La sécurité alimentaire est une préoccupation majeure faisant partie d‘un des grands objectifs du millénaire pour le développement (Koning et van Itterson, 2009). La population mondiale, qui ne cesse d‘augmenter chaque année devrait atteindre environ 9 milliards de personnes en 2050 (UN, 2012). La production alimentaire mondiale devrait ainsi augmenter considérablement pour répondre aux besoins futurs d’une population croissante et plus prospère (Gustavsson et al., 2011; Koning et van Ittersum, 2009). Ainsi, la production agricole globale est attendue à doubler d‘ici 2050 (Kastner et al., 2012), ce qui implique la nécessité de produire 1 milliard de tonnes de céréales et 200 millions de tonnes de produits animaux supplémentaires chaque année (FAO, 2011). A côté des céréales, les légumineuses ne sont pas à négliger puisqu‘elles constituent la seconde source d‘aliments des humains et jouent un rôle très important dans le régime alimentaire, plus particulièrement pour les pays en voie de développement (Du et al., 2014 ; Nedumaran et al., 2015). Le grand défi à relever pour atteindre cet objectif est donc soit d‘augmenter le rendement par unité de surface sur les parcelles déjà exploitées, à travers l‘intensification agricole, soit d‘étendre les surfaces cultivables (Diaz-Ambrona et Maletta, 2014 ; Koning et van Ittersum, 2009), tout en répondant aux exigences de la promotion de l‘agriculture durable (Altobelli et al., 2016 ; Gustavsson et al., 2011). Théoriquement, la superficie agricole mondiale pourrait encore être augmentée de 80 %, mais la plupart des terres non encore exploitées sont peu adaptées à une agriculture productive (Koning et van Ittersum, 2009). C‘est le cas des sols tropicaux ayant subi une altération longue et intense, caractérisés par des faibles teneurs en phosphore totale et une forte sorption d‘ions phosphates, due à la présence d‘oxyde de fer et d‘aluminium, qui couvrent deux milliards d‘hectare dans les tropiques et dont 37 % sont des ferralsols (Fairhurst et al., 1999).
L‘augmentation de la productivité des cultures afin de limiter une augmentation trop importante du défrichement des zones naturelles pour l‘agriculture se heurte cependant à des difficultés, notamment en Afrique sub-saharienne. Les sols tropicaux, notamment ceux ayant subi une altération longue et intense comme les sols ferrallitiques, sont généralement peu fertiles. De plus, l‘exportation sans restitution des éléments nutritifs à la récolte, les pertes dues à l‘érosion et à la lixiviation, non compensées par les apports de fertilisants contribuent notablement à la baisse de la fertilité du sol surtout en zone tropicale (Stoorvogel et Smaling, 1990). Cette baisse de la fertilité des sols tropicaux est particulièrement alarmante en Afrique (Stoorvogel et al., 2000) et met en évidence la grande vulnérabilité économique des agriculteurs et le risque élevé d‘insécurité alimentaire dans un contexte de forte croissance de la demande alimentaire.
Il s‘ensuit que la plupart des sols africains sont dégradés et sont caractérisés par une faible teneur en éléments nutritifs (Saidou et al., 2012). Cependant, les petits agriculteurs, qui représentent une proportion très significative de la population mondiale, avec un nombre estimé entre 450 et 500 millions dans le monde entier, soit environ 85 % des producteurs, ne sont pas en mesure de supporter la cherté des intrants chimiques parfois peu disponibles sur place et pouvant entrainer des effets néfastes sur l‘environnement (Abaidoo et al., 2013 ; Adak et al., 2014 ; Harvey et al., 2014 ; Herridge et al., 2008). La réduction de la dépendance des agriculteurs aux engrais minéraux, grâce à des pratiques agroécologiques, est ainsi devenue un des enjeux majeurs du développement durable (Duru et Therond, 2015 ; Stavi et al., 2016). L‘agroécologie, à travers les pratiques qu‘elle promeut, procure plusieurs avantages tant sur l‘utilisation des ressources qu‘au niveau de la parcelle elle-même. En particulier, le meilleur recyclage des biomasses, permet de limiter les pertes par érosion ou lixiviation, entrainant à la fois une diminution des pertes pour l‘agriculteur et une diminution des effets néfastes sur l‘environnement.
Parmi les diverses alternatives proposées, l‘introduction des légumineuses dans les systèmes de culture est une solution pour pallier à la fois aux problèmes de la malnutrition et à la faible fertilité du sol. Ces légumineuses procurent :
(i) des services de soutien dans le contrôle de la fertilité et l‘apport de nutriments, et sont considérées de ce fait comme des agents restaurateurs de la fertilité du sol (Zoundji et al., 2015). Grâce à leurs capacités à fixer l‘azote atmosphérique de l‘air (N2), elles sont en mesure de le transformer en une forme d‘azote assimilable pour la plante à travers la symbiose avec des bactéries du genre Rhizobium. Ceci contribue notablement à la fourniture de l‘azote à la plante elle-même et, par conséquent, au sol à travers les restitutions de biomasses racinaires ou aériennes, pouvant ainsi limiter la quantité d‘engrais azoté à apporter au champ ;
(ii) des services de régulation à travers leurs rôles sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elles contribuent à l‘atténuation de l‘effet du réchauffement global, étant donné que la fertilisation azotée est responsable de la moitié des émissions de gaz à effet de serre par l‘agriculture (Jensen et al., 2010 ; Köpke et Nemecek, 2010) ;
(iii) des services d‘approvisionnement à travers la qualité de la production offerte pour la population humaine ou les animaux d‘élevage. Grâce à leur richesse en produits azotés, elles constituent une source importante de protéines. Les légumineuses à graines, en particulier, sont largement utilisées pour la consommation humaine. Elles constituent la seconde source d‘aliment après les céréales et jouent un rôle très important dans le régime alimentaire de la population (Du et al., 2014), notamment dans les pays les plus pauvres où les protéines animales sont moins consommées.
La place de l’agriculture à Madagascar
Le secteur Agricole, rassemblant près de 80 % de la population active vivant dans les zones rurales tient une place très importante dans l‘économie malgache (FAO/PAM, 2013 ; Sourisseau et al., 2014). Le secteur agricole contribue d‘une manière importante à la richesse nationale avec 28 % du PIB. Il représente 48 % du secteur primaire (FAO/PAM, 2013 ; Sourisseau et al., 2016) et reste le principal moyen d‘existence pour 68 % des ménages (Instat, 2011). La superficie totale des exploitations agricoles malgaches est estimée à 2 millions d‘hectares, sur les 35 millions d‘hectares potentiellement propices à l‘extensification des cultures vivrières, aux grandes cultures et à d‘autres productions (PSAEP/PNIAEP, 2015). L‘agriculture familiale constitue la base de la production agricole et contribue très largement à la sécurité alimentaire de la population à Madagascar (FAO/PAM,2013; Sourisseau et al., 2014).
Néanmoins, l‘agriculture à Madagascar fait face à différentes contraintes entrainant des impacts défavorables pour la production en quantité et en qualité telle que l‘insuffisance des infrastructures de production, l‘utilisation d‘intrants en faible quantité.
Les potentialités agricoles de Madagascar
Madagascar dispose de bonnes potentialités agricoles, avec une grande diversité climatique et écologique favorable au développement d‘une très large diversité d‘espèces végétales, propice à la production d‘une large gamme de cultures tropicales et tempérées (FAO/PAM, 2013 ; PSAEP/PNIAEP, 2015).
Cette diversité agro-écologique a donc permis de définir 10 zones agro écologiques principales, présentant des spécificités relatives aux cultures possibles, ainsi qu‘au calendrier cultural de ces cultures (FAO/PAM, 2013 ; FAO/PAM, 2017) .
Compte tenu des potentialités agro écologiques, on distingue : les cultures vivrières ; les cultures de rente ; les cultures fourragères ; les ressources phytogénétiques forestières. Les principales cultures vivrières sont réparties en cinq groupes: les céréales ; les plantes à racines et à tubercules ; les légumineuses à graines dont le haricot ; les cultures maraîchères ; les espèces fruitières (MAEP, 2009).
La base de l’alimentation à Madagascar
Le riz constitue la source principale de l‘alimentation de la population à l‘exception de certaines zones semi-arides du Sud et du Sud-Ouest, où le manioc et le maïs tiennent la première place. Les plantes maraîchères, très développées autour des agglomérations, les légumineuses à graines, dont le haricot, et même certains tubercules servent généralement de mets agrémentant le riz (MAEP, 2009). Outre le riz, le maïs et le manioc, il est important de souligner la production croissante de légumineuses dans tout le pays, en particulier dans les régions d‘Alaotra Mangoro et de Vakinankaratra (FAO/PAM, 2017).
La place des légumineuses
Les légumineuses constituent souvent la principale source de protéines des ménages, notamment, dans les pays en développement, lorsque les protéines d‘origine animale sont peu disponibles (FAO/PAM, 2017 ; Tharanathan et Mahadevamma, 2003). Elles ont en effet une grande valeur nutritive. La teneur en protéines dans les légumineuses est de 18 à 25 %. Elles renferment également des fibres et procurent des vitamines, des minéraux tels que le fer, le magnésium, le zinc … La présence d‘autres substances comme les tannins leurs confèrent des propriétés antioxydantes et anti-cancéreuses. La consommation des légumineuses à graines réduit également les risques de maladies cardiovasculaires (Duranti et Gius, 1997 ; Mudryj et al., 2014 ; Vaz Patto et al., 2015).
Les légumineuses font également partie des principaux produits commercialisables, à la fois sur les marchés locaux et comme produits d‘exportation. Pour le haricot, 47 % de la production issue de la région du Vakinankaratra est vendue sur le marché local et plus de 90 % de la production de Miandrivazo est exportée (MAEP, 2004).
Le haricot s‘adapte presque partout, notamment sur des zones subtropicales d‘altitude moyenne avec des pluies régulières de l‘ordre de 400 à 1600 mm an-1 . La culture de haricot peut s‘effectuer sur trois saisons au cours d‘une année. La première saison se situe entre le mois d‘octobre et janvier, à l‘arrivée des premières pluies dont la culture peut être installée sur les sols de tanety. La deuxième saison de culture se déroule au cours de la deuxième moitié de la saison pluvieuse c‘est-à-dire entre le mois de janvier et le mois d‘avril. La troisième saison culturale correspond à une culture de contre saison, installée au niveau des rizières irriguées, pouvant être semée à partir du mois de mai (MAEP, 2004). La production de haricot à Madagascar était évaluée à 79 104 tonnes en 2006 pour atteindre une valeur de 82 183 tonnes en 2010 soit une augmentation de 4 % seulement en 4 ans (FAO/PAM, 2010). Cette production correspond à moins de 4 kg par personne par an, ce qui est extrêmement faible et met en évidence la nécessité d‘accroitre cette production.
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