La convection des fluides dans le sol de Mars et les échanges induits avec l’atmosphère et la paléo-hydrosphère de la planète

La convection des fluides dans le sol de Mars et les
échanges induits avec l’atmosphère et la
paléo-hydrosphère de la planète

VARIATIONS CLIMATIQUES SUR LE LONG TERME

Les traces d’une présence d’eau liquide à la surface de Mars Les haut-plateaux cratérisés de l’hémisphère sud martien, datés du Noachien, présentent des vallées fluviales (Fig. 1.10). Les chenaux fluviatiles se sont formés entre 3.7 et 3.5 milliard d’années (e.g., Carr 1981, Tanaka 1986, Carr 1996, Hartmann et Neukum 2001, Irwin et al. 2005) et le début de l’Hespérien (Bouley et al. 2009). Ainsi, ces vallées fournissent des informations sur le climat qui régnait alors sur Mars. En plus de ces vallées, d’autres marqueurs attestent de la présence d’eau liquide à la surface comme les paléolacs dans certain cratères, les cônes de déjection et les deltas, les cratères avec des bordures très érodées et la présence d’argiles et d’évaporites. Pour expliquer la présence de trace d’eau liquide, à cette époque, à la surface de Mars, il existe deux visions radicalement différentes : (i) une atmosphère dense et humide, (ii) une atmosphère peu différente de celle d’aujourd’hui, c’est à dire froide et sèche, en invoquant d’autres processus à une échelle locale pour permettre l’écoulement d’eau liquide et l’altération des roches. Dans ces deux cas, les structures observées n’auront pas la même origine. En effet, l’atmosphère dense et humide, permet la stabilité de l’eau liquide à sa surface et son ruissellement. Dans le cas d’une atmosphère peu dense et sèche, l’eau liquide ne peut exister qu’en profondeur. Dans ce cas, l’apparition de l’eau liquide en surface est localisée, temporaire et résulte par exemple de la fonte de glace en subsurface induite soit par intrusion magmatique, soit à cause d’un flux géothermique local élevé ou à la suite des impacts météoritiques. Dans ce dernier cas, les grands impacts météoritiques qui ont lieu durant le grand bombardement (∼ 3.9 Ga) peuvent être à l’origine de la formation des rivières (Segura et al. 2002). En effet, les éjectas chauds liés à l’impact enrichissent l’atmosphère en vapeur d’eau et réchauffent également la surface en la maintenant au-dessus de la température de fusion de l’eau. De ce fait, la glace de subsurface et/ou des calottes peut s’évaporer ou fondre et s’associer aux précipitations lors du refroidissement de l’atmosphère

Les réseaux fluviatiles du Noachien 

L’érosion fluviatile du Noachien a plusieurs caractéristiques qui la différencie de celle des deux périodes suivantes (Fig. 1.11a). L’érosion des haut-plateaux se faisait de manière très étendue dans les bassins inter-cratères. De plus, les bordures des cratères présentent une érosion caractéristique (Craddock et Howard 2002, Forsberg-Taylor et al. 2004). Les chenaux fluviaux ont une coupe transversale en forme de V, caractéristique d’une érosion par ruissellement de surface. Les chenaux de formes rectangulaires résultent soit d’un sapement par de l’eau souterraine soit d’un équilibre entre la pente et la charge de sédiment transportée (Craddock et Howard 2002). La plupart des chenaux ont une largeur comprise entre ∼ 100 et 1000 m (Irwin et al. 2005). La longueur de ces chenaux peut varier entre quelques dizaines de mètres jusqu’à atteindre plusieurs centaines de kilomètres (Bouley et al. 2009; 2010). La plupart des têtes de ces chenaux sont en forme d’amphithéâtre. Les amphithéâtres résultent soit d’une érosion par sapement soit de la présence de fractures ou de canyons (Lamb et al. 2006; 2007, Bouley et al. 2009). La forme des réseaux de chenaux a une forte corrélation avec la pente. Pour une pente très faible (< 1.3 ◦ ), les chenaux forment des méandres plus ou moins importants. Lorsque la pente dépasse cette valeur, les chenaux forment un système sub-parallèle. D’autres facteurs influencent la géométrie et la densité de drainage tels que la longueur de la pente, l’aire du bassin de drainage, le relief, le climat et la lithologie (e.g., Craddock et Howard 2002, Mangold et al. 2004). La présence dans la région de Tyrrhena Terra d’un réseau dendritique ayant une importante densité de drainage, montre que l’eau liquide a coulé à sa surface (Mest et al. 2010). L’étude des cônes de déjection à l’intérieur de certains cratères par Moore et Howard (2005) suggère que leur formation a eu lieu, pour la plupart, à la limite entre le Noachien et le début l’Hespérien. Ces cônes de déjection attestent d’une augmentation du ruissellement dues à des précipitations de gouttes d’eau et/ou de cristaux neige. 

 Les réseaux fluviatiles et structures d’érosion par de l’eau au cours de l’Hespérien 

Certaines études suggèrent que de l’eau liquide a du couler vers la fin de l’Hespérien (Mangold et al. 2004, Quantin et al. 2005, Ansan et Mangold 2006, Bouley et al. 2009), voir jusqu’au début de l’Amazonien (Scott et Dohm 1992, Scott et al. 1995). Il existe une période, entre la fin du Noachien et au début de l’Hespérien, où les systèmes fluviatiles se restreignent à des vallées très longues pouvant atteindre 350 m de profondeur (Fig. 1.11b). Ces nouveaux systèmes se mettent en place sur des terrains Noachien. La forte corrélation entre la profondeur d’incision et la longueur des vallées suggère une érosion régionale. Compte tenue de leur faible densité de drainage, ces réseaux sont qualifiés de réseaux immatures. Mais leur longueur importante indique que ces systèmes ont été alimentés par des précipitations anormalement élevées. Il est possible d’avancer une hypothèse qui est : une augmentation du volume de ruissellement par une  augmentation des précipitations et/ou de la quantité de neige fondue. Cependant des études menées par Mangold et al. (2004; 2008) ont permis la découverte de réseaux dendritiques matures dans Echus Chasma (Valles Marineris) datant de la fin de l’Hespérien (Fig. 1.11c). Ces réseaux suggèrent que les précipitations dans cette région étaient suffisamment importantes en quantité et dans le temps pour permettre leur maturation. L’Hespérien est également caractérisé par la formation de lacs dans des cratères et des deltas (e.g., Mangold et Ansan 2006). La présence de lacs dans la région de Thaumasia peut être lié à un ruissellement de surface mais également à un remplissage par de l’eau de subsurface. En effet, ce type de remplissage permet de maintenir un niveau d’eau plus ou moins constant et de créer des brèches dans les bordures des cratères, facilitant la formation de rivières. La présence de deltas dans un lac sous-entend généralement un phénomène lent. Toutefois, même sur Terre, il est courant de trouver des deltas qui se forment rapidement. Par exemple, en l’absence de marées et de vagues à l’embouchure d’un fleuve comme le Mississippi, qui charrie des grandes quantités de sédiments, le delta se forme très rapidement. Les écoulements datés de l’Hespérien sont une preuve que de l’eau existait sous forme liquide à la surface de Mars. Mangold et Ansan (2006) proposent pour l’Hespérien un climat aride avec des épisodes de fortes précipitations faisant le lien entre le climat humide du Noachien à celui plus sec de l’Amazonien. Une autre interprétation est possible en considérant que la formation des vallées qui datent de la transition Noachien-Hespérien précède celle des chenaux de débâcle (Baker et al. 1991). Cette évolution marquerait la transition vers une atmosphère froide et sèche. La plus importante concentration de chenaux de débâcle se situe au nordest de Valles Manineris et s’étend vers la plaine Chryse Planitia. Ces chenaux de débâcle ont une morphologie bien différente des réseaux fluviatiles présentés précédemment car ils ont des largeurs bien supérieurs à 100 km et incisent sur plusieurs kilomètres les terrains sous-jacents (Fig. 1.11d). La plupart d’entre eux sont datés de la fin de l’Hespérien au début de l’Amazonien. Cependant, il existe des chenaux de débâcle bien plus anciens comme ceux de Mawrth Vallis (∼ 25 ◦N, 20 ◦E) qui datent de la transition Noachien/Hespérien (Scott et Tanaka 1986). Ces chenaux présentent une faible sinuosité et ont peu, voir pas du tout, d’affluents. Pour expliquer cette morphologie particulière et par analogie avec ce que l’on connaît sur Terre (à plus petite échelle), ces chenaux ont du se former à la suite des relâchements catastrophiques et épisodiques d’énormes quantités d’eau (e.g., Carr 1979). L’analogie est faite avec la formation des grands chenaux résultant d’écoulements catastrophiques et périodiques du lac glaciaire Missoula, lors de d’une rupture des glaciers durant des épisodes interglaciaires (Baker et Milton 1974). 

Table des matières

TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1 MORPHOLOGIE ET MINÉRALOGIE DE MARS : PREUVES DES VARIATIONS DU CLIMAT AU COURS DU TEMPS
1.1 INTRODUCTION
1.2 L’ATMOSPHÈRE DE MARS
1.2.1 L’atmosphère primitive et son évolution
1.2.2 Composition et structure de l’atmosphère actuelle
1.3 VARIATIONS CLIMATIQUES RÉCENTES
1.3.1 Les paramètres astronomiques de Mars
1.3.2 Traces géologiques indicatrices des variations d’obliquité passées
1.3.3 Impact de la précession sur la géologie de surface
1.4 VARIATIONS CLIMATIQUES SUR LE LONG TERME
1.4.1 Les traces d’une présence d’eau liquide à la surface de Mars
1.4.2 Les grands dépôts d’altération
1. DISCUSSION ET CONCLUSION
2 IMAGERIE ET PROPRIÉTÉS THERMIQUES DES SURFACES
PLANÉTAIRES
2.1 INTRODUCTION
2.2 LES PROPRIÉTÉS THERMIQUES
2.2.1 La température et les transferts de chaleur
2.2.2 La loi du corps noir
2.3 PROCESSUS THERMIQUES DES SURFACES PLANÉTAIRES
2.3.1 Variations liées aux propriétés intrinsèques de la surface
2.3.2 Variations liées aux autres propriétés de surface
2.3.3 Variations liées aux processus externes
2.4 UTILISATION DES DONNÉES THERMIQUES
2. PRÉSENTATION DE LA MISSION ET DU CAPTEUR THEMIS
2. CONCLUSION
3 L’INFLUENCE DES FACTEURS EXTERNES SUR LES ANOMALIES THERMIQUES DE CERBERUS FOSSAE
3.1 INTRODUCTION
3.2 CONTEXTE GÉOLOGIQUE DE LA PROVINCE D’ELYSIUM
3.2.1 Les structures géologiques de la région
3.3 OBSERVATIONS THERMIQUES DE CERBERUS FOSSAE
3.3.1 Le champ thermique de surface de la région de Cerberus et des Cerberus Fossae
3.3.2 Evolution au cours du temps des températures de la fracture
3.3.3 Influences possibles de la topographie et de l’albédo
3.4 LITHOLOGIE DE CERBERUS FOSSAE
3.4.1 Lithologie des flancs et du fond de la fracture
3.4.2 Profils thermiques à travers les fractures
3.4.3 Influence de la lithologie
3. CONCLUSION
4 ÉTUDE THERMIQUE D’ARSIA MONS. EVIDENCES
D’UNE CIRCULATION D’AIR
4.1 INTRODUCTION
4.2 ORIGIN OF THE PIT CRATERS
4.2.1 Volcanic pit craters : background
4.2.2 Geomorphological mapping of Arsia Mons
4.2.3 Origin of pit craters
4.3 PIT CRATERS GEOMETRY
4.3.1 Geometry determination and depths : results
4.4 THERMAL BEHAVIOUR OF THE PIT CRATERS
4.4.1 Persistence of the thermal anomaly
4.4.2 Correlations between geometry and thermal anomaly of the pit craters
4.4.3 Influence of the lithology
4.4.4 Extension of the thermal anomaly
4.4. Relation between amplitudes of thermal anomalies with regional stress
4. THERMAL OBSERVATION ON SINUOUS RILLES
4. EXPLORING THE OCCURRENCE AND CONSEQUENCES OF AIR CONVECTION
4..1 Numerical modelling of air convection in an inclined box applied to Arsia Mons
4..2 Results of the numerical simulation
4..3 Surface temperature at the exit of the convective cell
4. CONCLUSION
LA CONVECTION D’ARGILES À L’ORIGINE DES TERRAINS CHAOTIQUES ET DES CHENAUX DE DÉBÂCLE ?
5.1 INTRODUCTION
5.2 STRUCTURES ET MINÉRALOGIE LIÉES À LA CONVECTION D’ARGILES
5.2.1 Les terrains chaotiques, les chenaux de débâcle et la minéralogie associée 1
5.2.2 Les terrains chaotiques
5.3 DYNAMIQUE DES COUVERTURES DE SURFACE DES CRATÈRES
ET DES DÉPRESSIONS .
.3.1 Paramètres généraux de la convection à l’état solide et de la
compaction
5.3.2 Conséquences sur la compaction
5.3.3 Conséquences sur la convection
5.3.4 Localisation des régions possible de convection
5.4 DISCUSSION

. CONCLUSION 3
CONCLUSION GÉNÉRALE
ANNEXES 1
BIBLIOGRAPHIE

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