La densification au cœur des problématiques de
l’aménagement moderne en France et au Québec
En 1987, le rapport Brundtland publié par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement met en exergue les problèmes environnementaux mondiaux essentiellement dus à une grande pauvreté qui sévit dans les pays du Sud et à des modes de consommation et de production non durables pratiqués dans les pays du Nord. Le rapport nécessite alors une stratégie globale permettant de conjuguer développement et environnement, la notion de « développement durable » voit ainsi le jour, et y est définie comme « Un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures à répondre aux leurs ». On parlera alors d’une réelle prise de conscience écologique à l’échelle internationale qui aura pour conséquence l’organisation de la Conférence mondiale de Rio sur l’Environnement et le Développement en 1992. Le rapport Brundtland s’est particulièrement penché sur la question du devoir envers les générations futures pour la survie à long terme des sociétés humaines, il émet alors des recommandations visant à régler les problèmes, à la source, avec des solutions globales et adaptées aux besoins des locaux. Appliqué au domaine de l’urbanisme, il s’agit de transposer l’idée d’un développement durable à la ville et consiste en la maîtrise des problèmes posés dans l’espace urbain, qu’il s’agisse de celui de la circulation automobile et des pollutions de toutes sortes qu’elle induit, des problèmes du bruit ou de la gestion des déchets. Le développement urbain durable est alors présenté comme une solution de remplacement au développement industriel traditionnel de la ville et dont le principal pilier reposera sur la notion, très controversée, de densification urbaine.
La densification urbaine : du moyen-âge à aujourd’hui
Les premières formes de densification sont constatées au moyen-âge. En effet, l’éventualité d’être attaqué par des assaillants contraint les villes médiévales à se retrancher, les murailles contraignent alors les villes à la densification. Elle sera par la suite longtemps associée à l’idée d’insalubrité et notamment durant la période hygiéniste, pendant laquelle les autorités vont même jusqu’à préconiser une faible densité afin de favoriser la circulation de l’air et de la lumière. « Ce discours critique a longtemps perduré. Ainsi, la notion de densité urbaine évoquera-t-elle durablement les idées d’entassement, d’insalubrité, de promiscuité et de déficience d’hygiène. Dans le cadre du paradigme hygiéniste elle représente, pour les pouvoirs publics, l’inacceptable en matière de logement et d’agencement du bâti en ville et reste donc porteuse d’idées et de valeurs connotées de manière négative. » [Touati, 2010]. À la suite de la seconde guerre mondiale, la densification deviendra un outil de modernisation du territoire impulsé par l’État. La notion de densité urbaine apparaîtra alors comme un instrument de réglementation pour une gestion efficace de l’aménagement du territoire. A cette époque, « la densité fait figure d’outil technique, indicateur d’une zone fonctionnelle spécifique. La densification au cœur des problématiques de l’aménagement moderne en France et au Québec .Elle est un outil arithmétique qui permet d’ordonner et de prescrire le zonage » [Touati, 2010]. La densité deviendra ensuite, le symbole du fonctionnalisme pour des architectes comme le Corbusier, puis à nouveau rejeté dans les années 1960 au profit d’un retour à la nature. Ce « rejet de l’urbanisme moderne se traduit en particulier par un afflux des classes moyennes vers les périphéries pavillonnaires et ce que certains appelleront le « rurbain » [Touati, 2010], on parlera alors d’un phénomène d’étalement urbain. Ainsi, la densification se manifeste comme un outil permettant d’endiguer le phénomène d’étalement urbain à partir des années 1980 et qui apparaît aujourd’hui comme l’un des fléaux écologiques des sociétés occidentales. Cette forme de développement urbain est caractérisée par une faible densité d’occupation des sols, une dispersion des zones urbaines sans véritable planification, la déconcentration des emplois et l’absence de limites à l’extension urbaine, qui a été favorisée par l’entrée de l’automobile au sein des ménages dans les années 1960-1970. Cet étalement urbain a induit une augmentation des déplacements automobiles et des émissions de gaz à effet de serre, une consommation importante des terres agricoles et forestières mais également une difficulté pour les collectivités à fournir tous les équipements et services nécessaires du fait de l’éparpillement des populations.
Qu’est-ce que la densification urbaine ?
Il nous apparaît important de distinguer deux concepts, d’une part le terme de « densité » sur lequel nous reviendrons ultérieurement et d’autre part le terme de « densification urbaine », auquel nous nous intéressons dans ce projet de fin d’études et qui, selon nous, fait référence à un processus visant à créer de la densité. La « densification urbaine » est alors considérée comme un processus visant à associer les notions suivantes : « compacité », « densité », « mixité ». La « compacité » se définit alors comme « la concentration du développement au cœur d’une agglomération, là où la desserte en transport en commun est bonne et là où il y a déjà de la densité » [Fouchier, 2010]. Ce concept s’affirme comme la forme « économe » du modèle de la ville et s’oppose alors à l’étalement urbain, considéré comme la « forme « dispendieuse » de la suburbanisation » [Ewing, 1997]. En effet, au travers de sa caractéristique « économe », la compacité permet une économie de sols non urbanisés, une économie dans les coûts d’urbanisation, ainsi qu’une économie d’énergie liée aux déplacements [Pouyanne, 2004]. La « mixité » quant à elle se définit comme la « répartition équilibrée des différentes fonctions urbaines à l’intérieur d’une agglomération en tenant compte des facteurs sociaux et économiques (habitat social, habitat privé, activités économiques, commerces, équipements …) par opposition à la spécialisation urbaine. L’objectif de la mixité urbaine, poursuivi par la loi LOV a été réaffirmé et renforcé par la loi SRU, notamment dans le domaine de la mixité sociale dans le logement » [CDU, 2002]. Lorsque l’on parle de mixité urbaine, on parle alors à la fois de « mixité fonctionnelle », qui désigne le fait de disposer sur un territoire de l’ensemble des fonctions nécessaires à la vie en ville : logement, activité, commerces, équipements administratifs, culturels, de mobilité, de loisirs… ainsi que de « mixité sociale » qui est la traduction de la répartition équilibrée des différentes catégories sociales, généralement mesurée par la répartition des types d’habitat dans les villes afin d’éviter la constitution de ghettos urbain dans certains quartiers. Ainsi, le processus de « densification urbaine » doit se contenir dans les limites existantes de la ville et allier concentration du développement, mixité fonctionnelle et sociale dans l’objectif de faire face au phénomène d’étalement urbain.
Les indicateurs de la densité Notion complexe, la « densité » peut se définir de multiples manières suivant le domaine auquel elle est associée. En urbanisme, « La densité exprime un rapport théorique entre une quantité ou un indicateur statistique (nombre d’habitants, d’emplois, d’entreprises, de mètres carrés de plancher etc.) et l’espace occupé (surface de terrain brute ou nette, ou autre indicateur de superficie à différentes échelles géographiques). De ce fait, c’est une multitude de densités qui peuvent être analysées selon l’aire géographique de référence, le type de surface de référence et, bien entendu, l’indicateur statistique pris en compte » [Fouchier, 2010]. Tout d’abord, la densité bâtie permet de calculer la densité bâtie existante sur un terrain, il s’agit du rapport entre coefficient d’emprise au sol (CES) multiplié par le nombre moyen de niveaux. La densité de population permet quant à elle de déterminer la concentration de population sur un secteur donné, afin de comparer des villes de tailles différentes, de mieux cerner la répartition de la population au niveau infra-communal ou encore de connaître plus précisément les répartitions spatiales de la population au sein d’un quartier.