La création des commissions de travail sous la méthode Voir-juger-agir

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D’autres changements dans le chemin vers l’aggiornamento

Le chemin de la REC fut aussi dégagé par d’autres changements. Dans les années 80, l’Église catholique met en œuvre certaines réformes visant, probablement, à détendre les relations avec le gouvernement. Entre le 16 et 18 juin de 1982, la Conférence épiscopale cubaine, décida son propre renouveau567. La nouvelle direction demeura ainsi : Président de la Conférence, Monseigneur Adolfo Rodríguez, évêque de Camagüey ; vice-président, Monseigneur Jaime Ortega Alamino, archevêque de La Havane ; Secrétaire, Monseigneur Fernando Prego, évêque de Cienfuegos-Santa Clara ; intégrant le Comité permanent, en plus de trois évêques cités ci-haut, Monseigneur Pedro Meurice, archevêque de Santiago de Cuba et délégué de la Conférence auprès du CELAM, l’archevêque de La Havane, son remplaçant étant Monseigneur José Ciro González, évêque de Pinar del Río.
Une fois les travaux des commissions et le document paroissiaux et diocésains consolidés, on procéda à la diocésaines, lesquelles s’effectuèrent entre les 28 avril à discuter aux niveaux célébration des réunions et le 23 juin 1985. Les assemblées, au-delà du fait de servir d’espace de débats sur plusieurs thématiques impliquant la vie de l’Église dans la société cubaine, furent un acte de bonne foi envers les autorités civiles et une opportunité pour l’œcuménisme. Dans certains diocèses, le comité organisateur des assemblées envoya des invitations aux représentants du gouvernement local et aux pasteurs protestants des villes568. Au vrai, l’histoire de l’œcuménisme et la cordialité entre les diverses dénominations chrétiennes de l’île, sujet non étudié jusqu’au présent, est un fait étroitement lié au traitement reçu par les églises de la part de l’État. Une leçon historique non-apprise par les autorités temporelles : la persécution n’a jamais été la bonne méthode pour détruire l’Église, ni non plus pour décourager les chrétiens. Partout où cette méthode a été mise en œuvre, les résultats ont été tout à fait opposés à ceux désirés. Le raffermissement de l’Église, la consolidation des liens entre les chrétiens, le rattachement de plus en plus fort à l’idée en laquelle on croit, ont été, à maintes reprises, des réponses à la persécution et aux tentatives d’effacer la religion. C’est une vieille leçon historique née aux jours des catacombes et non-apprise par certaines autorités civiles.
Le diocèse de Pinar del Río effectua son assemblée entre le 26 et le 28 avril 1985. Sous la direction de l’évêque Monseigneur José Siro González Bacallao, environ 70 délégués provenant des églises du diocèse participèrent. Le diocèse de Cienfuegos-Santa Clara, effectua ses séances à partir du 26 avril 1985 sous la coordination de l’évêque Monseigneur Fernando Prego Casal, auxquelles participèrent 67 délégués. Pour sa part, le diocèse de Camagüey célébra son assemblée les 26, 27 et 28 avril, sous la direction de l’évêque Monseigneur Adolfo Rodríguez Herrera et avec la participation de quelques 80 représentants des églises. Le diocèse de Matanzas s’ajouta à la célébration des assemblées en deux sessions : du 11 au 13 mai, et du 24 au 26 mai 1985. L’assemblée réunit environ 80 délégués qui, sous la direction de l’évêque de l’évêque Monseigneur José Maximino Eusebio Domínguez y Rodríguez discutèrent des stratégies, des méthodes et des moyens proposés par le diocèse afin d’atteindre le renouveau du catholicisme cubain. La réunion de Matanzas compta sur la participation de représentants d’autres églises chrétiennes. Le diocèse d’Holguin organisa son assemblée entre 21 et le 23 juin 1985. Les deux archidiocèses du pays célébraient leurs réunions, La Havane entre les 4 et le 7 de juillet et Santiago de Cuba, du 13 au 16 juin.
C’est dans ce contexte de préparation de la Rencontre ecclésiale cubaine que les premières réponses favorables de la part de l’État se produiront : en 1981, à la suite de la nomination de Monseigneur Jaime Ortega Alamino comme nouvel archevêque de La Havane, l’agence Prensa Latina, manifesta son intention de l’interviewer. À la célébration de consécration du nouvel évêque participera une délégation du gouvernement. Il est aussi significatif de mentionner qu’en 1984, lors d’une séance publique de l’Assemblée du Pouvoir populaire569, Fidel Castro fit les éloges du travail des religieuses dans les maisons des aînés. En 1985 aurait lieu l’acte de cordialité le plus important des dernières 20 années : l’Église catholique cubaine serait invitée à participer à la « Rencontre internationale sur la dette extérieure et le nouvel ordre mondial » qui se tiendra à La Havane entre le 30 juillet et le 3 août. Dans la rencontre internationale participèrent deux évêques, l’archevêque de La Havane, Monseigneur Jaime Ortega Alamino et l’évêque de Camagüey, Adolfo Rodríguez Herrera, et, en plus de cela, un autre prêtre et une religieuse furent invités. Ces trois événements revêtent une grande importance pour la préparation de la voie par où l’aggiornamento du catholicisme cubain devra passer.
L’entrevue à Monseigneur Jaime Ortega toucha les thèmes suivants : (1) les données biographiques de l’évêque et la signification personnelle de sa nomination comme archevêque; (2) les relations entre l’Église et l’État cubain, ainsi que les projections futures; (3) la situation de la liberté de cultes au pays; (4) le rôle du christianisme dans la société; (5) le rôle de l’Église dans la lutte en faveur de la paix et (6) la possible visite à Cuba du pape Jean-Paul II570. Le deuxième événement, l’invitation à la rencontre sur la dette extérieure, consistait en une série de conférences avec des invités internationaux dans le but de débattre du large spectre de conséquences causées par l’endettement des pays pauvres, de prendre conscience de ce phénomène sociopolitique dévastateur et d’élaborer des stratégies depuis la gauche latino-américaine.
569 Le gouvernement central dirige les provinces et les territoires à l’aide des Assemblées de pouvoir populaire, qui à leur tour sont formées par des représentants du peuple, élus, du moins théoriquement, de manière démocratique.
Concernant l’entrevue accordée à Prensa Latina, elle fut un moment idéal pour l’archevêque récemment élu de clarifier certains concepts clefs pour le bon fonctionnement de l’Église dans la société. En reconnaissant la responsabilité d’avoir été nommé pour le siège métropolitain de La Havane, le diocèse le plus grand du pays, l’évêque remet en question, à l’aide d’un langage raffiné, quelques-uns des concepts utilisés par le gouvernement dans le domaine des relations Église-État. Ainsi, Jaime Ortega dira que le concept d’Église ne doit pas être réduit à la hiérarchie de l’institution. L’Église est l’ensemble du peuple de Dieu, composé, certes, par la hiérarchie, mais aussi par des ouvriers, des professionnels, des étudiants, etc. Dès lors, la globalité des relations Église catholique-État est plus que la relation hiérarchie catholique-État. Par rapport à la liberté de culte, Monseigneur Jaime Ortega affirmait sereinement la pertinence de l’emploi du terme « Liberté de conscience » au détriment de Liberté de culte, car :
Parfois, lorsqu’on parle de liberté de culte, on a la tendance à penser que la liberté religieuse peut être réduite au fait de maintenir les temples ouverts et de s’y rendre individuellement ou collectivement. La liberté de conscience signifie que le croyant peut être identifié comme tel, dans et hors de l’exercice du culte […].
Sur l’épineux sujet de la participation des chrétiens dans la société, l’évêque dira que, en suivant les enseignements de la Constitution Gaudium et spes et de l’évangile même, la participation des chrétiens dans la société est un devoir. Par contre, dans la société cubaine le préjugé créé envers les croyants est l’un des obstacles principaux à l’intégration sociale des chrétiens.
En somme, l’entrevue, courte et succincte, eut un caractère pastoral-pédagogique. L’évêque, à l’aide d’un vocabulaire simple et intelligible, ne fit ni de décharges de haine, ni d’accusations. Au contraire, il montra l’image d’une Église conciliatrice, d’une église désireuse de s’insérer dans la société pour la servir, d’une Église qui réclame un espace social. En même temps, l’audience eut l’opportunité d’entendre ce que l’Église pensait d’elle-même sans intermédiaires entre elle et la société. Malheureusement, et nous devons y voir une stratégie de désinformation, Prensa Latina, à l’époque, était un journal internationale, c’est-à-dire que le principal récepteur de message, le peuple cubain, encore une fois se vit privé d’entendre la voix de l’Église.
Par rapport à la rencontre internationale sur la dette extérieure, celle-ci fut une belle opportunité pour le catholicisme cubain d’enrichir sa vision et son interprétation sur le fait social. En ce sens, nous devons suivre de près les conclusions tirées de la rencontre par Monseigneur Adolfo Rodríguez Herrera, évêque de Camagüey.
En gros, la Rencontre sur la dette extérieure inspira chez l’évêque de Camagüey, participant à la rencontre, une réflexion contenant l’analyse de la situation politico- économique et ses conséquences sociales dans le contexte latino-américain. Selon lui, plusieurs représentants du monde politique, économique, artistique et religieux provenant d’Amérique Latine et d’autres régions du monde y participèrent. Plus de 100 religieux participèrent à la réunion, dont certains « eurent des sereines manifestations de leur foi chrétienne »572. Dans sa réflexion, Monseigneur Adolfo Rodríguez, reconnait que l’Église « n’est pas maîtresse d’économie, elle n’a pas de compétence dans ce terrain ». Par contre cela ne doit pas être une justification pour se maintenir à distance de ceux qui souffrent à cause des conséquences morales et sociales de la situation économique.
C’est là justement où la mission, l’intérêt et le souci de l’Église se situent, et nous devrions ajouter la responsabilité et la compétence de l’Église. Il n’est pas étonnant que la voix de l’Église, concernant quelques-uns de ces trois sujets de la Rencontre de La Havane ou concernant les trois thèmes en même temps, remonte à très longtemps […]. Le magistère officiel de l’Église leva alors sa voix non pour conseiller aux pauvres la conformité avec sa pauvreté, ni aux riches la conformité avec la richesse, mais pour dénoncer les causes injustes et pour annoncer les activités évangéliques pouvant éviter les conséquences573.
À notre avis, l’invitation à participer à cette Rencontre sur la dette extérieure est une question ayant plusieurs interprétations. D’un côté, il y a le contexte. L’Église, dans un acte de maturité spirituelle, avait compris le besoin de se réconcilier avec son contexte et de l’accepter afin de devenir plus effective, et pour y parvenir elle devait se montrer ouverte et dialoguante. En invitant les fonctionnaires du gouvernement aux réunions diocésaines dans le cadre de la REC, l’Église avait mis la première pierre pour construire le chemin de la détente. Ces actions, chez un gouvernement très préoccupé (et occupé) par son image extérieure face à une Amérique latine où une partie de l’Église admirait l’œuvre communiste, obligea le gouvernement à la réciprocité. Une invitation à une réunion où on ne parlerait pas des questions nationales, mais d’une affaire étrangère, serait une bonne opportunité pour être courtois. De l’autre côté, on pourrait penser que, en invitant d’autres religieux du sous-continent, le gouvernement forçait une rencontre entre le clergé cubain, jugé conservateur, et des religieux dits progressistes, et ce, dans le but d’encourager un dialogue visant à changer ou, du moins, à faire bouger la pensée du clergé cubain. Si le premier raisonnement était le bon, alors le gouvernement y perdait une bonne opportunité de prendre le chemin du dialogue sérieux et de la réconciliation avec une institution dont les racines plongent profondément dans la société cubaine. En outre, ce dégel Église-État pouvait être le point de départ dans le long chemin de la réconciliation d’un peuple extrêmement divisé et polarisé par des idées et sentiment politiques. Si le deuxième raisonnement est le bon, alors, le catholicisme cubain, de plus en plus sûr de sa mission, ne se laissa pas séduire par l’appât politique. En vain fut l’effort du gouvernement. L’évêque de Camagüey, dans la réflexion ci-haut citée, dira :
L’Église n’est pas maîtresse d’économie, elle n’a pas de compétence dans ce terrain, ce n’est pas la mission que Jésus lui confia : elle n’est pas non plus la seule responsable de la justice dans le monde. Concevoir des politiques et des programmes économiques n’est pas sa tâche ; il ne correspond pas à l’Église de supprimer d’un trait de plume le Fond monétaire international, ni de légiférer sur les exportations et les importations d’un pays donné, ni de fermer la Banque mondiale et renvoyer ses employés, ni de fixer les prix des matières premières et des produits élaborés. Jésus n’est pas le porteur d’une liste circonstancielle de solutions concrètes applicables à chaque situation concrète, mais d’un évangile d’activités morales applicables à chaque situation concrète chez l’homme574.
Plus loin, Monseigneur Adolfo Rodríguez évoque et souligne, en s’appuyant sur un récit historique, l’importance et la validité de la Doctrine sociale de l’Église pour bien acheminer la solution des problèmes sociaux traités par les participants de la Rencontre. Dans son parcours historique, il s’arrête au Concile Vatican II pour mettre en lumière les enseignements de la Constitution Gaudium et Spes, à l’égard de la situation économique dans certaines régions du monde et ses conséquences sociales. La réflexion de l’évêque de Camagüey fut reconnue par la Conférence des évêques comme le sentiment général des évêques cubains. La participation des évêques cubains à la Rencontre sur la dette extérieure fut un bon moment pour que le catholicisme de réaffirmer son engagement envers la libération intégrale de l’être humain, mais aussi pour rappeler l’ordre hiérarchique des éléments qui composent la mission reçue de la part de DIEU.
Finalement, les éloges de Fidel Castro à l’endroit du travail des religieuses dans le service social et l’attention dans le nombre très réduit de maisons d’aînés montrent, au dire de Paul VI dans l’encyclique ecclesiam suam575, le silence qui parle, le témoignage d’amour aux autres qui ne peut pas être effacé. Même dans des conditions aussi défavorables et sans les ressources de jadis, le catholicisme cubain ne cessait pas de faire son travail. Or, revenons en arrière pour analyser les sujets les plus importants débattus par les diocèses cubains pendant la REC.

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