La consommation du cannabis dans les populations psychiatriques

La consommation du cannabis dans les populations psychiatriques

La fréquence des troubles psychotiques induits par le cannabis est de moins de 1 pour 1000 des admissions psychiatriques, notamment dans les pays à faible consommation. Ce chiffre semble être plus élevé dans d’autres pays ou la consommation est plus importante et admise culturellement. (16) Les conduites toxicomaniaques sont fréquentes chez les schizophrènes. En effet, ils auraient de manière générale une appétence particulière pour les psychostimulants. Dans une étude rétrospective sur 4 ans réalisée en Tunisie, 38,4% des patients schizophrènes présentent des critères d’abus à une substance (Annexe 5). Un facteur culturel de disponibilité est à prendre en considération. Ce facteur apparaît nettement dans cette étude puisque 42,1% des conduites addictives sont favorisés par le milieu socioculturel local (89,1% urbain), 31,8% favorisés par le milieu socioculturel du pays d’accueil et 26,1% favorisés par la prescription médicale. Cet abus précède la schizophrénie dans 63,1% des cas. Le cannabis est la substance la plus utilisée avec un taux estimé 31,8 %. (22) Smith et Al estiment ce taux d’abus chez les schizophrènes à environ 22%. D’autres études ont été réalisées dans d’autres pays. (50) Au Maroc, environ 50 % des malades mentaux lourds utilisent de manière irrégulière les drogues. 8 à 10 % des hospitalisations sont motivées directement par les conséquences de l’usage de drogue. (19) 16 Toutes ces données suggèrent l’existence d’une association entre la schizophrénie et l’usage du cannabis.

Modèles étiologiques : tableau 4

Arguments neurobiologiques : a. Les recherches sur le déséquilibre neurobiologiques chez les schizophrènes Le déséquilibre entre le système endocannabinoïde et la balance dopaminergique contribue au développement des psychoses. Plusieurs expériences ont démontré des anomalies de ces systèmes chez les schizophrènes : – La concentration dans le liquide céphalorachidien de l’anandamide est plus élevée chez les schizophrènes que chez les sujets normaux. (Leweke et al. 1999) – Lors de la rémission clinique dans un groupe de schizophrènes, on a remarqué une baisse de concentration de l’anandamide dans le sang. Ce qui montre qu’il existe une altération des endocannabinoïdes durant la phase aigüe de la schizophrénie au niveau sanguin et au niveau du système nerveux central. (De Marchi et al. 2003). – Il existe une altération de la densité des récepteurs cannabinoïdes CB1 de la région dorsolatérale du cortex préfrontal. Rappelons que c’est une région impliquée dans la physiopathologie de la schizophrénie. C’est une étude en post mortem qui a été faite par Dean et ses collaborateurs en 2001. – Il y a une suractivation du système dopaminergique cérébral due à une diminution par le THC, des niveaux de transporteurs de la dopamine (DAT) dans le noyau caudé des patients schizophrènes. C’est une étude réalisée en post mortem par Dean et ses collaborateurs en 2003. Dans une autre étude en post mortem, on a montré une augmentation des liaisons spécifiques entre le rimonabant (SR 141716) qui est un antagoniste CB1 et le CB1 au niveau du cortex cingulaire antérieur (CCA) chez un groupe de schizophrènes. Le changement des cannabinoïdes endogènes dans le CCA jouerait donc un rôle dans la physiopathologie de la schizophrénie, surtout pour les symptômes négatifs. (Zavitsanou et al. 2004). b. Les effets du cannabis sur l’évolution de la psychose : (39) La psychose en effet est constituée de 3 phases : 17 – Une phase pré morbide – Une phase prodromique – Une phase psychotique qui peut évoluer soit vers la chronicité, soit vers une rémission partielle, soit vers une rémission complète. Le prolongement de la phase psychotique constitue un trouble schizophrénique. Le cannabis aurait un effet sur les différentes phases de la psychose : Il augmente en effet la vulnérabilité durant la phase pré morbide et prodromique et provoque donc un début de maladie plus précoce. (28) En effet, l’abus chronique du cannabis engendre des dysfonctions cognitives (concentration et attention) semblables à ceux observés dans les deux premières phases de la psychose. Il a donc un effet de déclencheur ou  » trigger » chez les personnes vulnérables pour la psychose.(43) Cet effet est encore plus marqué si le début de la consommation se fait à l’adolescence et serait à l’origine des premiers symptômes psychotiques ; Il s’agit d’une phase critique qui coïncide souvent avec la transition de la phase pré morbide à la phase prodromique. Dans la phase psychotique, l’usage du cannabis est à l’origine de l’aggravation des symptômes (Brunette et coll. 1997), l’augmentation du nombre et précocité des rechutes (Caspari, 1999 ; Linszen et coll, 1994), avec une diminution des effets des antipsychotiques. A long terme, il y a un risque de chronicité avec des troubles du comportement qui rendent difficile la réinsertion sociale. c. Arguments génétiques : Il existerait une association entre la schizophrénie et le polymorphisme AAT du gène CNR1 codant pour le récepteur cannabinoïde CB1. Il est important de mentionner le rôle du polymorphisme fonctionnel du gène COMT (catécholamine-O-méthyl transférase). Ce gène code pour une enzyme responsable du métabolisme de la dopamine. L’influence de l’usage du cannabis à l’adolescence sur la survenue d’une psychose à l’âge adulte serait modulée par ce polymorphisme fonctionnel du gène. (15) Des expériences sur les animaux ont montré que la psychose, en général, est la conséquence de la sensibilisation dans les circuits mésolimbiques corticaux striataux par la médiation de la dopamine. (Lieberman et coll. 2001) La dopamine est libérée progressivement suite à une exposition prolongée à la substance psycho active, dans un contexte d’abus de drogues.

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