les molécules dissoutes dans 1 litre de soluté tel que le plasma -Osmolarité= (natrémiex2)+ glycémie+ Urée (tout exprimé en mmol/litre) – Le sodium représentant la quasi-totalité des osmoles efficaces du secteur extracellulaire  Tonicité plasmatique = osmolalité efficace C’est la portion de l’osmolalité qui régit les mouvements à travers les cellules. Elle dépend de la concentration des substances dissoutes non diffusibles endogènes (Exemple le sodium) et exogènes (Exemple le mannitol). Les substances diffusibles telles que l’urée (endogène) et l’alcool (exogène) sont osmotiquement inefficaces. Tonicité plasmatique = (Natrémie x 2)+ glycémie = Osmolalité mesurée- urée sanguine Ainsi les mouvements de l’eau libre vont dépendre essentiellement des modifications de la tonicité plasmatiques, donc de la natrémie.  Les mouvements d’eau entre compartiments hydriques  Entre le secteur vasculaire et l’interstitium Les mouvements d’eau obéissent à la loi de Starling (figure) Dans le secteur artériel capillaire, la pression hydrostatique est supérieure à la pression oncotique liée aux protéines et l’eau passe du secteur vasculaire vers le secteur interstitiel. Dans le secteur veineux capillaire, la pression oncotique est supérieure à la pression hydrostatique et l’eau passe du secteur interstitiel vers le secteur vasculaire. En cas d’hypoalbuminémie ou d’augmentation de la pression hydrostatique, il se produit une hyperhydratation au niveau de l’interstitium se traduisant par des œdèmes. Figure 2: Echange d’eau entre compartiments de l’organisme [52] Échanges d’eau entre secteurs intra et extracellulaires Les échanges se font au travers des membranes cellulaires qui sont perméables à l’eau. Les mouvements d’eau tendent à rétablir l’équilibre osmotique. Les variations d’osmolalité touchent d’abord le compartiment extracellulaire. L’urée et le glucose diffusent facilement à travers la membrane cellulaire et n’influencent pas la tonicité. Les variations d’osmolalité sont donc liées essentiellement aux variations du sodium qui, associé à un anion (Chlore) représente 90% de l’osmolarité plasmatique La figure III représente les conséquences des pertes hydriques et sodées sur les différents compartiments. Figure 3: Conséquences des pertes hydriques et sodées sur l’hydratation des secteurs intra et Extracellulaires En cas de perte d’eau prédominante, il s’installe une hyponatrémie avec hypotonie plasmatique et hypo osmolarité qui ont pour conséquences une hyperhydratation intracellulaire (risque d’œdème cérébral). En cas de perte d’eau prédominante, il s’installe une hypernatrémie avec hypertonie plasmatique et hyper osmolarité qui ont pour conséquences une déshydratation intracellulaire. Il existe des phénomènes d’adaptation cellulaire à ces différents effets. En cas d’hypotonie, il y’aura une diminution de l’osmolarité intracellulaire par la sortie d’ions et d’Acides aminés. En cas d’hypertonie plasmatique, les cellules augmentent leur tonicité pour protéger leur volume par la fabrication d’AA, de polyols et de méthylamines (osmolytes).

Régulation des compartiments hydriques

Le rein du nouveau-né joue un rôle important dans cette régulation. Il doit conserver l’eau et les électrolytes pour obtenir un bilan positif pour la croissance et excréter les déchets des métabolites actifs. La filtration glomérulaire est faible pendant la vie fœtale et le débit de filtration glomérulaire (DFG) est d’environ 20 ml/min/1,73m2 de surface corporelle à la naissance. Le rein n’atteindra les capacités adultes qu’à partir de 1 an environ. L’excrétion sodée rénale dépend d’une régulation endocrinienne assurée par : – le système Rénine Angiotensine Aldostérone – l’hormone natriurétique – les autres hormones : Cortisol, Dopamine Le Système Rénine Angiotensine Aldostérone (SRAA) La Rénine sécrétée par l’appareil juxta-glomérulaire est stimulée par l’hypovolémie rénale et la diminution de l’afflux de sodium au niveau de la macula-dansa. La rénine transforme l’angiotensinogène hépatique en 13 Angiotensine I, elle-même convertie sous l’action de l’enzyme plasmatique en Angiotensine II qui favorise la sécrétion d’aldostérone par les surrénales. L’aldostérone favorise la réabsorption d’eau et de sodium au niveau du tube contourné distal et du tube collecteur et augmente la kaliurèse. Le facteur atrial natriurétique (FAN) Il inhibe la réabsorption tubulaire de sodium. Les taux élevés à la naissance favorisent la perte de poids physiologique. La balance sodée rénale, qui représente l’équilibre entre le débit filtré sodé et la réabsorption tubulaire du sodium est négative à la naissance entrainant la perte de poids physiologique (Perte de liquide extracellulaire par augmentation de la natriurèse et de la diurèse) en partie sous le contrôle du FAN qui permet d’éliminer l’excès de liquide pulmonaire. Cette perte de poids physiologique est à respecter mais elle ne doit excéder 7 à 10% du poids de naissance ni persister au-delà de 10 jours. La régulation rénale des soties d’eau dépend du pouvoir de concentrationdilution des urines, sous l’effet de l’hormone anti-diurétique (ADH ou vasopressine) secrété par l’hypothalamus et stockée dans la posthypophyse sous l’effet d’osmo-récepteurs hypothalamiques. L’ADH accroit la réabsorption d’eau libre au niveau tube collecteur, le volume d’urine excrétée diminue et son osmolarité augmente. Le pouvoir de concentration des urines est immature chez le nouveau-né : – 500 mOsm/kg prématuré – 600 mOsm/kg nné à terme – 1000 mOsm/kg adulte – Le pouvoir de concentration des urines faible chez le prématuré d’où besoins hydriques élevés. 

LIRE AUSSI :  PREVALENCE DES MUTATIONS DES REGIONS AZF DU CHROMOSOME Y DANS LA SURVENUE DE L’AZOOSPERMIE

Diagnostic de la déshydratation hypernatrémique 

Diagnostic Positif 

Clinique  La perte de poids

 La première manifestation de la déshydratation est la perte de poids qui s’exprime en général en pourcentage par rapport au poids de naissance ou à un poids antérieurement connu. Cette perte de poids est facilement reconnue lors de la surveillance pondérale lors des premiers jours de vie, avant la sortie de maternité et surtout lors des visites postnatales. La sévérité de la DHN est corrélée à l’importance de la perte de poids. Assez souvent la perte de poids dépasse les 10% et peut même aller au-delà de 30%, ce qui correspond à une déshydratation sévère [1, 12, 18, 23, 32,34]. Cette perte de poids peut s’associer à d’autres signes d’intensité variable. Le tableau clinique est souvent influé par la vitesse d’installation de la déshydratation, associant signes de déshydratation intra et extra- cellulaire. Dans la déshydratation hypernatrémique du nouveau-né, les signes de déshydratation intracellulaire sont souvent prédominants : soif, sécheresse des muqueuses, somnolence, irritabilité, fièvre modérée… [15]. Les signes de déshydratation extracellulaire peuvent être également perceptibles : pli cutané, dépression de la fontanelle, chevauchement des sutures crâniennes… 

Paraclinique

 La biologie confirme le diagnostic et recherche d’autres anomalies métaboliques associées. – Natrémie ≥ 150 mmol/l – Osmolalité plasmatique > 310 mOsm/l – Kaliémie, chlorémie et calcémie – Ionogramme urinaire – Autres examens à réaliser 15 o Protidémie ou hématocrite (degré d’hémoconcentration) o Fonction rénale : urée, créatinine o Gazométrie artérielle o Hémogramme, 1.4.Diagnostic différentiel Le diagnostic différentiel se fera avec les situations d’hypernatrémie sans déshydratation qui sont dues à des surcharges sodées.  d’origine iatrogène : administration de solution salée hypertonique, de bicarbonate ou de médicaments ayant une forte teneur de Nacl  d’origine alimentaire : préparations pour nourrissons riches en sodium, lait de substitut mal dilué, lait maternel hypersodé. Dans ces situations, l’hypernatrémie est associée à des signes de rétention hydrique avec prise de poids voire des œdèmes. 

 Diagnostic de retentissement

 Les complications surviennent surtout à la suite d’une natrémie dépassant 160 mmol/l ou à la suite d’une d’installation très rapide en quelques heures . Le retentissement est surtout neurologique, hémodynamique et rénal  Complications neurologiques – Troubles de la conscience, – Troubles du tonus à type d’hypo ou d’hypertonie – Convulsions ou état de mal convulsif – Hémorragies cérébrales intra parenchymateuses – Hématomes sous duraux.  Complications hémodynamiques  collapsus cardiovasculaire, choc et arrêt cardiaque  Complications respiratoires – Détresse respiratoire – Dyspnée d’acidose, – Apnées.  Complications rénales : – Insuffisance rénale fonctionnelle ou organique – Thrombose des veines et artères rénales (hématurie, oligo-anurie, HTA). 

Pronostic 

Les éléments de mauvais pronostic au cours d’une déshydratation hypernatrémique sont : – une perte de poids > 10% – une hypernatrèmie > 170mmol/L ou pH< 7,20 – une hyperthermie > 40° – un choc persistant – un retard au traitement – une prise en charge initiale mal conduite

 Diagnostic étiologique 

 La déshydratation hypernatrémique chez le nouveau-né peut être liée soit à un défaut d’apport, soit à une augmentation des pertes d’eau libres, en particulier les pertes insensibles.  Défauts d’apport C’est la principale cause retrouvée, consécutive à un échec à l’allaitement maternel et une absence de supplémentation en laits artificiels. L’échec de l’allaitement maternel est favorisé par la mauvaise mise en route de l’alimentation, en particulier l’absence de mise au sein précoce en salle de naissance et les mauvaises techniques de tétée, particulièrement chez les primipares. Le défaut d’apport peut être également dû à une difficulté de téter lors de certaines pathologies néonatales telles que l’infection ou l’asphyxie.  Pertes excessives  Pertes insensibles élevées non remplacées (pertes cutanées, respiratoires)  Pertes hypotoniques  Diabète insipide néphrogénique ou central  Diabète sucré  Pertes rénales (Diurétiques de l’anse, diurèse post obstructive, diurèse osmotique)

 Traitement 

Il s’agit d’une urgence thérapeutique (traitement à débuter dès les premiers signes) 3. Curatif 3.1. Buts Restaurer l’état d’hydratation Corriger progressivement la natrémie Prévenir et traiter les complications 

Moyens  Moyens de réhydratation

Solutés de réhydratation : Sérum salé isotonique Sérum glucosé 5%, 10% Électrolytes: NaCl 10%, KCl10%, gluconate de Calcium 10% Pousse Seringues électriques  Moyens de réanimation Oxygénothérapie, ventilation artificielle Monitorage cardiovasculaire  .

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I.Généralités
1.Définitions
2.Épidémiologie .
3.Rappel sur les compartiments hydriques du nouveau-né et sa régulation.
3.1.Les compartiments hydriques du nouveau-né
3.2.Répartition des compartiments hydriques
3.3.Composition des différents compartiments hydriques de l’organisme
3.4. Mouvements d’eau et d’électrolytes entre différents compartiments hydriques
3.5Régulation des compartiments hydriques
II.Diagnostic de la déshydratation hypernatrémique
1.1.DiagnosticPositif
1.2.Clinique
1.3.Paraclinique
1.4.Diagnostic différentiel
1.5Diagnostic de retentissement.
2.Pronostic
2.1.Diagnostic étiologique
2.2. Traitement
3. Curatif
3.1. Buts
3.2. Moyens
3.3. Indications
DEUXIEME PARTIE : MATERIEL ET METHODES
I.Matériel et méthodes
1.Cadre de l’étude : le pavillon N
2.Méthodologie
2.1. Type et durée
2.2. Population de l’étude
2.3.Recueil des données
2.4Analyses statistiques
3. Résultats
3.1. Données épidémiologiques et sociodémographiques
3.2. Incidence hospitalière
3.3. Répartition des cas selon l’âge à l’admission
4. Répartition des cas selon le sexe
4.1. Répartition des cas selon le trimestre d’hospitalisation
4.2. Répartition des cas selon les autres données sociodémographiques
4.3. Répartition selon les données maternelles
5. Suivi de la grossesse
5.1.Répartition selon le nombre de CPN
5.2. Répartition selon les pathologies obstétricales.
5.3Données à l’accouchement
6. Données néonatales
6.1. Répartition selon le poids de naissance
6.2. Répartition des enfants selon les données de l’alimentation
7. Données cliniques
7.1. Répartition selon les motifs d’hospitalisation
7.2. Répartition des cas selon les signes de déshydratation.
7.3Classification selon la sévérité de la déshydratation
7.4.Pourcentage de perte de poids
7.5. Répartition selon les données du tableau clinique
II. Données biologiques
1. Résultats de la natrémie
1.1Classification des cas selon la sévérité de l’hypernatrémie
1.2. Autres anomalies biologiques associées
1.3. Echographie transfontanellaire (ETF)
1.4. Facteurs étiologiques de la déshydratation hypernatrémique
2. Données sur la prise en charge .
2.1. Mode de réhydratation
2.2. Prise en charge nutritionnelle
3. Modalités évolutives
3.1. Répartition selon le délai de correction de la natrémie
3.2. Répartition selon la vitesse de correction (en mmol/l/heure)
3.4.La Létalité
3.3.Facteurs associés au décès
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
1. Données épidémiologiques et sociodémographiques
1.1. Prévalence
1.2. Age de survenue
1.3 Sex-ratio
1.4. Période de survenue
1.6. Selon les antécédents maternels (âge, parité)
1.7. Selon la qualité du suivi de la grossesse et les complications obstétricales associées
1.8. Selon les données à l’accouchement (voie, terme, asphyxie)
2. Données néonatales
2.1. Poids de naissance
2.2. Modalités d’alimentation
3. Données cliniques
3.1. Circonstances de découverte
3.2. Signes de déshydratation
3.3. Sévérité de la déshydratation
3.4. Complications
3.5. Les signes biologiques
3.6. Imagerie
3.7. Les Comorbidités et facteurs étiologiques.
4. Sur le plan thérapeutique
4.1. Réhydratation
4.2. Prise en charge nutritionnelle
5. Modalités évolutives
5.1. Mortalité et séquelles
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

 

projet fin d'etudeTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *