La corrélation entre deux projets interdépendants

La corrélation entre deux projets interdépendants

L’attention du projet-résultat portée au projet-processus L’économie générale du PADD représente une restriction incontestable à la remise en cause du projet-processus (Paragraphe I). Il en va de même pour les opérations d’aménagement effectuées dans le cadre d’une OAP. Elles doivent inévitablement attester d’un rapport de compatibilité avec ses dernières, elles-mêmes établies dans un rapport de cohérence avec le PADD (Paragraphe II). 

Le respect de l’économie générale du PADD

D’un point de vue opérationnel, les procédures, objet de notre réflexion, à savoir, la déclaration de projet et les procédures intégrées pour le logement et l’immobilier d’entreprise, présentent un intérêt certain. Elles permettent la mise en œuvre opérationnelle de projets urbains. De ce fait, nous pouvons légitimement considérer ces procédures telles que des outils propres à l’urbanisme opérationnel. Or, comme nous l’avons déjà énoncé, ce dernier fait preuve, et, paradoxalement, plus encore depuis la loi SRU avec la naissance du PADD, d’une soumission à la planification. Toutefois, ne décelons-nous pas, dans cette subordination, la volonté de faire valoir le projet urbain, ce projet qui ne se conçoit qu’au singulier et qui symbolise une ambition souhaitée idéale pour le territoire concerné ? De ce point de vue, nous pouvons légitimer, sans conteste, cette relation de cause à effet. Reste à déceler, de quelle manière s’envisage cette dernière, dans le cadre de nos trois procédures mises en avant. L’article L.300-6 du Code de l’urbanisme dispose que, dans le cadre d’une déclaration de projet, la procédure de mise en compatibilité du PLU et du SCOT est applicable « sauf si la déclaration de projet adoptée par l’État, un de ses établissements publics, un département ou une région a pour effet de porter atteinte à l’économie générale du projet d’aménagement et de développement durables du schéma de cohérence territoriale et, en l’absence de schéma de cohérence territoriale, du plan local d’urbanisme ». Il résulte de ces dispositions qu’une procédure qui porte atteinte à l’économie générale du PADD ne peut faire l’objet d’une déclaration de projet et doit donc être soumise à une procédure de révision. Antérieurement à l’ordonnance du 5 janvier 2012242, les procédures de modification et de révision simplifiée ne devaient, elles aussi, porter « atteinte à l’économie générale du PADD ». Depuis cette réforme, cette notion a été abandonnée pour les procédures de modification. Désormais, elles ne peuvent être mises en œuvre uniquement si elles ne modifient pas les orientations définies dans le PADD. Cette évolution nous interroge. En effet, la question se pose de savoir où se situe la frontière intangible entre « économie générale du PADD » et « orientations du PADD ». Dans un arrêt portant sur la législation antérieure, mais toujours applicable, le Conseil d’État a précisé les contours de cette notion emblématique, à savoir l’« économie générale du projet ». Le Conseil d’État atteste que « l’atteinte à l’économie générale d’un plan d’occupation des sols peut résulter de changements qui, par leur nature ou leur ampleur, eu égard à leurs effets propres ou combinés, modifient substantiellement les possibilités de construction et d’usage du sol sur le territoire de la commune par rapport aux choix antérieurs »243. L’atteinte à l’économie générale du PADD résulte donc d’une modification substantielle du projet. Le nombre, la nature et l’importance des changements, représentent, à cet égard, des indices de la remise en cause de l’économie énérale du projet244. Le caractère substantiel du changement, c’est-à-dire son caractère décisif, constitue donc la frontière à ne pas franchir. C’est un contrôle sur le PADD, dans son entièreté, qui s’opère. Au contraire, dans le cadre de la modification, le contrôle s’opère sur les orientations du PADD en elles-mêmes : ces dernières ne doivent pas être changées. Le contrôle s’avère plus strict. La notion d’« économie générale » laisse donc plus de marge à nos trois procédures. Elles disposent de plus de liberté pour se développer et donner naissance à l’accomplissement du projet qu’elles poursuivent.

La mise en compatibilité des opérations d’urbanisme avec les prescriptions des OAP

Comme énoncé ultérieurement, les OAP constituent l’expression positive de la mise en place d’un « urbanisme de projet(s) ». Elles représentent l’« instrument majeur »245 de cet urbanisme. Toutefois, si l’analyse de ces outils ne trouvent sa place qu’à ce stade de notre réflexion, c’est afin de mettre en avant leur caractère opérationnel. L’article L.151-7 du Code de l’urbanisme détaille de manière très précise les objectifs assignés à ces OAP. Toutefois, c’est l’alinéa 1er qui attire le plus notre attention. Celui-ci dispose que les OAP peuvent « définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l’environnement, notamment les continuités écologiques, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l’insalubrité, permettre le renouvellement urbain et assurer le développement de la commune ». « Du long et verbeux article L.151-7, on croit cependant comprendre que la vocation première – et peut-être bien unique – des OAP soit de ”définir les actions et opérations” »246. Ce sont vraisemblablement les actions et opérations d’aménagement, au sens de l’article L.300-1 du Code de l’urbanisme, et telles que définies ultérieurement, qui se trouvent au sein de cette disposition. Quant à lui l’alinéa 4 de cet article dispose que l’OAP peut porter sur des « quartiers ou des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter ou aménager ». Une fois de plus, c’est le concept d’aménagement qui retient notre attention au sein de cette disposition247. Ainsi, l’OAP se présente comme principal outil du projet d’aménagement au sein du PLU. D’ailleurs, ne nous méprenons pas, notre réflexion ne porte pas sur la distinction entre les différentes OAP et leurs enjeux respectifs. Un seul caractère nous intéresse à travers elle : l’opérationnalité de cet instrument. À ce sujet, nous pouvons également écarter le questionnement relatif à leur champ d’application. La question, récurrente chez les différents auteurs248, de savoir si ces OAP, en accord avec les articles R.151-6 et R.151-8 du Code de l’urbanisme, s’opèrent nécessairement et uniquement sur un périmètre déterminé, bien que très respectable, ne trouve pas sa place au sein de notre analyse. La loi urbanisme et habitat intervenue en 2003249 a soumis les opérations d’urbanisme aux prescriptions des OAP. Ces dernières s’imposent dans un rapport de compatibilité. En effet, l’article L.152-1 du Code de l’Urbanisme dispose que les « travaux ou opérations sont […] compatibles, lorsqu’elles existent, avec les orientations d’aménagement ou de programmation ». Elles sont donc opposables aux utilisateurs du sol. Soulignons, d’ailleurs, qu’il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre les travaux et opérations d’initiative publique ou privée. Le « rapport de compatibilité », déjà explicité lors de notre réflexion, est perçu comme un rapport d’opposabilité plus souple que le « rapport de conformité » qui, toujours selon l’article L.152-1 du Code de l’urbanisme, s’impose pour le règlement et ses documents graphiques. « Le contrôle de la compatibilité est différent du contrôle de la conformité (…) La compatibilité se distingue de la conformité en ce que la seconde implique un rapport de stricte identité alors que la première se satisfait d’une non contrariété. »250 Le rapport de compatibilité est donc appliqué avec plus de souplesse que celui de conformité. Ce constat ne semble-t-il pas évident en présence d’« orientations » ? En somme, « une règle précise s’applique précisément, et une règle souple s’applique souplement »251. Cette simplification extrême des rapports de compatibilité et de conformité a le mérite de mettre en avant la souplesse d’application des OAP. Exprimées sous forme d’orientations laissant une marge d’appréciation à l’utilisateur du sol et à l’administration compétente, celles-ci ne doivent pas s’apparenter à un règlement. Le rapport de compatibilité qui incombe aux travaux et opérations relève donc de la nature même du concept inhérent à l’« orientation ». Quoi qu’il en soit, les OAP sont opposables aux autorisations d’urbanisme dans un lien de compatibilité. Les OAP représentant un véritable instrument au service du projet, ce rapport de comptabilité démontre l’attention considérable que doit porter le projet-résultat, travaux et opérations, envers le projet-processus, « projet de territoire ». D’ailleurs, cette attention n’est-elle pas elle-même renforcée par le rapport de cohérence liant les OAP et le PADD ?

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