LA CONDUITE DE LA NÉGOCIATION DE LA LETTRE DE GARANTIE

LA CONDUITE DE LA NÉGOCIATION DE LA LETTRE DE GARANTIE

LES ACTEURS DE LA NÉGOCIATION

La négociation de la lettre de garantie va se faire, dans le cadre de cette étude, entre le gestionnaire de sinistres qui est chargé de représenter les intérêts de l’ayant droit à la marchandise, et le correspondant P&I, qui va défendre les intérêts de l’armateur pour le compte du P&I Club. La difficulté principale rencontrée par le gestionnaire de sinistres va être d’identifier le débiteur de la créance maritime. Dans le monde maritime, une expédition peut mettre en jeux divers acteurs : l’armateur propriétaire, l’affréteur, voir le sous-affréteur. Cette diversité va être concrétisée par la coexistence de différents documents, tous afférents au transport maritime, à savoir principalement le connaissement et la charte-partie, en cas d’affrètement du navire. Le connaissement est le mode le plus utilisé de titrisation du contrat de transport maritime de marchandises. Il est à la fois un reçu des marchandises, une preuve du contenu du contrat de transport et un titre représentatif de la marchandise.28 Par ailleurs, le contrat de transport maritime est tripartite ; il est conclu entre le chargeur et le transporteur et créera des droits vis-à-vis du destinataire, qui est considéré comme une partie au contrat. La charte-partie, quant à elle, est un document qui définit les clauses du contrat d’affrètement, dont l’objet est la mise à disposition d’un navire par un fréteur, propriétaire du navire, à un affréteur, et dont la finalité est l’exploitation commerciale du navire. Cette diversité peut conduire à une confusion quant à l’identité du transporteur maritime et donc quant au débiteur réel de la créance maritime, entrainant les conséquences négatives présentées plus haut. Ainsi, après avoir clairement identifié le débiteur de la créance maritime (Section 1), il s’agira de présenter les acteurs qui mènent, de façon effective, la négociation (Section 2). 

Le débiteur de la créance maritime

Le premier réflexe du gestionnaire sera donc d’établir l’identité du transporteur. Le transport maritime envisagé sera systématiquement international et, dans une grande majorité des cas, soumis au régime international des contrats de transports.29 Toutefois, dans la recherche de l’identité du transporteur, le gestionnaire ne se trouve guère aidé par les textes internationaux. En effet, la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement, dite Règles de La Haye, prévoit en son article premier que le transporteur « comprend le propriétaire du navire ou l’affréteur, partie à un contrat de transport avec un chargeur ». Cette disposition restera inchangée par les deux Protocoles modificateurs de ladite Convention.30 Par ailleurs, la Convention de Hambourg du 30 mars 1978 sur le transport de marchandises par mer, dite Règles de Hambourg, dispose en son article premier que le « terme de transporteur désigne toute personne par laquelle ou au nom de laquelle un contrat de transport de marchandises par mer est conclu avec un chargeur ». Ainsi, aucun texte international ne fixe clairement les règles afférentes à la désignation du transporteur. Cette lacune a été principalement comblée par l’interprétation des juges, s’appuyant sur leur législation nationale. Malgré l’existence d’instruments d’uniformisation internationale en matière de contrat de transport maritime, cette recherche reste soumise à la prise en considération d’éléments de droit national. Dans le cadre de cette étude, deux exemples seront étudiés : le droit français (I) d’abord puis le droit anglais (II), qui est majoritairement applicable aux contentieux maritimes. I- Droit français Selon l’article L.5411-1 du Code des transports, l’armateur est celui qui exploite le navire en son nom, qu’il en soit ou non propriétaire. L’article L.5411-2 de ce même code dispose qu’il existe une présomption simple selon laquelle l’armateur est le propriétaire du navire.

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Droit anglais

L’identité du transporteur, et donc du débiteur de la créance maritime, va ici se déduire de plusieurs éléments et notamment de l’étude de la signature sur le connaissement par le transporteur, de la propriété du navire et de l’en-tête du connaissement. Dans la plupart des cas, c’est l’armateur propriétaire qui sera considéré comme étant le transporteur maritime. Mais lorsque il y a des inconsistances entre les différents éléments, il convient d’analyser plus en détail la situation afin de déterminer si le connaissement est un connaissement dit d’armateur39, faisant du propriétaire du navire le transporteur, ou un connaissement dit d’affréteur, par lequel ce dernier est reconnu comme étant le transporteur. En cas de contradictions entre ces différents éléments, le premier élément à prendre en considération est, naturellement, la signature du transporteur ainsi que le libellé inscrit dans l’encadré prévu à cet effet. Il semble important de rappeler, à ce titre, que « Seule la signature du transporteur, ou de son représentant, atteste indiscutablement de la prise en charge de la marchandise, dans la qualité et dans l’état décrits au connaissement et de son embarquement effectif à bord de tel ou tel navire. »40 Parfois, la situation peut être simple. Si le libellé dans l’encadré en question prévoit que le signataire du connaissement est le capitaine du navire, le qualité de transporteur sera attribuée au propriétaire du navire, ou le cas échéant à l’affréteur coque nue ou à l’affréteur à temps avec dévolution, car le capitaine est l’agent de l’armateur, qui sera donc le propriétaire, sous réserve que le navire n’est pas été affrété coque nue ou à temps avec dévolution. Généralement, il en va de même lorsque la personne qui signe le fait « en tant que transporteur »  . Cette mention, claire et précise, aura pour conséquence l’attribution de la qualité de transporteur, au signataire. Nonobstant, la situation n’est pas toujours aussi claire. Certaines clauses insérées dans le connaissement peuvent être propres à inverser la présomption posée en premier lieu. C’est notamment le cas de la « demise clause » qui permet à l’affréteur de n’agir qu’en tant qu’agent du navire et ainsi d’exclure sa responsabilité quant aux dommages causés aux marchandises durant le transport, et de la clause « identity of carrier » qui prévoit que le contrat de transport est passé avec le propriétaire du navire et non avec l’affréteur. Cette dernière, née de la pratique anglaise, « avait à l’origine pour objet de protéger l’affréteur du navire qui avait émis sous son nom un connaissement, à une époque où, contrairement aux armateurs, les affréteurs ne bénéficiaient pas encore, en droit anglais, de la limitation de responsabilité des propriétaires de navires. »

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