La communication par les phéromones
Le terme communication est défini dans la plupart des encyclopédies comme un échange d’information entre individus. Pour les êtres humains, c’est une partie majeure de leurs interactions sociales. Ils communiquent par la parole, l’écrit, les signes, le corps, le braille et par beaucoup d’autres moyens culturels et technologiques. Et il est maintenant certain que les hommes utilisent aussi des odeurs corporelles pour communiquer (Cornwell et al., 2004; Wyatt, 2003). Un acte de communication n’est pas toujours manifeste ou évident car souvent aucune entité visuelle ne passe d’un individu à l’autre, de sorte qu’il n’est pas toujours possible de savoir quand se produit l’échange d’informations. Pour un étranger d’une autre planète qui pourrait arriver sur Terre sans connaître nos langues et nos coutumes, il lui serait très difficile de reconnaître un brassard noir, un clin d’œil… en tant que formes de communications humaines. Lorsque nous étudions la communication des insectes, nous nous retrouvons également dans la même situation. La seule façon de distinguer une communication entre individus passe par la recherche de preuves d’un changement dans le comportement, ou de la physiologie d’un autre individu (McFarland, 1985). Les éthologistes définissent la communication animale comme une action ou une condition de l’organisme qui modifie le comportement ou la physiologie d’un autre organisme (Wilson, 1970; Wyatt, 2003). Ainsi, un insecte peut communiquer par des signaux émis (production de bruit, d’un signal lumineux ou chimique) ou le signal peut être simplement une partie inhérente de la constitution physique de l’insecte (modèle d’aile, couleur du corps, ou signature chimique).
Le terme phéromone dérive du grec « pherein » qui signifie transférer, et de « hormon » voulant dire exciter ou stimuler. Les phéromones sont très souvent classées par fonction, comme par exemple les phéromones sexuelles ou encore d’agrégation. Plus précisément, une phéromone est définie comme une substance secrétée à l’extérieur d’un individu et reçue par un ou plusieurs individus de la même espèce qui, en réponse, modifieront leurs comportements et/ou leurs physiologies (Karlson, Luscher, 1959). Aujourd’hui, la définition du mot « phéromone » a évolué depuis la définition de Karlson et Luscher : une phéromone peut être un mélange de différentes substances et sa transmission peut se faire à distance mais aussi par contact ou ingestion, directement de l’émetteur au récepteur. Le mode d’action des phéromones dépend de leur nature chimique et de leur volatilité ou de leur solubilité, propriétés qui conditionnent leurs durées de vie (Slessor et al., 2005a). Les phéromones sont utilisées par de nombreux être vivant : les mammifères terrestres, les insectes et y compris les poissons et les crustacés sous-marins (Wyatt, 2009). Les phéromones sont nombreuses et sont rarement composées d’une molécule, mais plutôt d’une combinaison de molécules spécifiques à l’espèce émise dans une proportion précise (Slessor et al., 2005a).
Les molécules utilisées dans les signaux chimiques sont majoritairement synthétisées denovo par des cellules sécrétrices. Mais certaines molécules phéromonales peuvent provenir de l’action de micro-organismes sur des composés synthétisés par l’animal, ou de l’alimentation (Brossut, 1996). Elles peuvent être stockées dans des glandes avant d’être émises ou être directement émises après avoir été produites. La reception de signaux chimiques se fait majoritairement via le système olfactif périphérique composé de cellules sensorielles spécialisées, les chimiorécepteurs, qui reçoivent les molécules phéromonales (Brossut, 1996). La barrière entre chimioréception de distance, de contact, olfaction et gustation est parfois étroite, car certains composés sont peu ou non volatils. La reconnaissance d’une odeur implique une succession d’événements qui se situe à trois niveaux : le niveau moléculaire où s’établit l’intéraction spécifique entre le stimulus et le système récepteur, le niveau cellulaire où s’effectue le codage olfactif et le niveau central où se fait la reconnaissance globale du message qui conduira à l’acte comportemental ou physiologique. signaux chimiques sont très particuliers comme les signaux de reconnaissance des individus d’une même colonie d’insectes (ex : les hydrocarbures cuticulaires) qui sont différents d’une colonie à une autre, pourtant de la même espèce (Le Conte, Hefetz, 2008). Mais la plupart des signaux chimiques ont une spécificité propre à l’espèce. La spécificité d’une phéromone se fait par les molécules qui la composent et par les proportions de chacune de ces molécules émises à un instant précis. Dans le cas de phéromones de colonies d’insectes, dans le nid, la concentration phéromonale d’une molécule varie en fonction du nombre d’individus émetteurs et fait varier la réponse des individus récepteurs. La spécificité d’une phéromone vient alors du nombre d’individus émetteurs.