Dissection des premières étapes de la reproduction chez Arabidopsis par imagerie cellulaire en temps réel
Analyse des lignées transgéniques
Restauration de la réponse d’auto-incompatibilité chez Arabidopsis thaliana Nous avons réintroduit le gène SRK pour l’allèle S14 d’A. lyrata dans l’écotype Col0 et le gène SCR pour ce même allèle S14 dans l’écotype C24. Ces lignées ont été analysées pour leur réponse d’auto-incompatibilité (annexe 2). Les stigmates de la lignée femelle pSLR1- SRK14-PK7//Col0 ont été pollinisés au stade 13-14 avec du pollen de l’écotype C24 (sauvage) ou du pollen pgSCR14-PB7//C24 (incompatible). Le pollen pgSCR14-PB7//C24 déposé sur un stigmate sauvage produit de nombreux tubes polliniques ce qui montre que ce pollen est parfaitement viable. Lorsque les lignées femelles et les lignées mâles expriment le même allèle S14, la réponse d’auto-incompatibilité se met en place. Dans la littérature la réponse à la pollinisation est considérée auto-incompatible lorsque moins de cinq tubes polliniques sont présents sur l’ensemble du stigmate (Kitashiba et al., 2011). Nos lignées, avec en moyenne moins de cinq tubes polliniques par stigmate, présentent les caractéristiques décrites et correspondent à la mise en place d’une réponse d’auto-incompatibilité chez A.thaliana.
Les marqueurs fluorescents s’expriment dans les organes reproducteurs
Nous avons introduit des protéines fluorescentes dans la lignée femelle pSLR1-SRK14- PK7//Col0 et mâle pgSCR14-PB7//C24 afin de visualiser les partenaires mâles (pollen) et femelles (stigmate) par microscopie confocale (tableau1). La lignée pSLR1-SRK14-PK7//Col0 a été transformée pour exprimer la protéine lifeact fusionnée à la protéine fluorescente « venus » (Courtemanche et al., 2016) sous le contrôle du promoteur pSLR1 spécifique du stigmate (Hackett et al., 1996) (tableau 1). Les lignées mâles fluorescentes ont été générées à partir de deux promoteurs spécifiques du pollen. Les promoteurs pAct11 (Huang et al., 1997) et pLat52 (Twell et al., 1990) dirigent respectivement l’expression des protéines fluorescentes RedFP et mtrurquoise (tableau1). Ces lignées nouvellement générées ont été analysées pour leur niveau de fluorescence dans les organes reproducteurs par imagerie confocale (figure 15). La lignée femelle SRK14/venus-lifeact montre une fluorescence des filaments d’actine régulièrement répartis dans l’ensemble de la papille stigmatique (figure 15A). Les grains de pollen et les tubes polliniques fluorescent au niveau de leur cytoplasme (figure 15B-C-D-E). La fluorescence suit la croissance des tubes polliniques (figure 15D-E). 53 Tableau 1. Lignées mâles et femelles générées pour l’analyse de la pollinisation dans le système semi in vivo. A, lignée femelle. B, lignées mâles avec une fluorescence cytoplasmique et/ou au niveau du manteau pollinique. A B C E D Figure 15. Observation de la fluorescence des lignées transformées. A, lignée femelle. Visualisation du cytosquelette d’actine au niveau des papilles stigmatiques avec la protéine fluorescente « venus » (construction pSLR1/venus-lifeact). B-C-D-E, lignées mâles. Grains de pollen et tubes polliniques. B, cytoplasme en bleu de la lignée compatible C24/turq. C, cytoplasme en rouge de la lignée incompatible C24 SCR14RedpFP. D-E, tube pollinique exprimant respectivement les molécules fluorescentes mturquoise et RedFP. Barre 10 µm.
Le marqueur fluorescent s’exprimant au niveau des organes reproducteurs n’altère pas la réponse à la pollinisation. Nous nous sommes assurés que ces plantes auxquelles un transgène avait été ajouté ne présentaient pas d’anomalie dans la réponse à la pollinisation. Après émasculation, les pistils de Col0 et SRK14/venus-lifeact sont pollinisés avec du pollen C24/turq et SCR14RedFP. Les tubes polliniques développés dans les pistils sont visualisés par la coloration au bleu d’aniline. En situation compatible (croisements Col0 x C24/mturq, Col x SCR14RedFP, SRK14/venuslifeact x C24/mturq, figure 16A), les grains de pollen émettent des tubes polliniques visibles dans le style par un faisceau de tubes. En situation incompatible (SRK14/venus-lifeact x SCR14RedFP), les grains de pollen restent bloqués à la surface du pistil. Le nombre de tubes polliniques émis dans chaque situation a été compté et reporté dans un graphique. La répartition des échantillonnages par boîte à moustache met en évidence la différence du nombre de tubes polliniques émis entre les situations compatibles et incompatibles (figure 16). En réponse compatible, en moyenne, plus de cinquante tubes polliniques sont dénombrés par stigmate (figure 16A). Des valeurs extrêmes (deux à dix tubes polliniques), sont cependant observées. Deux des raisons probables à ce faible nombre de tubes polliniques en situation compatible : soit les stigmates ont été émasculés trop tôt et leur maturité n’était pas optimale, soit ils ont été lésés durant l’émasculation. La répartition de l’échantillonnage par points dans la boîte à moustache permet d’identifier un regroupement des valeurs autour de la médiane (figure 16A). L’analyse statistique par le test de student (la répartition des échantillons suit une loi normale) n’indique aucune différence entre tous les types de réponses compatibles. Ainsi, le pollen SCR14RedpFP et les pistils SRK14/venus-lifeact montrent toutes les aptitudes à la pollinisation compatible. En réponse incompatible lorsque les pistils SRK14/venus-lifeact sont pollinisés avec du pollen SCR14RedpFP, le nombre de tubes polliniques produits ne dépasse pas cinq en moyenne. Ainsi nos résultats démontrent que la réponse d’auto-incompatibilité est conservée au cours des six heures (temps entre la pollinisation et le prélèvement des stigmates pour analyse) qui suivent la pollinisation dans ces nouvelles lignées générées exprimant un déterminant d’autoincompatibilité (SRK ou SCR) et un marqueur fluorescent. Le rendement grainier permet d’estimer la capacité des tubes polliniques à se développer dans le pistil et à féconder les gamètes femelles. Nous avons compté le nombre de graines produites pour chaque type de pollinisation (figure 16B). En situation compatible le nombre de graines produites est en moyenne de soixante-dix graines par silique ce qui est comparable au rendement grainier obtenu pour A. thaliana sauvage ainsi que pour les lignées transgéniques Figure 16. Analyse de la réponse d’auto-incompatibilité sur les lignées transgéniques SRK14 et SCR14 exprimant un marquage fluorescent. Situation compatible : les pistils de la lignée Col0 sont pollinisés avec du pollen C24 exprimant une fluorescence cytoplasmique mturquoise (C24/mturq) ou du pollen exprimant le gène SCR14 et une fluorescence RedFP (SCR14RedFP). La lignée SRK14/venus-lifeact est pollinisée avec du pollen C24/mturq. Situation incompatible : la lignée SRK14/venus-lifeact est pollinisée avec du pollen SCR14RedFP. A, boxplot du nombre de tubes polliniques émis et se développant dans le stigmate, colorés au bleu d’aniline 6h00 après pollinisation. B, boxplot du nombre de graines produites dans chaque silique, 15 jours après pollinisation. Répartition des échantillons par points. Trois répétitions biologiques. Losange rouge : moyenne des échantillons. n= nombre de stigmates analysés. 56 sans transgène fluorescent (annexe 2). En situation de réponse d’auto-incompatibilité, le nombre de graines produites est en moyenne de 23 graines par silique, et on observe une grande variabilité. Ce nombre de graines ainsi que cette disparité a également été observée avec des lignées ne présentant pas de marquage fluorescent (annexe 2). Alors que quasiment aucun tube pollinique n’est détecté dans le stigmate 6 heures après une pollinisation incompatible (figure 16A), un nombre de graines non négligeable est dénombré (figure 16B). Ce résultat suggère que la barrière d’auto-incompatibilité devient moins stricte au cours du développement du pistil et que certains grains de pollen déposés au stade 13- 14 finissent par germer et produire quelques graines. Cependant, il faut remarquer que le nombre de graines produites en situation incompatible et très inférieur à celui produit en situation compatible (23 en moyenne en situation incompatible contre 70 en moyenne en situation compatible) ce qui montre qu’une réponse d’auto-incompatibilité partielle est tout de même maintenue au cours du temps.
La réponse d’auto-incompatibilité se maintient au cours du temps
Pour comprendre l’origine des graines produites lors de la réponse incompatible, nous avons réalisé deux types d’expériences de pollinisation dans le temps : i) nous avons pollinisé des stigmates SRK14/venus-lifeact avec du pollen incompatible SCR14RedFP à des stades tardifs de développement du pistil (stade 15 et 16) et ii) nous avons pollinisé des stigmates SRK14/venus-lifeact avec du pollen incompatible SCR14RedpFP, au stade 13-14 comme dans l’expérience présenté sur la figure 16, mais nous avons récolté les pistils pollinisés plus tardivement, 24h, 48h ou 72h après pollinisation (au lieu de 6h). En situation compatible, aux stades 15 et 16, plus de 75 tubes polliniques en moyenne sont dénombrés dans le stigmate ce qui montre qu’à ces stades, le stigmate est toujours réceptif (figure 17A). En situation incompatible, au stade 15 et 16, en moyenne, respectivement 15 et 20 tubes polliniques sont comptés par pistil (figure 17A). Ce chiffre est nettement supérieur au nombre de tubes présents dans des stigmates pollinisés au stade 13-14 (0 tube/stigmate, figure 16). Ce résultat montre que la réponse d’auto-incompatibilité s’amoindrit avec l’âge des papilles stigmatiques dès le stade 15. Cependant, même si des tubes sont détectés dans le stigmate en situation incompatible, un test statistique de Wilcoxon (moins de 20 échantillons par traitement) permet de mettre en évidence une différence significative avec la situation compatible.
I. INTRODUCTION |