La défense sociale en Belgique
Depuis toujours, la question de la prise en charge des délinquants aliénées est au cœur des discutions. Aujourd’hui, les personnes atteintes d’un trouble mental et faisant l’objet d’une mesure d’internement sont soumises, depuis le 1er juillet 1964, à la « loi de défense sociale ». Bien que les objectifs principaux (soins et sécurité) défendus par cette loi n’ont jamais été remis en question, depuis toujours le système mis en place pose énormément de questions. Malgré les nombreuses réformes qui ont défilées au cours des dernières années, il semble ne pas encore satisfaire à la demande. A l’heure actuelle, le régime de la défense sociale est plus critiqué que jamais. Dans ce chapitre, nous allons parler de la loi de défense sociale au regard de son historique. Nous allons en expliquer le fond, les problèmes rencontrés et les réformes mises en place pour tenter d’enfin aboutir aux finalités poursuivies par l’internement. Nous verrons par cette analyse qu’il n’est pas simple de réussir à concilier parfaitement soins et contrôle.
Les « délinquants aliénés ».
« Furiosus satis ipso furore punitur. – Le fou est assez puni par la fureur même. » (Droit romain) .
Déjà à l’époque de l’Antiquité, les Romains considéraient que les délinquants malades ne devaient pas être traités comme responsable mais qu’il fallait tout de même prévoir une mesure d’enfermement par mesure de protection envers la société.
Avant l’adoption de la loi de 1930, si un individu était déclaré fou, ça ne faisait pas partie de ce que le pénal traitait. La personne concernée était alors envoyée en hôpital psychiatrique par un procédé non pénal et y recevait un traitement. A cette époque, la partie concernant la mise à l’écart de l’individu pour la protection de la population n’entrait pas en vigueur. Une fois sorti de l’hôpital psychiatrique, la personne pouvait retourner à sa vie comme si aucune infraction n’avait été commise.
Loi de la défense sociale : 1930
Le 9 avril 1930, la première loi belge concernant la défense sociale entre en vigueur. Cette nouvelle loi propose la mise en place d’un régime spécial pour les personnes déclarées non responsables ayant commis un fait qualifié de délit et devant normalement faire l’objet d’une peine d’emprisonnement classique.
La défense sociale recherche un double objectif ; soins et sécurité. Autrement dit, celui de soumettre les délinquants déments à un traitement curatif et celui de défendre la société contre la dangerosité qu’ils représentent en procédant à une mesure d’enfermement.
La Cour de cassation définit l’internement comme suit :
« L’internement n’est pas une peine mais, tout à la fois, une mesure de sécurité sociale et d’humanité, dont le but est de mettre le dément ou l’anormal hors d’état de nuire et, en même temps, de le soumettre, dans son propre intérêt, à un régime curatif scientifiquement organisé. » .
Cette première loi s’est avérée insatisfaisante. Les délinquants étant maintenant traités par le pénal, il était reproché à la loi de ne pas faire intervenir d’avocat dans le processus de la condamnation. Le placement en annexes psychiatriques des prisons est lui aussi vivement critiqué puisque dans ces lieux, les soins médicaux sont loin d’être donnés de façon adéquate et entrave donc le principe même de la défense sociale en ne remplissant pas ses objectifs.
Toutes ces critiques ont mené à une première réforme plus de 30 ans plus tard, en 1964 .
Première réforme : 1964
Le premier juillet 1964, la première réforme a lieu. Elle défend les mêmes objectifs que la loi de 1930, mais offre plus de droits aux internés. Elle permet aux personnes condamnées de pouvoir être entendues et défendues par un avocat, les annexes psychiatriques des prisons ne peuvent plus être désignées comme lieu d’internement et il doit avoir lieu dans une institution adaptée au régime de la défense sociale, un Établissement de défense sociale. Une Commission de défense sociale est créée et c’est elle qui prendra la décision de l’internement si cela s’avère nécessaire et du lieu dans lequel il se déroulera. Lorsque le jugement tombe et qu’il s’avère que l’inculpé serait atteint de troubles mentaux et donc qu’il serait irresponsable de ses actions, plusieurs phases vont maintenant se dérouler avant la prise de décision définitive de la mesure d’enfermement. Premièrement, l’inculpé va être mis en observation. Cette période d’observation, de détention préventive, va se passer dans une annexe psychiatrique de prison. Cette période est à la base prévue pour durer 1 mois mais peut être prolongée jusqu’à une durée de 6 mois maximum. Chose qui ne sera pas toujours respectée. Maintenant, pour que la décision d’internement soit prise, il faut que l’inculpé soit toujours déclaré irresponsable au moment de la prise de décision du juge, contrairement à avant ou il suffisait que ça soit au moment des faits. Quant à l’exécution de l’internement, il doit obligatoirement avoir lieu dans l’établissement désigné et prévu à cet effet, un EDS.
Cette mise à jour de la loi, bien qu’elle ait apporté de nombreuses améliorations, a encore été vivement critiquée. Plusieurs aspects négatifs ont été mis en avant par la Commission « internement ». La durée indéfinie de la mesure d’internement ainsi que le manque de respect des droits de la défense et les expertises psychiatriques jusqu’alors non obligatoires ont été pointés du doigt.
Dans les années qui ont suivies, il y a eu de nombreuses tentatives d’amélioration qui n’ont jamais abouties, jusqu’à la deuxième réforme de la loi de défense sociale en 2007.
Deuxième réforme : 2007
La loi du 21 avril 2007 poursuit toujours les mêmes objectifs, ceux-ci ne faisant jamais partie de ce qui est remis en question.
Cette loi rendait une expertise psychiatrique obligatoire avant toute décision de procéder à l’internement d’un inculpé. Par cette réforme, le caractère pénal de la mesure de défense était encore plus renforcé. Ne pouvant plus être placés en annexes psychiatriques de prisons, il n’y avait plus assez de place pour que les internés soient enfermés dans un établissement indépendant du milieu pénitentiaire et prévu à cet effet. Pour l’entrée en vigueur de cette mise à jour de la loi de défense sociale, il aurait fallu attendre que de nouveaux établissements de psychiatries légales capables de remplir les fonctions demandées soient construits. C’est pourquoi l’entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2007 a été reportée à de nombreuses reprises. Dans le même temps, la Belgique fut condamnée plusieurs fois par la Cour européenne de droits de l’homme ce qui a encore plus remis en question la validité et l’utilité de cette nouvelle loi. Finalement, la loi n’est jamais entrée en vigueur et a été abrogée in extremis en 2015 alors qu’une nouvelle loi avait déjà été acceptée. Elle n’aura pourtant pas servi à rien, les points positifs qu’elle contenait ont été conservés et utilisés pour la rédaction de la loi de 2014.
La loi du 5 mai 2014
Toujours dans la même continuité et en vue de remédier aux lacunes présentes, plusieurs objectifs sont recherchés par la nouvelle loi de défense sociale entrée en vigueur en 2016. Comme pour les autres, cette loi fera l’objet de modifications et ce, peu de temps après son entrée en vigueur. Les objectifs sont :
– L’instauration d’une mesure de sureté.
– La protection de la société.
– La dispensation de soins.
– La facilitation de la réinsertion de la personne dans la société.
La plus grande différence qu’apporte cette nouvelle loi de défense sociale est l’introduction du droit aux soins. Une offre de soins sur mesure est obligatoire pour chaque interné. Même ceux dit « à haut risque » qui ne pourront jamais bénéficier d’une réinsertion dans la société doivent recevoir un traitement adapté pour qu’ils soient détenus certes, mais en gardant leur dignité. Cette énorme amélioration sur la partie concernant les soins donnés aux internés est sans nul doute liée aux nombreuses condamnations de l’État belge par la Cour européenne des droits de l’homme en ce qui concerne le sort réservé aux internés. Nous parlerons de ses Condamnations plus tard dans ce mémoire lorsque nous aborderons le cas de l’Établissement de Paifve, principal concerné.
Pour être déclaré non responsable de ses actes et bénéficier de la mesure d’internement de la défense sociale, il faut que la personne soit, au moment de son jugement, atteinte d’un trouble mental suffisant. La personne ne doit plus, contrairement à avant, juste être totalement incapable du contrôle de ses actes, mais le simple fait que ses capacités soient altérées du fait de sa maladie mentale suffit à être déclarée irresponsable dans la mesure où il existe un risque que l’inculpé commette à nouveau une infraction.
Ce que la loi prévoit :
– Expertise psychiatrique préalable à l’internement.
– Mise en observation de 2 mois maximum.
– Avocat et garantie procédurale.
INTRODUCTION |