La coopération à l’école ou la dernière « société coopérative » moderne
La coopération à l’école « est un regroupement d’adultes et d’élèves qui décident de mettre en œuvre un projet éducatif s’appuyant sur la pratique de la vie associative et coopérative. ». C’est ainsi que la circulaire du 23 juillet 2008 relative à la coopérative scolaire573 (circulaire n°2008-095)574 prise par le Ministère de l’Éducation nationale définit ce que l’on peut appeler d’une façon générale la coopération à l’école575. Il existe donc, au même titre qu’il existe une coopération dans le monde de la production avec les sociétés coopératives ouvrière de production (SCOP), ou une coopération dans le domaine de la consommation avec les sociétés coopératives de consommation, une coopération à l’école. Pourquoi ?Il y a deux façons de voir la coopération à l’école selon que l’on se place du point de vue de ceux qui mettent en œuvre cette coopération, notamment du point de vue de l’Office Central de la Coopération à l’École576 (OCCE), ou bien du point de vue de l’Éducation nationale.Voilà le leitmotiv de tous ceux qui au jour le jour font vivre la coopération à l’école. Le rôle positif de la coopération est en effet reconnu et démontré dans l’apprentissage en général, et de certaines matières en particulier.
On apprend mieux en coopérant. Tel est en effet le résultat de nombreuses études menées ces dernières années aux États-Unis ainsi qu’au Canada. Ce qu’elles démontrent c’est que les performances scolaires des élèves578 sont meilleures lorsque l’apprentissage se déroule dans un groupe qui coopère plutôt que dans des situations de compétition individuelle. Les bienfaits de l’apprentissage en coopérant ne se limitent d’ailleurs pas au domaine des performances scolaires stricto sensu. Lorsqu’il s’agit de développement affectif ou bien encore de développement social579 des études démontrent que plus l’apprentissage s’effectue en coopérant et meilleurs sont ces développements. La coopération entre les élèves facilite donc l’apprentissage des connaissances en même temps qu’elle permet une meilleure « éducation ». Il n’est toutefois nullement question ici d’exclure tout bienfait du travail individuel ou de la compétition entre les élèves. En effet l’apprentissage s’effectue en bonne partie par entraînement qui par définition s’effectue seul. De même la compétition, si elle est suffisamment maîtrisée pour ne pas exclure les plus faibles, est synonyme d’émulation.Notons pour terminer que la théorie qui voit la coopération comme un point extrêmement positif dans le mécanisme de l’apprentissage, même si elle est largement répandue580, n’en demeure pas moins sujette à discussion, l’ensemble de ceux qui ont à réfléchir sur la pédagogie n’étant pas d’accord avec cette dernière.
Ces études si elles ont le mérite d’être nombreuses, ce qui apporte du crédit à leurs conclusions, n’établissent toutefois rien de nouveau. En effet ces dernières ne viennent que, entre guillemets, confirmer les conclusions établies depuis des dizaines d’années par certains chercheurs et notamment par le chercheur suisse Jean PIAGET. Pour ce dernier il est incontestable que les « interactions sociales », c’est-à-dire les mécanismes d’échanges, de confrontations et de justifications à l’intérieur d’un groupe, jouent un rôle positif dans le mécanisme d’apprentissage. Autrement dit l’apprentissage relève bien entendu de l’élève lui- même mais celui-ci dépend aussi en grande partie des autres et cela d’une triple façon : l’élève, quel qu’il soit, apprend avec les autres, des autres et grâce aux autres. Les études de Jean PIAGET ont aussi révélé que plus le groupe de travail est hétérogène, plus les problèmes à résoudre par le groupe sont difficiles, et meilleure est la qualité de l’apprentissage.Un apprentissage réussi repose donc sur un savant mélange entre travail individuel, travail collectif, compétition et coopération. L’Office central de la coopération à l’école ne dit rien d’autre lorsqu’elle résume les interactions entre coopération et apprentissage par la formule suivante : « Apprendre avec les autres, par les autres, pour les autres, et non pas seul contre les autres. ».
Savoir c’est bien, agir c’est mieux. La coopération à l’école ne se contente pas de favoriser l’apprentissage de règles civiques, elle fait en sorte que ces règles vivent à travers les élèves qui les reçoivent. Par les rôles qu’elle confie aux élèves ; secrétaire de séance, médiateur, délégué chargé de représenter sa classe dans des instances supérieures, etc., la coopération à l’école favorise l’émergence de citoyens actifs et responsables. Par exemple les lieux où se prennent les décisions favorisent la prise de parole en même temps qu’ils favorisent l’apprentissage de l’écoute de l’autre et du respect auquel il a droit lorsque celui-ci s’exprime582. De même, et toujours à titre d’exemple, le pouvoir entre guillemets que reçoit un élève de représenter ses camarades ne peut que favoriser chez lui la prise de responsabilité. C’est à cette même prise de responsabilité que conduit également la gestion d’un budget auquel les élèves doivent se livrer. On ne peut pas en effet faire n’importe quoi lorsque l’on gère un budget ; on se doit de choisir des projets raisonnables financièrement parlants, on se doit de ne pas dépenser plus d’argent que ce que l’on reçoit, on se doit de faire des choix…