L’immunité innée
Cette défense fonctionne continuellement chez un individu immunocompétent. L’immunité innée se caractérise de trois façons : elle induit une réponse immédiate, ne requiert pas de reconnaissance spécifique et n’a pas de mémoire. Deux fonctions la définissent : une fonction antivirale directe et une fonction immunorégulatrice, de recrutement et d’activation de l’immunité adaptative. Concernant la fonction antivirale, celle-ci se segmente à son tour en deux voies : l’immunité innée intracellulaire dépendant essentiellement des interférons de type 1 et l’immunité extracellulaire. Cinq grandes familles d’acteurs sont responsables de cette défense innée : le couple PRR (Pattern Recognition Receptors) – PAMP (Pathogen Associated Molecular Patterns), les interférons, les granulocytes neutrophiles, les macrophages, les cellules dendritiques et les cellules NK. Parmi les PRR se retrouvent les lectines de type C, les TLR (Toll Like Receptors) et RLR (Retinoid acid-inductible gene Like Receptors) qui ont pour rôle la détection des pathogènes. Les lectines de type C reconnaissent les motifs exprimés sur des protéines de surface de virus enveloppés (VIH et Ebola par exemple). Les TLR sont des protéines transmembranaires qui génèrent, après reconnaissance du pathogène, la production de nombreux facteurs telles que des cytokines inflammatoires (interférons, IL-1, IL-6 et TNF-alpha). On retrouve parmi les TLR les récepteurs endosomaux TLR3, 7 et 8 qui reconnaissent l’ARN d’Influenza virus. Enfin, les RLR sont des protéines cytosoliques parmi lesquelles se trouvent les hélicases à ARN spécialisées dans la reconnaissance des ARN viraux dans le cytoplasme et les récepteurs à ADN cytosoliques spécialisés dans la reconnaissance d’ADN double brin.
Les anticorps et leur mécanisme d’action
Les plasmocytes produisent différents isotypes d’Immunoglobulines (Ig) : G, M, A, E et D. Les IgG sont les Ig majoritaires dans le sérum (75% des Ig sériques) et dans l’espace extravasculaire. Elle est la seule classe d’Ig à passer la barrière placentaire. L’IgM est la troisième Ig sérique en termes quantitatifs. C’est la première Ig à être produite par le fœtus ainsi que par les lymphocytes B après stimulation par un antigène. Il a un fort pouvoir agglutinant et neutralisant.
L’IgA a la particularité d’être sous forme monomérique dans le sérum et sous forme dimérique dans les sécrétions. Cette dernière est aussi appelée IgA sécrétoire. L’IgA est la seconde Ig la plus abondante dans le sérum mais elle est surtout la principale Ig retrouvée dans les sécrétions : larmes, salive et mucus, ce qui en fait un acteur majeur dans l’immunité mucosale.
Enfin l’IgE, dont la concentration sérique est assez faible, joue un rôle dans les réactions allergiques et les maladies parasitaires.
Les anticorps circulants sont connus pour protéger les organes cibles des virus directement introduits dans la circulation générale (comme le virus de l’hépatite B), ou des virus présentant une virémie secondaire à l’infection des voies respiratoires ou digestives (comme le virus de la rougeole, les poliovirus ou le virus de l’hépatite A). C’est pourquoi la vaccination passive est efficace contre ces pathogènes, et la vaccination active facile à mettre en œuvre même avec des vaccins tués ou des sous-unités antigéniques. Dans le cas d’infections des muqueuses et ne donnant pas lieu à une diffusion hématogène, la présence d’anticorps, même spécifiques, dans la circulation générale n’est souvent pas suffisante pour supprimer ou limiter l’infection. Pour lutter contre ces infections deux stratégies doivent être mises en œuvre. La première consiste à favoriser la production d’IgA sécrétoire au niveau de la muqueuse en favorisant l’immunisation ou la réplication d’un virus vaccinal au niveau de la porte d’entrée du virus. Les IgA (dimériques) sont produites proches de la muqueuse et transportées activement, grâce à la présence d’une chaîne J spécifique, de la base vers l’apex des cellules épithéliales où elles sont libérées à la surface des muqueuses. Lors de cette transcytose, il est démontré que ces IgA possèdent une activité neutralisante intracellulaire, et seraient actifs même lorsque la cellule est infectée . La quantité d’IgA, et leur affinité, déterminent la résistance à l’infection virale, prévenant l’infection ou la ré-infection, diminuant son intensité, et participant à la clairance virale (Clements, Betts et al. 1986). Une fois libérées à la surface mucosale, la nature des IgA leur confère une plus grande résistance à la protéolyse que les IgG. La réponse IgA est rapidement activée, et détectable, lors d’une infection, mais chute en quelques mois.
La grippe et le virus Influenza
La grippe est provoquée par le virus Influenza. Il appartient à la famille des Orthomyxoviridae qui comprend les genres Influenzavirus A, B et C, ainsi que le genre Thogotovirus responsable de zoonoses. Le terme d’Influenza vient de l’italien « Influenza di freddo » qui signifie l’influence du froid. La grippe est décrite depuis l’antiquité, et l’isolement viral d’Influenza fut réalisé en 1931. Le virus de la grippe est un virus ubiquiste responsable des grippes humaine (A, B et C) et animale (A) évoluant sous forme d’épidémies ou de pandémies.
Ce virus possède un génome ARN sb négatif (taille 80-120nm) segmenté en huit gènes codant 11 protéines structurales et non structurales : hémagglutinine (HA), neuraminidase (NA), protéines de matrice M1 et M2, protéine nucléaire (NP), protéines non structurales (NS1 et NS2) et polymérases PA, PB1 et PB2 . Le virus est enveloppé et porte deux types de protéines de surface antigénique : Hémagglutinines (HA) qui sont les protéines de surface les plus représentées et Neuraminidases (NA).
L’hémagglutinine virale permet la reconnaissance des récepteurs, les acides sialiques, à la surface cellulaire, et la fixation à la cellule. La Neuraminidase, via son activité sialidase, permet la destruction de la liaison cellule-virus afin de libérer le nouveau virion. La NA déclenche aussi la lyse du mucus bronchique. Les protéines d’enveloppe d’influenzavirus A sont polymorphiques. En effet, l’hémagglutinine est classée en 18 sous-types (H1 à H18) et la neuraminidase en 11 sous-types (N1 à N11) . Influenza possède ainsi 198 sous-types de virus possibles mais seulement certains sous-types sont retrouvés dans la nature, dû à l’interdépendance HA-NA. Chez l’Homme, H1 à H3 et N1 à N2 sont les principaux sous-types.
Le vaccin contre la grippe
L’histoire du vaccin contre la grippe débute lors de la Grande Guerre. L’hécatombe produite par la grippe espagnole, plus meurtrière que la guerre elle-même, est l’élément qui déclenche la recherche et le développement du vaccin. Tout d’abord, Dujarric de la Rivière, médecin d’ambulance au 45ème régiment d’infanterie pendant la première guerre mondiale, apporte en 1918 la preuve de l’origine du virus grippal. L’année 1931 se voit marquée par la première culture de virus dans un œuf de poule embryonné. Le premier virus grippal (type A) est isolé en 1933 en Angleterre, après injection de produit issu d’un prélèvement rhino-pharyngé au furet. En 1943, le virus est observé au microscope électronique pour la première fois, aboutissant à la description des trois types de virus de la grippe (A, B et C). La technique permet ensuite de préparer, aux Etats Unis, les premiers vaccins inactivés dont l’efficacité restait encore inconstante. L’entrée en guerre des Etats Unis, dans les années 1940, précipite les impératifs de résultats dans le développement d’un vaccin. A cette époque, les autorités américaines veulent absolument éviter une contamination de leurs soldats par la grippe sur le sol européen. Lors de la première guerre mondiale, autant de soldats américains étaient morts de cette maladie qu’au combat. L’armée américaine était donc déterminée à ce que ce type de catastrophe ne se reproduise pas. Le comité épidémiologique de l’armée américaine (AEB : Army Epidemiological Board) est créé à cette fin, avec à sa tête Thomas Francis Jr (professeur de bactériologie au New York University College of Medicine). Cet homme a pour mission de protéger la plus grande force armée du monde. L’urgence de la guerre accroît la rapidité des recherches et essais cliniques. Des expérimentations menées à grande échelle se tiennent à travers le pays américain. Après des études d’efficacité vaccinale en milieu militaire concluantes, les autorités américaines recommandent la vaccination de l’armée destinée à aller combattre en Europe en 1944-1945 .
La nécessité d’une remise en cause annuelle des souches vaccinales fut mise en évidence en 1947 lors de la circulation d’une souche A(H1N1) différente de la souche vaccinale. Suite à la pandémie de 1957-58, les autorités de santé recommandèrent une vaccination annuelle systématique à partir de 1960 contre la grippe chez les personnes âgées de plus de 65 ans et chez les personnes jugées à risque particulier vis-à-vis de la grippe : femmes enceintes et personnes atteintes de maladies chroniques. Cette décision avait alors été prise par extension des résultats obtenus lors des études déjà menées et dans l’intérêt de cette population reconnue fragile devant la grippe, sans que des données robustes justifient ces recommandations et notamment en ce qui concerne l’efficacité de la vaccination dans ces groupes de population. Suite à la réémergence du virus H1N1 (grippe russe) en 1977, le vaccin devient trivalent, une souche B ayant été incorporée progressivement. Ces recommandations se sont répandues dans la plupart des pays industrialisés dont la France en 1985.
Procédé de fabrication du vaccin de la grippe
Le Time-To-Market (TTM), ou délai de mise sur le marché, se divise en deux parties, dû à la saisonnalité de la grippe :
hémisphère nord avec une saisonnalité de l’épidémie allant de novembre à avril et une mise à disposition des vaccins à partir de mi-août.
hémisphère sud avec une saisonnalité de l’épidémie allant de juillet à octobre et une mise à disposition du vaccin dès mi-avril.
L’OMS recommande les souches (deux souches A et une souche B pour le trivalent ; deux souches A et deux souches B pour le quadrivalent) en février et en septembre de chaque année respectivement pour l’hémisphère Sud et pour l’hémisphère Nord. L’Agence Européenne du Médicament (EMA) confirme ensuite la recommandation de l’OMS pour l’Europe. C’est lors de cette confirmation que les laboratoires sont invités à sélectionner leurs souches, en cas de changement. A ce stade, soit la souche est déjà présente sur le site, soit le laboratoire commande sa/ses souches auprès des trois centres de référence, surveillance et recherche sur la grippe : Therapeutic Goods Administration (TGA) en Australie, New York Medical College (NYMC) aux Etats Unis et National Institute for Biological Standards and Control (NIBSC) en Angleterre.
Le laboratoire base principalement son choix sur deux critères : le rendement de la souche en production, la disponibilité des réactifs fabriqués par les agences TGA et NIBSC.
Le laboratoire se charge d’envoyer les souches aux agences de l’OMS dont le NIBSC, afin qu’ils fabriquent les réactifs de référence et les transmettent aux laboratoires. Les réactifs permettent de mesurer les quantités de virus produites et de surveiller le conditionnement correct des doses. Il se passe plus d’un mois entre le choix de la souche par les laboratoires et la réception du réactif et du titre. Si les souches ne changent pas d’une année sur l’autre, l’étape critique sera le changement de lot de réactifs ou non. En cas de non changement de lot de réactif, le processus devient court puisque le titrage des souches vaccinales peut directement être effectué. La date de mise à disposition d’un vaccin dépend donc fortement de cette séquence : un changement de souches induit d’office plus d’un mois supplémentaire dans le cycle de fabrication.
Table des matières
Introduction
1. Généralités : le système immunitaire de l’Homme
1.1. L’immunité innée
1.2. L’immunité adaptative
1.3. Les anticorps et leur mécanisme d’action
2. La grippe et le virus Influenza
2.1. Multiplication et variabilité du virus
2.2. Clinique
2.3. Diagnostic
2.4. Traitement
2.4.1. Chimiothérapie antigrippale
2.4.2. Prophylaxie
2.5. Epidémiologie
3. Le vaccin contre la grippe
3.1. Contenu du vaccin inactivé
3.1.1. Principe actif et excipients
3.1.2. Rôle des adjuvants et tolérance
3.2. Procédé de fabrication du vaccin de la grippe
3.3. Corrélat de protection et taux d’efficacité clinique du vaccin inactivé
3.4. Couverture vaccinale en France
3.5. Alternative au vaccin antigrippal par voie parentérale
4. Gestion de la Supply Chain
4.1. La demande commerciale
4.2. La Demande Non Commerciale
4.2.1. L’activité « projets »
4.2.2. L’activité prévisible
4.2.3. L’activité aléatoire
4.2.4. Evolution de la Demande Non Commerciale
4.2.4. Enjeux de la bonne prise en charge de la demande
5. Conclusion
6. Annexe
7. Références bibliographiques