La conduite de projet en aménagement

La conduite de projet en aménagement

Dans cette première partie de l’état des lieux, nous nous sommes interrogés sur l’expression « conduite de projet en aménagement » en vue de clarifier l’objet sur lequel nous tenterons dans ce PFE de déterminer l’intérêt d’appliquer l’approche de Palo Alto. Tout d’abord, nous chercherons à définir ce qu’est un projet d’aménagement : Quelles sont ses caractéristiques ? Quelles sont ses spécificités par rapport à un projet d’entreprise ? Ensuite, nous étudierons les définitions de la conduite de projet dans la littérature et notamment la manière dont les relations humaines, matériaux de base de l’approche de Palo Alto, y sont considérées. Enfin, nous ferons un focus sur le rôle central du chef de projet en aménagement. A. Le projet d’aménagement Le projet est la forme de production spatiale la plus utilisée aujourd’hui. Le projet d’aménagement est issu du langage des architectes et a remplacé les plans, terme utilisé dans les années 702 . Le projet peut être interprété comme un désir ou la projection d’une réflexion sur le plan spatial. Pourtant, le projet ne trouve pas de définition « stable et admise » selon Nadia ARAB . Mêlant trois définitions, le projet d’aménagement a donné lieu à une confusion dans la signification de ce terme. Le projet d’aménagement peut regrouper plusieurs significations comme les projets de composition urbaine, le projet d’architecture à grande échelle et les projets classiques d’urbanisme qui se réfèrent à la « ville » et font appel à des compétences multiples (INGALLINA, 2008). Les projets en aménagement se caractérisent par leur complexité de plus en plus forte. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer, et ce, surtout depuis la décentralisation4 : la multiplication des acteurs5 avec une division accrue du travail ; la multiplication des domaines, l’augmentation du degré d’incertitude sur les projets d’expertises, un risque de contentieux de plus en plus fort, le foisonnement des textes de lois et des normes. Avant de distinguer les types de projet en aménagement, nous nous proposons dans un premier temps de nous pencher sur ces facteurs de complexité.

La complexité des projets en aménagement

Une multiplication des acteurs Depuis la décentralisation, la décision s’est déplacée de l’Etat à l’échelon local (PINSON, 2006). Au niveau local, la décision mobilise désormais une multitude d’acteurs spécialisés sur des thématiques variées. Les interactions sont plus nombreuses et plus complexes. La prise de décision n’en est que plus difficile6 . La gestion hiérarchique et autoritaire du projet est révolue (LEVY, 2006). Les projets regroupent aujourd’hui de nombreux acteurs : décideurs politiques, aménageurs, promoteurs, investisseurs, administrations, associations, usagers, citoyens. Ces nouveaux acteurs, ces nouveaux métiers interviennent dans de nouvelles démarches qui requièrent un management de projet. Comme la réalisation d’un projet revient à créer quelque chose qui n’existe pas encore, cela nécessite un processus adapté et la mobilisation d’acteurs endogènes. Un acteur peut être représenté par un individu ou un collectif. Il est pourvu d’une intentionnalité, d’une capacité stratégique autonome, d’une compétence énonciative et d’une capacité à agir. L’urbanisme est un champ où les acteurs coopèrent s’affrontent, affirment leurs pouvoirs sur les autres. Les associations d’habitants et d’usagers sont de plus en impliquées et intégrées en tant qu’acteur dans le système d’aménagement dans un contexte de crise politique et de représentativité locale. Le poids des acteurs privés en aménagement a également augmenté avec les limites financières des collectivités. Ces dernières font en effet de plus en plus appel aux partenariats public/privé. Les jeux de pouvoirs qui peuvent exister entre les acteurs demandent une compétence de négociation, de décryptage des stratégies et des logiques pour parvenir à les combiner dans un processus de projet cohérent. Compte tenu de la multiplication des acteurs et de la nouvelle répartition des pouvoirs en aménagement, le client est plus difficile à identifier pour l’urbaniste ; d’autant plus que certains acteurs peuvent être instrumentalisés ou contraints par d’autres.

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Un degré d’incertitude accru des projets en aménagement 

La pluralité des acteurs permet, selon Gilles PINSON, de jouer avec les incertitudes propres aux projets d’aménagement. Ces derniers sont en effet marqués par des incertitudes sur le contexte, sur les moyens et sur les fins des projets : – L’incertitude liée au contexte réside notamment dans la difficulté pour les collectivités locales de prévoir les évolutions du marché immobilier et industriel.- L’incertitude liée aux ressources est due à la dispersion des ressources financières et d’expertise ainsi que des appuis politiques mais surtout de leurs évolutions au sein des différentes instances institutionnelles. – Enfin, l’incertitude sur les fins des projets est due aux deux premières. Dans un contexte et avec des ressources incertaines, les objectifs d’un projet peuvent être largement perturbés. Cependant, ces incertitudes ne rendent pas impossible l’anticipation dans les projets mais demandent plutôt une capacité d’adaptation et d’échange renforcée. Les acteurs doivent dialoguer pour se fixer des buts qu’ils doivent adapter et réviser au fil de l’eau. « Les processus de projet servent justement à faire prospérer ces incertitudes par une activité collective de construction des problèmes, d’élaboration des solutions collectives et d’articulation des ressources » (PINSON 2004). Ce processus implique la fin de la linéarité dans une opération avec des retours en arrière dans les étapes du projet, des cycles, des récurrences, etc. Ainsi, les projets d’aménagement varient beaucoup selon leurs natures et le contexte. Chaque projet est unique.Une diversification des expertises en aménagement Les expertises en aménagement intègrent désormais d’autres domaines8 que l’architecture et l’ingénierie tels que la sociologie, le paysage, l’environnement, etc. Ainsi, chaque opération par son contexte et sa nature fait intervenir des domaines et un système d’acteurs spécifique qui nécessite une mise en œuvre unique, une souplesse dans son exécution ; qui permet d’ailleurs une meilleure adaptation aux incertitudes. 

Un risque de contentieux plus fort 

Malgré les progrès faits dans les pratiques de concertation et le renforcement de la législation en ce sens (enquêtes publique, débat public, études d’impact), on observe une augmentation du nombre de contentieux en aménagement9 . La multiplication d’associations de défense du type NIMBY10 et l’importance nouvelle donnée par la presse locale à l’opposition favorisent la contestation des projets d’aménagement. Le phénomène NIMBY est révélateur d’un mouvement de redéfinition de l’intérêt général à partir des acteurs locaux. Pour André TORRE cependant, cette opposition est une bonne chose dans le sens où elle révèle que le système démocratique fonctionne.  

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