La contribution des artistes professionnels établis en milieu rural au développement culturel local

Avec la création des municipalités régionales de comté (MRC) en 1979 et la mise en place d’une première Politique culturelle par le gouvernement du Québec en 1992, on a vu apparaître des partenariats entre l’État et les municipalités locales et régionales facilitant, par la même occasion, l’action territoriale en culture. Parallèlement, la Loi sur le statut professionnel des artistes en arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs (L.R.Q., c. S-32.01) est venue cadrer le statut professionnel de l’artiste et définir les critères de reconnaissance. En 2018, l’actualisation de la Politique culturelle de 1992 prend effet dans une volonté renouvelée du gouvernement du Québec d’assurer la pérennité de cette planification.

La Politique culturelle du Québec Partout, la culture (ministère de la Culture et des Communications, 2018) permet la continuité de cet engagement et, notamment, de « prendre appui sur les initiatives culturelles des municipalités, des municipalités régionales de comté et des Autochtones » (p.39). De plus, dans le Plan d’action gouvernemental en culture 2018- 2023 (ministère de la Culture et des Communications, 2018), les artistes professionnels peuvent espérer tirer leur « épingle du jeu », car les mesures prévues visent à « augmenter l’aide gouvernementale destinée à la création et à la production » (p.21) ainsi qu’à « mettre en œuvre des solutions concrètes à la problématique de l’emploi, de la rémunération et de la protection sociale des artistes professionnels et des travailleuses et travailleurs culturels » (p.9).

Du côté du monde municipal, ce document (ministère de Culture et des Communications, 2018) reconnaît que « les plus petites municipalités ont leur propre dynamisme culturel, lequel est nourri par la détermination des personnes engagées dans la culture. Inspirées par cette énergie, les instances municipales sont au premier plan et revendiquent des approches et des moyens adaptés à leur réalité. » (p.4). Ainsi, nous voyons de plus en plus d’intervenants en développement régional s’intéresser au domaine culturel.

Plusieurs travaux grandement inspirés par la multidisciplinarité étudient différentes sphères du développement faisant notamment référence au concept de développement durable dans lequel on souhaite inscrire la culture dans toutes ses sphères (Agenda 21C : Culture aujourd’hui demain, 2010). Le tourisme s’y intéresse également dans une optique de développement de l’offre touristique. Parmi les recherches existantes, les études de Hill Stratégies Recherche Inc. (2001) mettent de l’avant que « les arts contribuent à la qualité de vie et à la vitalité sociale et économique de nombreuses petites collectivités urbaines et rurales du Canada » et que « les arts, la culture, la créativité et l’innovation sont dorénavant au centre des préoccupations des milieux du développement économique et de la planification urbaine ». De leur côté, les travailleurs de la culture cherchent continuellement à approfondir leur argumentaire afin d’appuyer leur recherche de financement, quantifier l’apport économique de la culture dans les communautés et démontrer sa contribution au développement local.

La Politique culturelle du Québec (2018) relève les facteurs de changement à prendre en compte dans l’action culturelle : « Deux phénomènes démographiques transforment la société québécoise : le vieillissement de la population ainsi que les migrations internationales, nationales, voire régionales et locales (nouveaux arrivants, exode des jeunes, etc.). » (p.7). Déjà, lors de l’adoption de son schéma d’aménagement et de développement révisé (2011), la MRC du Fjord-du-Saguenay établissait ce contexte de renversement de la pyramide des âges. Elle a d’ailleurs adopté à cet effet une Politique des aînés en 2014. La répartition de la population de la MRC, selon les groupes d’âge en 2016, indiquait que les 55 ans et plus représentaient 36 % de la population, selon Statistique Canada (ÉCOBES, Portrait de la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, 2019) alors que les 20-54 ans correspondaient à 42 %. Selon l’Institut de la statistique du Québec, l’accroissement naturel au Saguenay— Lac-Saint-Jean s’élevait à 334 en 2015, alors qu’il se chiffrait à 2 030 en 1991 (Politique des aînés de la MRC du Fjord-du-Saguenay, 2014, p.6). De ce fait, la société présente de nouveaux enjeux et des besoins différents. Le vieillissement de la population influe également sur la manière de considérer la culture, par exemple, en matière d’activités et d’investissements. Par ailleurs, nous verrons un peu plus loin, dans le segment sur le contexte géographique, les impacts des migrations interrégionales sur le développement culturel.

Rappelons tout d’abord les quatre orientations proposées dans la version actualisée de la Politique culturelle du Québec (ministère de la Culture et des Communication, 2018) :
• Contribuer à l’épanouissement individuel et collectif grâce à la culture.
• Façonner un environnement propice à la création et au rayonnement des arts et de la culture.
• Dynamiser la relation entre la culture et le territoire.
• Accroître l’apport de la culture et des communications à l’économie et au développement du Québec.

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La troisième orientation engage le gouvernement, dans un souci d’équité, à prendre en compte la diversité des régions. Toutefois, l’État ne peut agir seul dans cette volonté, qui doit être partagée : « Il renouvelle donc son alliance, indispensable et féconde, avec un vaste réseau de partenaires présents sur le terrain. Les milieux culturels, les municipalités locales et régionales, les communautés autochtones, les regroupements et associations de tous les secteurs d’activités ainsi que les chercheurs sont ici appelés à emboîter le pas » (ministère de la Culture et des Communication, 2018).

Cette prise en compte de la diversité des régions nous amène à réitérer l’engagement des milieux ruraux à combler certaines disparités régionales vers une équité et une culture pour tous. Dans L’état du Québec (2017), Jean indique que selon les données de 2011 : « le chômage dans les zones rurales chutait à 7,8 % pour pratiquement rejoindre la moyenne québécoise de 7 % », considérant que le taux de chômage était identifié comme « un indicateur probant de l’état de développement socio-économique d’un territoire donné » (p.295). Actuellement, les médias traitent couramment des problèmes de recrutement de main-d’œuvre des employeurs dans plusieurs régions du Québec. Dans une visée de plein emploi, il est possible de croire que ce contexte de rareté de main-d’œuvre, paraissant à première vue peu favorable, peut pourtant devenir un atout pour les milieux ruraux. En effet, vu le bas taux de chômage observé en région, des emplois sont disponibles pour qui veut s’implanter en milieu rural.

D’ailleurs, les propos parfois véhiculés envers les milieux ruraux en déclin et dévitalisés ne sont pas représentatifs de la réalité. Dans L’état du Québec, en 2016, Bruno Jean indique que : « depuis 30 ans, au Québec, les ruraux ont vu leur sort s’améliorer tant au point de vue des revenus et du taux de chômage que des paiements de transfert ou de la participation au marché du travail. Jamais on n’a vu une si forte réduction de l’écart entre le niveau de vie des ruraux et celui des urbains» (p.271).

Avec un nouveau rôle et l’abandon de la Politique nationale de la ruralité (2015), les MRC ont reconfiguré une politique rurale à leur image, mais avec un financement révisé à la baisse. À cet effet, dans L’état du Québec, en 2016, Jean propose que : « Comme le souligne l’OCDE, nous devons concevoir les aides publiques au développement rural non comme des dépenses à titre de mesures d’assistance à des territoires en danger, mais comme des investissements qui se traduiront par un enrichissement collectif » (p.272).

En mentionnant prendre appui sur les initiatives des municipalités dans le domaine culturel, le gouvernement rappelle l’adoption de lois en 2016 et en 2017 qui reconnaissent l’autonomie et les pouvoirs des municipalités et confirment, par la même occasion, leur rôle de gouvernements de proximité (notamment dans la Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, Assemblée nationale, projet de loi no 122). On n’a qu’à penser, par exemple, au développement économique, maintenant sous l’égide des MRC à la suite de la fermeture des Centres locaux de développement (CLD) ou encore aux ententes de développement culturel convenues avec les municipalités et les MRC, qui s’inscrivent dans cette continuité.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE ET TERRITOIRE À L’ÉTUDE
1.1 PROBLÉMATIQUE
1.1.1 SITUATION CONJONCTURELLE
1.2 TERRITOIRE À L’ÉTUDE
1.2.1 CONTEXTE ÉCONOMIQUE
1.2.2 CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE
1.2.3 CONTEXTE DÉMOGRAPHIQUE
1.2.4 DÉVELOPPEMENT CULTUREL
CHAPITRE II CADRE THÉORIQUE
2.1 DÉVELOPPEMENT CULTUREL LOCAL
2.2 NOTION D’ESPACE RURAL
2.3 STATUT PROFESSIONNEL DE L’ARTISTE
2.4 CONTRIBUTION DE L’ARTISTE DANS LA COMMUNAUTÉ
2.5 CAPITAL SOCIAL
2.6 OBJECTIFS ET QUESTIONS DE RECHERCHE
2.7 RÉSULTATS ATTENDUS
2.8 PERTINENCE DE LA RECHERCHE
2.9 OPÉRATIONNALISATION DES CONCEPTS
CHAPITRE III DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
3.1 APPROCHE QUALITATIVE
3.2 COLLECTE DE DONNÉES
3.3 PARTICIPANTS À L’ÉTUDE
3.4 ANALYSE DE L’INFORMATION
3.5 CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES
3.6 LIMITES DE LA RECHERCHE
CHAPITRE IV DESCRIPTION ET ANALYSE DES DONNÉES
4.1 PARCOURS DES PARTICIPANTS
4.1.1 OCCUPATIONS ET SITUATION DE DOUBLE-EMPLOI
4.1.2 PERCEPTION DU STATUT DE RECONNAISSANCE DE LA PRATIQUE ARTISTIQUE
4.1.3 MIGRATIONS ET MOBILITÉ
4.1.4 SOURCES D’INSPIRATION
4.1.5 PERCEPTIONS DES INFORMATEURS VIS-À-VIS DU MILIEU
4.1.6 IMPLICATIONS DANS LE MILIEU
4.2 DYNAMIQUE LOCALE
4.2.1 COMMUNICATIONS
4.2.2 POSSIBILITÉS DE DÉVELOPPEMENT
CHAPITRE V RÉSULTATS DE LA RECHERCHE
5.1 CAPITAL SOCIAL
5.2 COHÉSION, PROJET COMMUN
5.3 DISPOSITIONS DES MILIEUX RURAUX
5.4 DÉVELOPPEMENT LOCAL
CONCLUSION

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