Champ de compétences de ce travail
Nous définissons notre champ de compétences dans la conception de produits et les processus d’innovation. Plus particulièrement, nous assistons les décideurs des entreprises dans leurs choix stratégiques du point de vue technologique global, architecture de produits, tout en nous appuyant sur les notions d’évolution de produits. Ainsi, nos résultats sont exprimés souvent en termes de prospection et de stratégie d’innovation. Pourtant, nous aidons nos interlocuteurs dans leurs démarches d’innovation en utilisant une dynamique de dialogue où des phases exploratoires permettent d’une part, bien évidemment, la découverte et analyse d’options de solutions (techniques ou autres), et d’autre part forcer les acteurs à se poser certaines questions. Le tout en avançant sur la définition concrète du produit en conception. Nous aidons donc à la prise de décisions en confrontant les décideurs à des scénarios issus de l’exploration (Cf méthodes prospectives). Il faut rappeler que les scénarios d’exploration sont élaborés avec une combinaison de techniques dites “classiques” de créativité où l’on propose de solutions qui pourraient être classées par catégories suivant des stratégies déjà décelées. Mais aussi, en utilisant d’autres outils tels comme ceux de la théorie TRIZ (principes de solution, lois d’évolution,…) ou d’après les études de DEFORGE sur la génétique des objets industriels.
Comme nous l’avons souligné plus haut, cette approche se sert du caractère dit « opportuniste » du processus de conception du fait que la logique prospective est tracée sur deux dimensions, à savoir, l’analyse préalable disponible et les résultats intermédiaires obtenus tout au long du processus. C’est ce que nous appelons un phénomène d’innovation au sein du processus d’innovation. Les avantages de ce modèle d’intervention ont été commentés dans le chapitre précédent et sont principalement axés sur l’adaptabilité exploitée et l’exploitation des incertitudes comme source d’innovation. Par contre, parmi les inconvénients, on insiste sur l’effort supplémentaire en coordination mais surtout de gestion du projet en termes de pilotage et contrôle. Cette impossibilité de prévoir ou anticiper les ruptures comme résultat logique et suite continue dans l’évolution, nous invite à réfléchir sur le phénomène lui-même. C’est-à-dire, effectuer une analyse ponctuelle, quasi-instantanée du fait représenté comme une discontinuité spatio-temporelle. Pourtant, nous ne négligeons pas l’étude des intervalles continus, qui restent effectivement complémentaires et qui pourraient éventuellement être « modulés dans le temps » pour être utilisés dans la modélisation ou création de ruptures. Notre travail vise vers l’étude des mutations en tant que promoteur des évolutions. En effet, nous considérons que l’évolution n’est pas un processus continu (mutationnisme). Les changements sont menés par des sauts. Les caractéristiques de cette évolution sont données par la taille de ceux-ci ainsi que par sa séquence dans le temps. Ces sauts peuvent être provoqués par plusieurs mécanismes d’origine externe ou interne (ex.: la découverte de nouvelles fonctions).
Grands axes directeurs
Nos propositions se structurent autour des considérations suivantes : 1. Approche qualifiée de « diachronique quasi-instantanée » : Pour faire face au phénomène de discontinuité présent dans tout processus d’innovation sans pourtant négliger la valeur de « ce qui existe » (notamment en termes de connaissances), nous considérerons toute apparition nouvelle comme un changement d’état d’une entité (idée, représentation, notion,…) existante. Gérer la continuité et la discontinuité. Cela permet au concepteur de gagner en flexibilité et en réactivité, tout en profitant de sa base de connaissances. S’opposant en apparence aux approches diachroniques classiques et aux approches synchroniques, elle représente un changement d’échelle (d’espace et de temps) par rapport à celles-ci et y reste donc complémentaire. 2. Modélisation évolutionniste : Nous présentons une version de transfert des théories en évolution développées en plusieurs domaines vers le processus de conception. Cela nous permettra d’en tirer des notions, des définitions et des concepts construits à partir de l’analyse de contextes très diversifiés expliqués par un processus continu d’évolution. Parmi les différents domaines où ont été développées des théories évolutionnistes, on trouve le contexte biologique, le technologique, le géologique, le social, l’économique,… Dans ces travaux nous privilégions le contexte biologique et le contexte technologique. Ce choix correspond principalement à : Pour le contexte technologique : l’affinité directe avec notre champ d’intervention, notamment par le caractère « technologue » du concepteur en mécanique mais aussi par le contexte d’utilisation où nous prétendons agir (le processus de conception de produits). Pour le contexte biologique : d’une part, c’est dans ce domaine où ont été avancées les premières théories d’évolution pour expliquer la diversité, la complexité, la performance et l’efficience actuelles, dans ce cas, des espèces vivantes.