La contribution au réexamen de la sûreté de Minotaure

La contribution au réexamen de la sûreté de
Minotaure

La contribution des spécialistes « facteurs humains » au réexamen de la sûreté du réacteur expérimental Minotaure, exploité par le C.E.A., est un des dossiers que nous avons analysés. Considérer l’expertise comme un système de production nous a conduit à la découper en une succession de phases et à caractériser celles-ci par leurs produits – éventuellement intermédiaires et destinés à être retransformés au cours d’une phase ultérieure. La première phase, dont il est nécessaire de tenir compte, ne fait pas à proprement parler partie du processus de production de la contribution « facteurs humains ». Située en amont du lancement de l’expertise, elle est néanmoins constituée d’interactions qui auront des conséquences importantes sur le déroulement de l’expertise elle-même  Le périmètre et les objectifs de l’intervention du spécialiste « facteurs humains » sont ensuite définis au cours d’une phase de cadrage [2.] Le recueil de données caractérise l’instruction  à l’issue de laquelle le spécialiste « facteurs humains » rédige sa contribution [4.] Elle doit encore être intégrée par l’expert pilote dans le rapport final qui sera transmis aux membres du groupe permanent [5.] En conclusion, on rappellera les différentes opérations-clé du processus d’expertise, avant de les confronter aux modèles et aux théories de l’expertise et du contrôle [6.] Une observation directe des pratiques de l’expert a pu être effectuée à partir de la phase d’instruction, qui a marqué le début de notre travail sur ce dossier. Des entretiens avec le spécialiste « facteurs humains » auteur de la contribution, les experts généralistes en charge de l’installation, les représentants de l’A.S.N.94, la consultation des échanges écrits entre les différentes institutions et du dossier de l’exploitant ont permis de reconstituer la phase amont et la phase de cadrage. Les entretiens ont également permis d’enrichir l’analyse que nous avons réalisée sur la base des versions successives rédigées par le spécialiste « facteurs humains » en concertation avec son responsable hiérarchique. La représentation iconographique utilisée permet de restituer convenablement – nous l’espérons, les phases de rédaction et de transmission.

La phase amont de l’expertise

C’est au début de l’année 2000 qu’un premier signal explicite et formel émis par l’A.S.N. annonce un réexamen de sûreté de l’installation Minotaure (cf. Encadré 4). Le courrier du 16 février 2000 est adressé à l’exploitant ; dans le but de réaliser des travaux de rénovation de Minotaure pour poursuivre son exploitation, le C.E.A. doit entreprendre une réévaluation de sûreté de l’installation. Ce courrier détaille les actions à réaliser pour mener une telle réévaluation en précisant une liste de documents95 devant être transmis à l’A.S.N., afin que ses représentants puissent se « prononcer sur la poursuite du fonctionnement de l’installation »  Une fois le dossier constitué et transmis à l’A.S.N., les experts de l’I.R.S.N. devront mettre en place une organisation pour procéder à son évaluation  Minotaure est un réacteur nucléaire, c’est-à-dire « un dispositif dans lequel une réaction en chaîne peut être initiée, modérée et contrôlée » 96. A ce titre, Minotaure est une I.N.B. Ce réacteur, exploité par le C.E.A., est dédié à la détermination de caractéristiques neutroniques utilisées pour la filière des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium. Il a divergé97 pour la première fois dans les années 1960. La réalisation des assemblages à l’aide de tubes standard de grande longueur (3,80 mètres) renfermant des éléments simples de faibles dimensions : réglettes, plaquettes à base de matériaux très diversifiés (combustibles uranium, plutonium, sodium, acier, absorbants, diluants, etc…) permet de reconstituer avec une grande précision n’importe quel type de cœur et de donc de faire varier de même les paramètres étudiés. Depuis la divergence du réacteur et jusqu’au premier réexamen de sûreté (en 1988), 50 cœurs différents avaient été réalisés (nécessitant la manutention de 25000 tubes, soit environ 45 millions de réglettes ou plaquettes, dans le cadre de grands programmes). Encadré 4 : qu’est-ce que Minotaure ? (sources : documents I.R.S.N.) 

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La constitution du dossier par l’exploitant

 Une partie des documents requis sera communiquée à l’A.S.N. en septembre 2001. Les experts généralistes de l’I.R.S.N., en charge de l’installation Minotaure, doivent alors se prononcer sur leur recevabilité. Un courrier de l’A.S.N. daté du 16 mai 2002 et adressé à l’exploitant reprendra leurs conclusions. Relevons deux points de ce courrier intéressant notre propos : 1. « Dans l’attente des derniers documents – réactualisation des études de sûreté et mise à jour du référentiel de sûreté – je vous informe que les documents fournis à ce jour sont recevables » ; 2. « Vous m’informez que vous comptez effectuer l’analyse des risques liés aux facteurs humains après les travaux de rénovation de l’installation. Je vous demande cependant de prendre en compte ces risques dès le début de vos études sur la rénovation du contrôle-commande et de la manutention. » Ainsi, bien en amont de l’expertise, s’opère une série d’interactions qui influencera directement son déroulement. Une inflexion dans la stratégie d’exploitation du réacteur et la volonté de respecter des contraintes budgétaires conduiront l’exploitant à solliciter un report, entraînant un glissement important dans la planification et un « réaménagement de la démarche de réévaluation de sûreté ». Ainsi, une première expertise doit permettre aux représentants de l’A.S.N. de se prononcer sur les « options de sûreté » présentées par le C.E.A. pour rénover l’installation Minotaure et sur les principes retenus pour réévaluer sa sûreté ; en 2008 ou 2009, à la suite des travaux de rénovation, une seconde expertise devra permettre aux représentants de l’A.S.N. de se prononcer sur la sûreté du réacteur rénové, avant son redémarrage. La totalité des pièces demandées par l’A.S.N. nécessaires à l’enclenchement de la première expertise sera rassemblée à la fin de l’année 2004. L’équipe d’experts généralistes de l’I.R.S.N. en charge de Minotaure (chargé d’affaire, chef de bureau et chef de service) est alors mobilisée ; après avoir analysé le dossier complet, ils le jugent recevable. Dès lors, le compte à rebours est lancé ; ils commencent à s’organiser pour produire le rapport d’expertise qui sera discuté devant les experts du « groupe permanent réacteurs ». 

La mise en place d’une organisation à l’I.R.S.N

 L’expertise sera pilotée par le généraliste chargé d’affaire  de l’installation Minotaure. Son responsable hiérarchique direct, le chef de bureau, contacte ses homologues spécialistes99 afin de s’assurer de leur participation à l’expertise. Comme l’indique l’Encadré 5, les facteurs humains sont représentés ; un spécialiste est chargé de rédiger une contribution. Cela fait huit ans qu’il réalise des expertises « facteurs humains ». Il a l’habitude de traiter des dossiers consacrés aux installations exploitées par le C.E.A. C’est toutefois la première fois qu’il s’intéresse au réacteur Minotaure, qui n’avait encore jamais fait l’objet d’une expertise « facteurs humains ».Pourquoi les spécialistes « facteurs humains » ont-t-ils été contactés pour collaborer sur ce dossier ? A cette question, les experts généralistes apportent deux réponses. La première est le résultat d’un processus quasiment automatique . « Le S.E.F.H. est sollicité sur tous les réexamens de sûreté des installations dont nous avons la charge. » (le chef de bureau, entretien du 11/04/06) Ce sont par ailleurs certaines caractéristiques intrinsèques de l’installation qui ont motivé la saisine des spécialistes « facteurs humains » par les généralistes. Elles seront détaillées par la suite.

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