La créativité organisationnelle, le changement organisationnel et la pme

LA CRÉATIVITÉ INDIVIDUELLE

D’abord, la créativité est un phénomène complexe qui suscite l’ intérêt de la communauté scientifique depuis de nombreuses décennies (Amabile, 1983, 1996; Barron & Harrington, 1981; Friedman & Rogers, 1998; Guilford, 1950; Hulbeck, 1945; Mumford & Gustafson, 1988; Simonton, 1975; Stein, 1962; Torrance, 1988; Vernon, 1970; R. W. Weisberg, 1988). L’étude du phénomène a grandement évolué passant par la fascination pour le génie humain et tout ce qu’il peut inventer, à l’exploration des perspectives individuelles, sociales ainsi que contextuelles pouvant expliquer son incidence (Glâveanu, 2010). La dimension individuelle a elle seule a fait couler beaucoup d’encre (Albert & Runco, 1999; Robert J. Sternberg, 2003). Effectivement, bon nombre de théoriciens provenant de diverses disciplines telles que la psychodynamique, les sciences cognitives, la psychométrie et la psychologie sociale ont tenté d’élucider les mystères entourant ce concept (Barron, 1963; Cox, 1926; Eysenck, 1993; Finke, Ward, & Smith, 1992; Freud, 1908; Guilford, 1950; Hennessey & Amabile, 1988; Kris, 1952; Langley, 1987; S. Mednick, 1962; Renzulli, 1984; Torrance, BalI, & Safter, 2003; R. Wei sb erg, 1986).

Selon l’approche psychodynamique, la créativité prend forme à travers la tension entre la réalité consciente et les désirs inconscients. Alors, les écrivains ou artistes produisent leurs travaux créatifs de sorte qu’ils leur est possible d’exprimer leurs désirs inconscients dans un cadre socialement acceptable (Freud, 1908). Les sciences cognitives quant à elles suggèrent que le phénomène se développe à travers divers processus mentaux tels que: l’association, la synthèse, la transformation, le transfert analogique etc (Finke et al., 1992). Ensuite, les tenants de la psychométrie pensent que la créativité peut être mesurée et analysée en fonction de différents tests psychométriques (M. T. Mednick & Andrews, 1967; S. Mednick, 1962; Torrance et al., 2003). D’ailleurs, certains auteurs soutiennent que le niveau de quotient intellectuel peut influencer la capacité à être créatif (Barron & Harrington, 1981). Bien que cette hypothèse ne fasse pas l’unanimité, ces auteurs croient qu’avant le seuil de 120 de quotient intellectuel la performance créative des invidus soit plus variable et au dessus de 120 plus stable. Le quotidien intellectuel fait référence à la capacité des indidivus à performer à des tests d’attention, de perception, de mémoire, de raisonnement et de compréhension verbale (Durand & Barlow, 2002).

Toutefois, ces derniers auteurs se questionnent quant à savoir si le Q.I permet d’évaluer la totalité de ce qui est communément convenu comme étant de «l’intelligence ». Effectivement, certaines théories « suggèrent que ce que nous désignons par ce terme implique beaucoup plus de choses, comme l’aptitude à s’adapter à un environnement, à générer de nouvelles idées, et à traiter efficacement des données» (Robert J Sternberg, 1988). Finalement, l’approche psycho-sociale aborde le phénomène comme étant la conséquence de l’interaction d’un regroupement de traits de personnalité spécifiques (Amabile, 1983). Effectivement, la littérature a démontré que les individus à haut potentiel créatif partagent certains traits de personnalité communs tels que: la tolérance à l’ambiguité, l’indépendance de jugement, la préférence pour la complexité, le fort désir de créer, une intense motivation, une intelligence relativement accrue, une imagination débordante, une aisance verbale et de l’originalité (Glâveanu, 2010).

Toujours selon une perspective individuelle, divers théoriciens ont proposé que la créativité peut être perçue comme un processus au cours duquel l’individu explore et évalue de nouvelles idées (Carrier, 1997). Ce processus est séparé en quatre étapes distinctes: la préparation, l’incubation, l’illumination ainsi que la vérification et/ou application (Timbal-Duclaux, 1990). La première étape fait référence à la période d’observation au cours de laquelle de multiples données et informations sont collectées. La deuxième étape est plutôt un moment de «ruminage mental» pendant lequel il est possible de jongler avec les idées et les combiner de plusieurs façons différentes. La troisième phase du processus, celle de l’ illumination, représente la période où la solution semble apparaître en un éclair d’intuition. En réalité, elle n’est que «l’aboutissement du long voyage au coeur du possible et de l’impossible qui l’a précédé » (Carrier, 1997). La dernière étape du processus consiste à vérifier l’utilité de l’idée retenue. Effectivement, ce moment permet d’évaluer la pertinence ainsi que la faisabilité de l’idée en s’ efforçant de l’appliquer à une situation réelle.

LA CRÉATIVITÉ ORGANISATIONNELLE ET L’INNOVATION

Les premières théories avancées pour étudier la créativité étaient davantage limitatives que les perspectives plus contemporaines, car elle se basaient sur des différences individuelles statiques telles que les mesures de niveaux d’intelligence (Amabile, 1997; Mumford & Gustafson, 1988). Au cours des dernières décennies, il ya eu une augmentation constante de la recherche dans le but d’examiner non seulement le rôle des facteurs individuels, mais également celui des facteurs sociaux et contextuels pouvant faciliter ou nuire à la créativité (Amabile, 1983; Basadur, 1997; Oldham & Cummings, 1996). Dans un premier temps, certains auteurs croient qu’il est important de nuancer l’étude de la créativité en milieu de travail (Reiter-Palmon, 2011). Effectivement, la théorie et la recherche dans ce domaine font la disctinction entre le concept de créativité ainsi que celui de l’innovation. Le phénomène de la créativité en organisation se définit comme étant la production d’idées novatrices, à hauts potentiels concernant de nouveaux processus, produits, services et procédures pouvant contribuer à la regénéressence, à la survie ainsi qu’à la performance des organisations dans un environnement hautement compétitif (Amabile, 1997; Oldham & Cummings, 1996; Zhou & George, 2001).

Néanmoins, certains auteurs précisent cette définition en proposant par exemple qu’une idée ayant le potentiel d’être unique et originale serait considérée comme étant créative seulement si elle crée de la valeur, est utile et réalisable (Zhou & Shalley, 2011). La définition proposée par les auteurs (Woodman, Sawyer, & Griffin, 1993) est visiblement similaire. Effectivement, ces derniers définissent la créativité organisationnelle comme étant la création de nouveaux produits, services, idées, procédures ou processus utiles générés par des individus qui travaillent de concert au sein d’un système social complexe. Quant à eux les auteurs de Vasconcellos et al. (2019) suggèrent que la créativité organisationnelle est avant tout une ressource qui reflète la création de valeur ajoutée. Ici, il n’est pas nécessairement question de création de valeur financière ou quantifiable. Il peut être question de création de ressources intangibles comme des idées, des routines ainsi que des processus. D’ailleurs, selon les auteurs, la création de processus reflète les habiletés entrepreneuriales des individus qui travaillent de concert au sein d’un système social complexe (de Vasconcellos et al., 2019).

En ce qui concerne l’innovation, Carrier (1992) la définit comme étant tout changement adopté, développé, implanté ou commercialisé par une entreprise. Lequel changement a pour but d’augmenter la productivité, la performance de l’organisation, de répondre à de nouvelles exigences du marché ou de s’attaquer à de tous nouveaux marchés. Dans leur récent écrit, Carrier et Gélinas (2011) vont en ce sens en proposant que la créativité est requise pour permettre à l’organisation de générer et de mettre en oeuvre des idées nouvelles ayant de la valeur, alors que le champ de l’innovation concerne la gestion des bénéfices rattachés au processus créatif. Ensuite, certains chercheurs pensent que la créativité ainsi que l’innovation prennent place au sein d’un processus (McAdam & Keogh, 2004). La figure suivante met en perspective cette idée de processus et de relation continue qu’entretiennent les concepts de créativité ainsi que d’innovation. Finalement, certains chercheurs croient que la créativité organisationnelle est intimement liée à la performance des entreprises dans la mesure où ~lle influence le potentiel d’innovation de ces dernières et leur productivité (Jeong & Shin, 2019). Il ne semble toutefois par régner de consensus au sein de la communauté scientifique à cet égard.

Effectivement, certains auteurs pensent que la créativité organisationnelle influence positivement la performance des entreprises et en contradiction, d’autres croient que la performance des entreprises influencela capacité des individus à faire preuve de créativité organisationnelle (Arnabile & Pratt, 2016; Jeong & Shin, 2019). Dans leur écrit de 2006 , les auteurs Hargon et Becky ont démontré que la créativité organisationnelle n’est pas uniquement déterminée par la créativité individuelle des employés, ou encore par leur simple aggrégation, mais davantage par le contexte social auquel ces employés sont exposés (Hargadon & Bechky, 2006; Woodman et al., 1993). Les auteurs Hargadon et Bechky (2006) ont trouvé que les interactions sociales auxquelles les employés participent permettent de transformer les idées individuelles en créativité organisationnelle. Cet apprentissage collectif suggère que les interactions sociales en entreprise jouent un rôle prédominant quant à l’évolution d’une idée vers la création de connaissances et ainsi prendre la fonne de créativité à un niveau organisationnel. Les échanges sociaux qui se font sollicitent et encouragent plus de variations, de combinaisons et de validations d’idées panni les employés, ce qui augmente de ce fait la créativité organisationnelle (J eong & Shin, 2019).

Selon cette même perspective, Csikszentmihalyi (2013) aborde l’idée que la créativité ne prend pas fonne exclusivement dans l’esprit des individus, mais bien à travers l’interaction entre les représentations mentales de ceux-ci ainsi que leur contexte socioculturel (Csikszentmihalyi, 2013). Selon cet auteur, le phénomène est donc davantage systémique qu’individuel. Ainsi, depuis quelques années, un cadre conceptuel prépondérant dans les écrits scientifiques sur la créativité en contexte organisationnel a émergé. Celui de la perspective interactionniste selon laquelle la créativité est considérée comme étant le produit des caractéristiques de l’ individu, du cadre de travail et de leur interaction (Shally et al., 2009). Ainsi, Seelig (2012) en fait la juste expression dans son ouvrage intitulé Ingenius. Effectivement, cette dernière démontre avec éloquence le dynamisme du concept de la créativité grâce à son outils dénommé: l’ appareil de l’innovation (Seelig, 2012).

Table des matières

SOMMAIRE
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – LA PROBLÉMATIQUE MANAGÉRIALE
CHAPITRE 2 – FONDEMENTS THÉORIQUES
2.1 LA CRÉATIVITÉ INDIVIDUELLE
2.2 LA CRÉATIVITÉ ORGANISATIONNELLE ET L’INNOVATION
2.3 TECHNIQUES POUR FAVORISER LA CRÉATIVITÉ ORGANISATIONNELLE ET LA RÉFLEXION CRÉATIVE
2.4 LA PME
2.5 LA CRÉATIVITÉ ET LA PME
2.6 LE GESTIONNAIRE DE PME
2.7 LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL
2.8 LA GESTION DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL
2.9 LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL ET LA CRÉATIVITÉ ORGANISATIONNELLE
2.10 LA CRÉATIVITÉ ORGANISATIONNELLE, LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL ET LA PME
2.11 L’APPRENTISSAGE PAR L’ ACTION
2.12 L’APPRENTISSAGE PAR L’ACTION ET LA CRÉATIVITÉ
2.13 LES QUESTIONS DE RECHERCHE
CHAPITRE 3 – LES FONDEMENTS MÉTHODOLOGIQUES
3.1 L’APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
3.1 .1 Théories et paradigmes
3.1.2 La méthode d’analyse : L’analyse de contenu
3.1.3 Les récits narratifs: corpus de textes individuels
3.2 LA COLLECTE DES INFORMATIONS
3.2.1 Le cadre de la recherche et les critères de sélection
3.2.2 L’échantillonnage
3.2.3 La collecte
3.2.4 La description des répondants
3.3 LE TRAITEMENT DES DONNÉES
3.3.1 La segmentation
3.3.2 Présentation de la base de données
3.3.3 La codification et l’aspect éthique
3.3.4 L’analyse de contenu
CHAPITRE 4 – LES RÉSULTATS
4.1 VOLET QUANTITATIF
4.1.1 La distribution des codes
4.1.2 La distribution selon les catégories de code
4.1.3 La distribution de cooccurrences spécifiques
4.2 VOLET QUALITATIF
CHAPITRE 5 – DISCUSSION
5.1 L’INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
5.1.2 Les limites de l’étude
5.1.3 La contribution proposée
CONCLUSION
ANNEXE 1
ANNEXE 2
ANNEXE 3
RÉFÉRENCES

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