La contamination chimique des ressources vivantes aquatiques
Origines des contaminants en milieu aquatique
Les contaminants présents dans les milieux aquatiques sont multiples et variés. Ils proviennent principalement des sources naturelles et anthropiques. Les sources naturelles les plus importantes sont l’érosion, les feux de forêts et l’activité volcanique. Les substances présentes dans les milieux marins dérivant des sources anthropiques sont qualifiées de contaminants ou polluants lorsqu’elles sont présentes en quantité qui peut induire un danger pour les organismes vivants ou compromettre l’usage qui est habituellement fait du milieu récepteur (GESAMP, 1983). Les diverses activités humaines (agriculture, industrie, traitement des eaux usées, recyclage des déchets urbains et industriels, production d’énergie, transport) génèrent des pollutions de toutes sortes. A plus ou moins long terme, tous ces contaminants d’origine terrestre véhiculés par les cours d’eau rejoignent le milieu marin. La zone côtière est particulièrement touchée, notamment à proximité des embouchures des fleuves et des rivières. C’est le cas par exemple du fleuve Sénégal qui charrie vers l’Océan Atlantique d’importantes quantités de substances polluantes en provenance des zones agricoles et industrielles de la Guinée, du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal. Les dépôts atmosphériques secs ou humides constituent une part non négligeable des flux de contaminants vers les milieux aquatiques (Garnaud et al., 1999). En effet, des particules très fines d’origine anthropique peuvent se déplacer sur de très longues distances. C’est le cas notamment des poussières libérées dans l’atmosphère par les activités agricoles et industrielles. Libérées dans l’atmosphère ou dans les sols, ces substances et leurs dérivés peuvent se retrouver pour une bonne part, transportées par les réseaux d’assainissement ou par ruissellement ou infiltration, dans les cours d’eau, les nappes phréatiques et même jusqu’aux eaux littorales.
Les polluants en mer peuvent aussi être introduits de façon accidentelle. Au niveau du continent africain, la liste des catastrophes écologiques provoquées par des accidents de navires est bien longue et ne cesse de s’allonger. On note le naufrage du Mobil Refiner au large des côtes camerounaises; de YArzen sur la côte béninoise; de Fouche Island au large du Nigeria ; de 1′ Universe Defiance, du Costathina et du Ylonnis Angeli Cousis au large des côtes sénégalaises etc. Dans ce continent, l’une des pollutions la moins spectaculaire que celles des accidents de navires, mais qui est certes la plus importante est celle liée aux opérations de déballastages. Elle résulte de rejets délibérés du pétrole en mer lors du nettoyage des citernes, de la vidange des ballasts, des soutes ou du nettoyage en cale sèche (PNUE, 1982).
Au‐delà des pollutions accidentelles comme les marées noires, il existe une menace plus insidieuse qui provient de l’exposition répétée à de faibles doses de polluants. Ce sont ainsi des milliers de substances chimiques très diverses par leurs origines, leur nature et leurs propriétés, qui se retrouvent dans les eaux marines à l’état de traces.
Le problème de la pollution des zones côtières résulte principalement du fait de l’accroissement de l’urbanisation et de l’industrialisation du littoral. Aujourd’hui, plus de 60% de la population mondiale vit à moins de 60 km des côtes. L’UNESCO estime à 12 700 kg la quantité de polluants déversée par seconde dans les océans (www.planetscope.com, 2015). En effet, si dans certains pays, les effluents industriels subissent un traitement avant leurs rejets en mer, il n’en est pas de même pour les pays sous-développés ou en voie de développement. En Afrique, la situation est aggravée du fait que les rejets urbains et industriels ne sont presque jamais traités. Au Sénégal, dans la région dakaroise, chaque année plus de 67 millions de m³ d’eaux usées sont rejetées et moins de 60 % font l’objet d’un traitement par des stations d’épuration, généralement vétustes, avant rejet dans la mer. Le reste des eaux usées est directement rejeté sans traitement préalable impactant la qualité du milieu marin.
Le niveau de contamination des zones côtières et la nature des polluants qui s’y trouve sont très variables et dépendent souvent de la distance par rapport aux sources d’anthropisation. Des études récentes sur le littoral sénégalais ont montré que la quantité et la composition des métaux présents dans la colonne d’eau (Diop et al, 2014) ou dans les sédiments (Diop et al., 2015) suivent un gradient spatial et sont fortement liées aux caractéristiques anthropiques de chaque site. Les pollutions des milieux aquatiques peuvent avoir des effets directs ou indirects sur la santé humaine mais également sur l’environnement. Dans cette étude, nous nous sommes intéressés aux polluants métalliques, aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs) et aux polychlorobiphényles benzène (PCBs).
Les contaminants chimiques dans les milieux aquatiques
Les contaminants métalliques
Les polluants métalliques sont des composés ayant une origine naturelle, mais dont la concentration peut artificiellement augmenter suite à l’activité humaine. La pollution métallique peut être due à différents métaux comme l’aluminium, l’arsenic, le chrome, le cobalt, le cuivre, le manganèse, le molybdène, le nickel, le zinc etc. ou encore à des éléments-traces comme le cadmium, le mercure ou le plomb, plus toxiques que les précédents. Les principales sources anthropiques génératrices de polluants métalliques sont : les effluents d’extraction minière, les effluents industriels, les effluents domestiques et ruissellements orageux urbains, le lessivage des métaux en provenance des ordures ménagères, les épandages de produits phytosanitaires et de fertilisants en agriculture, les activités pétrochimiques (FAO, 2005). Le déversement de ces matériaux dans le milieu marin ou dans les eaux douces se fait soit directement (station d’épuration, sites miniers, installations industrielles) soit indirectement comme c’est le cas des décharges sèches et humides et du ruissellement agricole (Novotny, 1995 ; Kamau, 2002 ; Praveena et al, 2010).
Dans l’environnement aquatique, la mobilité des polluants métalliques va dépendre en grande partie de leur spéciation qui évolue en fonction des conditions physico-chimiques du milieu (Boust, 1999 ; Uré et Davison 2002). Elle conditionne non seulement le temps de séjour dans les différents compartiments du milieu, mais aussi la biodisponibilité, voire la toxicité du métal vis-à-vis de la faune ou de la flore aquatiques (Buffle, 1988; Tessier and Turner, 1995). La pollution métallique pose un problème particulier, car les métaux ne sont pas biodégradables. En outre, tout au long de la chaîne alimentaire, certains se concentrent dans les organismes vivants. Ils peuvent ainsi atteindre des taux très élevés dans certaines espèces consommées par l’homme, comme les poissons. Cette » bioaccumulation » explique leur très forte toxicité. Les effets toxiques des métaux lourds en particulier le mercure, le cadmium et le plomb ont été largement documentés (Narvaes, 2002; Castro- Gonzalez and Mendez-Armenta, 2008).
Les contaminants organiques
Les HAPs
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs) résultent de la combustion des hydrocarbures et de leurs dérivés. Les sources naturelles productrices de HAP dans l’environnement sont la biosynthèse par des organismes vivants (Krauss et al., 2005), les incendies de forêts, les éruptions volcaniques et les filtres naturels du pétrole. Le transfert des HAP vers les zones côtières se fait par l’intermédiaire du compartiment atmosphérique et des eaux de surface. Les HAPs sont également rejetés dans l’environnement par les activités humaines à travers les pertes à partir des transports (Ravindra et al., 2008), ou de l’utilisation des carburants fossiles, la pyrolyse des matières organiques à haute température, la combustion des charbons et pétroles (INERIS, 2014). Les HAPs sont rejetés en haute mer par le déversement des eaux de ballast des pétroliers ou accidentellement après naufrages (Marteil, 1974).
Les PCBs
Contrairement aux contaminants métalliques et aux HAPs, la présence des PCBs dans l’environnement est uniquement d’origine anthropique (Smith et al., 2009). Les PCBs sont des produits qui ont été largement utilisés dans les industries énergétiques, dans les transformateurs électriques, dans les condensateurs et les équipements hydrauliques, les fluides hydrauliques, les fluides caloporteurs, les adjuvants des lubrifiants, les peintures, les vernis, les adhésifs et les plastiques (PNUE, 2001).
Les PCB rencontrés dans l’atmosphère proviennent de la volatilisation des PCBs présents dans les décharges non contrôlées ou non appropriées et dans les boues d’épuration, ou créés au cours de l’incinération des déchets industriels, de l’explosion et des surchauffes des transformateurs et des condensateurs électriques (INERIS, 2005). Dans les sols, les PCBs proviennent des décharges inappropriées, de l’épandage des boues d’épuration, des fuites et des écoulements accidentels provenant des appareils électriques ou des circuits hydrauliques (INERIS, 2005). Dans le milieu marin, la contamination par les PCBs résulte d’une manière générale du lessivage par les eaux de pluie des sols pollués (INERIS, 2005 ; Tolosa et al., 1995). En Afrique de l’Ouest, d’importantes sources de PCBs ont été identifiées sur le littoral (Gioia et al., 2011).
Un plan d’élimination international a été mis en place dans le cadre du protocole de Stockholm, qui prévoit pour tous les pays signataires l’engagement à ne plus produire, ni utiliser de PCB d’ici 2025. Les PCBs forment une famille de 209 congénères dérivés du biphényle allant du monochloro au décachlorobiphényle. Une douzaine sont considérés comme des PCBs dioxin-like, car leur mécanisme d’action toxique est commun avec celui de la 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-para-dioxine (2,3,7,8-TCDD). L’OMS a affecté à chacun de ces composés un TEF (« toxic equivalent factor ») qui indique leur toxicité relative par rapport à la 2,3,7,8-TCDD, qui elle-même possède un TEF de 1. Parmi les PCBs, six congénères sont particulièrement retrouvés dans les produits contaminés et représentent généralement près de 50% des PCB retrouvés dans les milieux aquatiques. Ce sont les PCBs indicateurs (PCBi) et concernent les PCBs 28, 52, 101, 138, 153 et 180.
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