Embryologie de la mandibule
Le chondrocrâne
Le massif crânio-facial est formé à partir des bourgeons faciaux :
Le bourgeon fronto-nasal permet la formation du neurocrâne, et participe à la formation du viscérocrâne,
Les deux bourgeons maxillaires et mandibulaires (issus du premier arc branchial) participent à la formation du viscérocrâne.
Le neurocrâne peut être divisé en deux éléments :
Le neurocrâne cartilagineux ou chondrocrâne qui formera la base du crâne. Il se développe à partir d’une maquette cartilagineuse qui se transforme en tissu osseux par ossification endochondrale,
Le neurocrâne membraneux ou desmocrâne qui se forme par ossification membraneuse.
La face (viscérocrâne) se forme par ossification mixte, à prédominance membraneuse.
L’ossification membraneuse se réalise lorsque l’ossification se fait directement au sein du mésenchyme. Lorsque l’os est formé à partir d’une maquette cartilagineuse (cartilage hyalin), c’est l’ossification endochondrale. Pour certains os, il y a l’association des deux phénomènes, il s’agit alors d’une ossification mixte (3).
Le neurocrâne cartilagineux ou chondrocrâne consiste initialement en une série de points de cartilage qui vont fusionner puis par ossification endochondrale, former la base du crâne.
On distingue le chondrocrâne postérieur et le chondrocrâne antérieur.
L’ossification va se dérouler en plusieurs étapes :
La chondrogenèse aboutissant à la formation d’une ébauche cartilagineuse ;
La poursuite de la différenciation terminale des chondrocytes jusqu’au stade hypertrophique ;
La calcification de la matrice cartilagineuse ;
L’invasion vasculaire du cartilage calcifié ;
La résorption de la matrice cartilagineuse ;
Remplacement du cartilage par de l’os endochondral.
Le chondrocrâne forme dans sa partie antérieure une image de “loup de carnaval” comme l’a évoqué MUGNIER (6). Il émet en bas et en avant : une lame cartilagineuse verticale qui arme le septum nasal médian ; deux auvents latéraux accolés par leurs bords internes qui constituent la capsule nasale ; des tiges de cartilages primaires, les cartilages de Meckel et les cartilages de Reichert (7).
Formation de la mandibule
Formation de la branche horizontale
Le corpus de la mandibule va se former en dehors du cartilage de Meckel par ossification membraneuse. Les premiers points d’ossification de la mandibule apparaissent (un de chaque côté) aux environs du quarantième jour embryonnaire, dans le mésenchyme situé en dehors du cartilage de Meckel, en regard du nerf mandibulaire.
Ces points d’ossification se développent par ossification progressive de l’ectomésenchyme situé exclusivement en dehors du cartilage de Meckel. Ils vont former une lame osseuse : la lame externe qui va s’épaissir et émettre un prolongement interne qui constituera la lame interne.
Ils vont donc former une gouttière osseuse comportant une lame externe et interne (9).
Il se forme, ainsi, une gouttière osseuse, ouverte en haut, dans laquelle se trouvent de bas en haut (9) :
o Une veine dans le canal de Serre ;
o Le nerf mandibulaire et l’artère dentaire inférieure ;
o Une gouttière folliculaire qui comporte tous les follicules dentaires.
Le follicule de la première molaire temporaire va produire de l’os alvéolaire, et va ainsi transformer la gouttière mandibulaire en canal. Les mêmes phénomènes se produisent plus en arrière, au niveau de la deuxième molaire temporaire.
Les branches horizontales mandibulaires s’étendent donc d’avant en arrière autour du nerf mandibulaire d’où le nom d’« unité neurale » qui leur a été donné par MOSS (9).
Formation de la région symphysaire
Un point osseux mentonnier se forme dans le tissu conjonctif de la région symphysaire, il se soudera vers le neuvième mois avec le prolongement antérieur de l’os mandibulaire. La trace de cette soudure n’est plus visible au bout de deux ans. Selon certains auteurs, l’extrémité antérieure du cartilage de Meckel deviendrait de petites pièces osseuses appelées ossicula mentalia de Meckel. Une petite zone de la partie antérieure de la mandibule serait donc due à un phénomène de substitution. Ces petits os prendraient une part importante dans le développement ultérieur de la saillie mentonnière. Le cartilage de la symphyse mentonnière forme une synchondrose qui contribue à la croissance en largeur de la mandibule pendant les premiers mois de la vie. Elle cesse son activité avant la fin de la première année d’après SCOTT et SYMONS (5). Pour SICHER (5), les deux moitiés de la mandibule opèrent une jonction qui ne joue aucun rôle significatif en tant que zone de croissance, bien qu’elle soit identique à une suture (5).
Formation de la branche montante, du coroné et du condyle
La gouttière mandibulaire s’infléchit vers le haut pour former la plus grande partie de la branche montante. Vers le troisième ou le quatrième mois, des cartilages secondaires apparaissent au niveau de la mandibule. Il s’agit des cartilages angulaires, coronoïdiens et condylien. Leur existence est de courte durée : six à huit mois pour le cartilage angulaire, à la naissance pour le cartilage coronoïdien et jusqu’à vingt-et-un ans pour le cartilage condylien (5).
Potentiel de croissance
Chez l’Homme, le condyle a pour rôle principal de stabiliser le corps mandibulaire et de permettre sa bonne mobilisation, mais il contribue aussi à son avancement et à son abaissement (notamment de sa partie postérieure). A ce titre, il possède un rôle actif dans la croissance mandibulaire, variable selon le potentiel primaire du cartilage condylien. Bien que le cartilage condylien soit d’apparition et de type secondaire, il possède néanmoins un potentiel autonome de croissance, variable selon les individus. Ce potentiel et la capacité de réponse du condyle aux hormones de croissance influent sur la position du corps mandibulaire, donc indirectement sur sa croissance (9).
Selon WEIMANN et SICHER (9), la croissance de la mandibule dépend essentiellement de l’activité du cartilage condylien. Celui-ci est un centre de croissance très spécial et très actif, qui ne peut se comparer à aucun autre cartilage. Il s’accroît par apposition à partir du tissu conjonctif de recouvrement.
Selon ENLOW (9), la croissance sagittale de la mandibule se fait essentiellement au niveau du condyle par l’action de son cartilage. Le condyle étant recouvert par une épaisse couche de tissu conjonctif, il existe non seulement une croissance appositionnelle classique mais également une croissance interstitielle lui permettant d’augmenter en épaisseur et ainsi de se déplacer en haut et en arrière. Le mouvement lui permet également d’être responsable en partie de la croissance verticale de la mandibule, et également de la croissance transversale du fait de l’orientation divergente des branches montantes.
En revanche selon KOSKI (9), le cartilage condylien n’est pas l’unique responsable de l’accroissement antéro-postérieur de la mandibule. En effet, la condylectomie bilatérale et même l’absence congénitale de la branche montante n’ont que peu d’effet sur la croissance du reste de la mandibule. D’après KOSKI (9), « si l’on peut considérer le cartilage condylien comme site de croissance, on ne doit en aucun cas penser qu’il peut être un centre de croissance ».
Direction de croissance
L’étude architecturale et structurale de la mandibule donne de bons renseignements sur le potentiel de croissance du condyle. La situation verticale de l’angle mandibulaire et l’aspect de la région pré-angulaire (donnée constitutionnelle, « primaire ») et de l’orientation de l’apophyse condylienne (phénomène « secondaire », adaptatif) reflètent bien ce potentiel. Ainsi en cas de croissance insuffisante du condyle, la partie postérieure du bord basilaire de la mandibule (et du plan d’occlusion) est située au-dessus de leur niveau normal, il existe une encoche pré-angulaire accentuée et le condyle mandibulaire est petit (9).
Le courant synthétique
La théorie synthétique est fondée sur la théorie de VAN LIMBORGH (2). Il reconnaît à chacune des précédentes théories des parcelles de vérité et va les harmoniser.
Selon cette théorie, les facteurs génétiques, épigénétiques et environnementaux contrôlent la croissance.
Les facteurs génétiques intrinsèques interviennent d’une manière différenciée sur la croissance des cartilages. Leur action est forte sur les cartilages primaires de la base du crâne et sur l’expansion faciale du septum nasal cartilagineux. Elle est faible sur le cartilage secondaire condylien. Les facteurs épigénétiques généraux interviennent aussi d’une manière différente sur ces constituants cartilagineux.
Les facteurs environnementaux locaux (actions mécaniques de la confrontation occlusoarticulaire, de la langue, du frein méniscal et du ptérygoïdien latéral, association ptérygocondylien…) ou généraux (vascularisation du frein méniscal postérieur) sont également impliqués dans les mécanismes de croissance.
Selon DELAIRE (5), le concept de quantité de croissance uniquement d’origine condylienne n’est plus d’actualité. Il faut envisager celle de l’ensemble de la mandibule. En effet, il y a des cas où il n’y a pas de condyle (hypo ou acondylie), ni même de ramus alors que le corps mandibulaire est subnormal. C’est le cas, par exemple, dans certaines microsomies hémifaciales. SARLAT (12) a également montré que la résection du condyle chez le jeune singe rhésus n’empêche pas la croissance convenable de la mandibule. Selon DELAIRE (12), le ligament sphéno-mandibulaire qui est un reliquat de la gaine du cartilage de Meckel, est étendu entre l’épine du sphénoïde et l’épine de spix. Le corps mandibulaire avance sous l’influence notamment des poussées linguales, cela met en tension ce ligament, qui en tirant sur le périoste de la région spigienne, entraîne une apposition périostée.
L’ossification du corps mandibulaire est donc due à la fonction.
La mandibule, dépend en partie pour sa croissance d’un léger potentiel primaire (génétique) du cartilage condylien, mais surtout de ses capacités adaptatives de croissance en réponse à l’environnement au niveau de ses deux sites de croissance que sont le condyle et la région spigienne.
Schéma de la croissance mandibulaire
Ainsi la croissance condylienne n’est pas le seul phénomène qui se poursuit. Sur toute la surface de l’os mandibulaire, il existe toute une série de zone d’apposition et de résorption osseuse, qui modèle sans cesse l’os, non seulement dans ses formes mais également à un degré moindre, dans sa taille. C’est la croissance modelante (5).