La coopération décentralisée un levier de développement
Après les trois décennies de la mondialisation/globalisation menée sous la houlette du capitalisme néolibéral globalisé dont le moteur est une idéologie dérégulatrice systématique, il devient communément admis que notre monde est confronté à des défis nombreux qu’il peine à relever. Certes, cette mondialisation a généré de la croissance pour certains mais elle a surtout engendré et nourri pour les autres de profonds déséquilibres politiques, sociaux, économiques et écologiques, à différents niveaux. C’est pourquoi, à travers sa politique publique de coopération internationale, particulièrement par le biais de la coopération décentralisée officiellement légalisée et soutenue, la France affirme vouloir utiliser ces deux instruments pour infléchir la trajectoire de cette mondialisation et œuvrer ainsi avec ses partenaires du Sud dont le Maroc à un développement soutenable. La coopération constitue même pour la France, parait-il, un outil pour réduire les tensions et les déficits de la mondialisation et faire émerger un autre modèle de croissance et de développement axé fondamentalement, entre autres, sur la pertinence des territoires et sur l’action extérieure des collectivités territoriales, un modèle présenté comme plus respectueux des équilibres économiques, sociaux et environnementaux. Cependant, se déclarant ouvertement partie prenante d’une diplomatie économique de proximité axée sur cette action extérieure des collectivités territoriales, la France ne risque-t-elle pas de confondre : ▪ D’une part, l’« aide public au développement » destinée à soutenir des partenaires du Sud dont le Maroc, ▪ D’autre part, la considération de cette forme d’action de coopération, de par les multiples projets conventionnés par le biais de l’action de la coopération décentralisée, en tant qu’outils de soutien et d’accompagnement à son propre commerce extérieur.
La problématique du développement
Certes la coopération décentralisée bute fondamentalement sur la problématique du pouvoir, sur celle de la réforme de l’Etat et des limites de ses fonctions vis-à-vis des autres pouvoirs notamment les attributions des instances locales et régionales (déconcentration, décentralisation, régionalisation, autonomie …) Cependant, elle bute davantage sur celle du développement socio-économique, particulièrement dans les pays dits « en voie de développement » dont le Maroc. L’appréhension de cette problématique en termes de démocratie, de droits de l’homme et de gouvernance à travers le renouvellement des théories du développement a permis notamment aux Etats et aux organisations internationales en charge du développement (Banque Mondiale, PNUD, etc.) une prise de conscience généralisée à se focaliser non plus sur les réformes à caractère strictement économique ( programmes dits d’ajustement structurel) mais sur la nature même des systèmes socio-économiques en place et sur la logique de leur fonctionnement considérés désormais comme sources de « mal gouvernance » » (sous-développement, inégalités, pauvreté, corruption…).
Le concept de développement
Une multiplicité de définitions Le concept de développementfait toujours l’objet de définitions controversées et d’interprétations protéiformes. L’usage même de ce terme est encore un lieu commun à tel point que l’abondante littérature qui lui est consacrée indique une prise de conscience aiguë du « sous-développement », l’un des plus dramatiques problèmes actuels de l’humanité. Le premier constat à dresser à ce concept est la multiplicité de ses définitions412 car vouloir désigner le processus de développement d’un État en fait une « notion plurivoque et un mot-valise » 413 qui se prête à de nombreuses d’interprétations tellement il combine les notions de progrès, de bien-être, de croissance économique, de justice sociale, d’épanouissement personnel, de satisfaction des besoins fondamentaux voire d’équilibre écologique se rapportant chacune à l’une des dimensions que le concept de développement a progressivement intégrées au cours de son évolution :▪ À l’article « développement », le Dictionnaire Universel de Hachette (1998), fidèle à une vision diachronique du concept, note que: «le développement a été décrit comme une succession d’étapes (les cinq étapes de W. W. Rostow) qui diffèrent à des degrés divers par la forme d’organisation de la production et des échanges.» Aussi, souligne-t-il que «les pays en développement ont adopté une vision microéconomique et globale qui inclut la dimension humaine et intègre l’économie et l’écologie, le naturel et le culturel.» ▪ Pour le Larousse (1998), le sous-développement représente un «état » alors que le développement est perçu comme étant un «processus». Celui-ci correspond à une « amélioration qualitative durable d’une économie et de son fonctionnement. PED ou PVD qui, partant d’un état de sous-développement économique et social, a entamé un processus de développement.» ▪ le Nouveau Robert (1996) nous révèle le même contenu sémantique que le Hachette Encyclopédie (1998) : «pays, région en voie de développement, dont l’économie n’a pas encore atteint le niveau de l’Amérique du Nord, de l’Europe occidentale, etc. Euphémisme créé pour remplacer sous-développé».
La problématique du développement/sous-développement
Aujourd’hui, la mouvance du paradigme puissamment structurant qu’est la globalisation associe la gouvernance du développement aux vertus des lois du marché. « Il s’avère même que l’interventionnisme étatique réduirait, partant, les pouvoirs dévolus au marché par la logique mondialisante et les intérêts multinationaux que celle-ci charrie s’en trouveraient menacés ou difficilement contrôlables423». De ce fait, le non interventionnisme de l’État serait, semble-t-il, une condition de la réussite de la mondialisation et de l’accès au développement. La problématique du développement/sous-développement constituait déjà, dans les courants et tendances socio-économiques de l’après-guerre, un enjeu essentiel ayant engendré de nombreuses théories et modèles développementalistes. Le concept de développement suscite encore de nos jours de la confusion et permet de produire les discours les plus variés. Durant plus de trois décennies donc, les modèles se sont substitués les uns aux autres mais le développement pose toujours problème. Comment alors saisir, d’une part, dans la « mosaïque des définitions » qu’on lui a consacrée, une telle notion aussi mouvante? Comment comprendre les échecs successifs des modèles de développement? Ne serait-il qu’un mythe, en fin de compte? D’autre part, comment appréhender ses interférences notionnelles avec toute politique de développement, elle-même considérée comme un soubassement à la coopération décentralisée, aujourd’hui déclamée comme vecteur de développement ?