Le travail en réseau : mode d’emploi
A travers la rédaction de ce travail de mémoire et suite aux divers entretiens effectués, je me suis rapidement rendue compte que travailler en réseau est un exercice compliqué et difficile. Il faut coordonner les professionnels, les formations, les emplois du temps, les expériences, les attentes et les besoins de chacun. Un exercice périlleux qui n’est guidé par aucune charte, aucune convention, aucun mode d’emploi. Un manque souvent signalé par les professionnels interrogés. A travers ce chapitre, je vais donc essayer de donner quelques pistes d’actions bénéfiques à la mise en place et au déroulement d’un réseau de professionnels.
La composition du réseau
Pour qu’un réseau fonctionne, sa composition ne doit pas être laissée au hasard. Les personnes y participant doivent être des ressources pertinentes tant au niveau de leurs compétences, de leurs connaissances que de leurs formations. Une diversité d’expériences personnelles et professionnelles qui permettra des échanges riches en vue de la résolution de la problématique. Les intervenants doivent également être capables de travailler en équipe et de coopérer. Pour y parvenir, il est utile que chaque professionnel connaisse ses propres savoirs, savoir-faire et savoir-être, et qu’il soit capable de se remettre en question et de prendre du recul sur ces sujets-là. Il doit également être prêt à écouter le discours des autres professionnels et à en saisir toute l’originalité et la spécificité.
La clarification des demandes
Plus le réseau comprendra d’intervenants, plus il y aura d’attentes, de représentations et d’avis différents. Une variété de regards et de positionnements qui peut être une source de richesse mais qui « doit être dépassée pour construire une représentation partagée des situations à gérer, des problèmes à résoudre, des missions à réaliser, des objectifs à atteindre, des projets à entreprendre ». Il est donc nécessaire de clarifier les demandes. Premièrement, il faut savoir qui a demandé la formation du réseau, au service de qui et dans quels buts. En deuxième lieu, il faut également tenir compte des demandes et des attentes de chaque intervenant afin que la participation de tous soit justifiée et satisfaisante. Troisièmement, il est essentiel de préciser les finalités du réseau, c’està-dire d’avoir un objectif commun.
Le pilotage
Au sein des réseaux, la hiérarchie disparaît. Même si les participants viennent de milieux personnels, professionnels et formatifs différents, chaque membre présent possède des compétences utiles à la résolution de la problématique. Toutefois, un réseau ne fonctionne pas spontanément. Il faut un pilote à son bord car, « la bonne volonté des participants ne saurait suffire. Les risques et les dérives menacent en permanence. Le lien de coopération et les relations de confiance sont fragiles. Sans pilote à bord, le réseau fera naufrage » . Il faut donc nommer quelqu’un qui s’assurera d’une bonne coopération et d’une bonne communication entre les intervenants, qui veillera au respect des règles établies, au suivi des objectifs communs et à la transmission des informations et des documents à qui de droit. Quelqu’un aussi qui sera également capable de réguler et de gérer les éventuels conflits interpersonnels pouvant apparaître.
Etablir à l’avance un calendrier de réunions
« Le bon fonctionnement de ces réseaux exige qu’un minimum de temps leur soit consacré. Il faut donner du temps au temps. Une chronobiologie est à prendre en compte. Un rythme de réunions trop espacées ou des durées de rencontres trop brèves ne leur permettront pas d’atteindre leurs objectifs. Les apprentissages individuels et collectifs qu’ils requièrent sont difficiles et ne peuvent s’installer que dans la durée et l’entraînement continu. Les relations de confiance ne se construisent pas dans l’instantané. […] Dans de tels contextes, programmer les rencontres au coup par coup, une par une, se révèle vite impossible. Trouver une date de disponibilité commune à partir des calendriers de chacun devient un casse tête qui ne débouche que sur des décisions peu satisfaisantes : réunions trop espacées, durées écourtées, participation réduite. A ce jeu, les motivations finissent par disparaitre et l’efficacité du réseau ne peut que s’enfoncer dans la médiocrité. Il est recommandé de programmer longtemps à l’avance (de l’ordre d’une année) les rencontres à venir, et de les prévoir à un rythme à la fois compatible avec les contraintes de productivité et avec les exigences d’un apprentissage soutenu ».
Les outils de travail
Pour garantir le bon fonctionnement du réseau, il est utile d’en préciser les règles, notamment au niveau des droits et des devoirs de chacun, de la gestion des conflits, des valeurs éthiques et des principes déontologiques à respecter. Ces règles peuvent être réunies sous forme de charte. Afin que la communication soit facilitée, il est également utile de créer des supports documentaires destinés à transmettre les informations ou à garder une trace des décisions et des discussions qui ont eues lieu lors des réunions précédentes. Pour assurer cette prise de notes, désigner une personne responsable ou, mieux encore, faire un tournus entre les différents intervenants est nécessaire.
Identifier « la valeur ajoutée » du travail en réseau
Travailler en réseau est une méthode exigeante qui prend du temps et qui demande un grand investissement personnel et professionnel. Il faut donc que les intervenants y trouvent un intérêt durable. Au niveau collectif, chaque intervenant doit se questionner sur les bénéfices qu’apporte le travail en réseau et le groupe doit en avoir une vision commune. En prenant conscience de la plus value qu’amène ce type d’intervention, les professionnels seront plus à même de rester motivés et solidaires dans les moments difficiles où le réseau, les idées ou les décisions stagnent. D’un point de vue individuel également, cette valeur ajoutée doit être connue. Que se soit l’opportunité d’étendre ses relations, ses connaissances des autres disciplines ou autre, il est important que chaque intervenant y trouve une satisfaction personnelle, quelle qu’elle soit.
La synthèse progressive des avancées collectives
Même si des objectifs ont été fixés, que les personnes se sont engagées et que la problématique est connue de tous, la progression des réseaux reste très aléatoire. Un membre peut se retirer, la situation peut évoluer, les solutions peuvent tarder à apparaître.
Afin de garder une équipe soudée et solidaire, il peut être intéressant d’effectuer régulièrement une synthèse où l’on précise à nouveau les objectifs, où l’on valorise le travail collectif, mais également individuel, et où les progrès sont mis en évidence.
La communication
« Le Petit Robert dit : « la communication est le fait de communiquer, d’établir une relation avec quelqu’un, quelque chose » ; elle consiste à mettre en commun « une information ». La communication est donc à la base de toutes réunions de réseaux. Elle permet aux différents acteurs d’échanger des informations, des représentations, des avis sur la problématique donnée en vue de la résoudre.
Pendant les entretiens, lorsque j’ai abordé la question, les personnes interrogées étaient, de manière générale, satisfaites par cette dernière et semblaient être au courant des règles de communication liées au secret de fonction. Cependant, les EDE évoquaient également leurs difficultés à créer un réseau et à faire appel aux professionnels adéquats dans le cadre d’une problématique. Elles avaient également l’impression d’être invitées à participer et à prendre la parole en dernier. Or, pour qu’un réseau fonctionne, quelques règles et quelques conseils sont à respecter dans l’intérêt de tous :
L’identification des partenaires
Pour les EDE, il n’est pas toujours évident de savoir à qui s’adresser lorsque une situation problématique demande de faire appel à l’extérieur et, une fois le réseau mis en place, « les membres d’un réseau ignorent très souvent les compétences, les connaissances, les expériences de leurs partenaires ».
Un manque d’informations et de connaissances qui provoque une sous utilisation des ressources disponibles. Créer une cartographie des ressources, c’est-à-dire un document réunissant les savoirs, les savoir-faire, les savoir-être et les attentes de chaque professionnel coopérant avec le réseau mis en place peut s’avérer utile.
Le langage commun
« Chaque expert du réseau a son propre langage spécialisé dû à sa spécialité ou à sa discipline ». Afin que la communication soit claire et efficace pour tous, il est important que chaque intervenant apprenne le jargon, les sigles et les abréviations des uns et des autres. Seul un langage commun, accessible à tous, permettra une bonne compréhension de la situation et des éventuelles solutions proposées.
Les règles de communication
« Exposer ses pratiques personnelles, écouter les réactions qu’elles provoquent, réagir aux pratiques des autres, autant d’activités qui « mettent à découvert ». Ce sont non seulement des opérations cognitives qui entrent en jeu, mais aussi des émotions, des craintes, des projections, des sentiments, des images de soi et des autres. L’affectif y prend une place considérable. La peur d’être jugé et les règlements de compte sont des préoccupations permanentes».
Outre les règles et les techniques basiques de communication telles que la reformulation, l’écoute active ou le respect du temps et du tour de parole, il est essentiel de fixer d’autres règles de communication. En effet, au sein des réseaux, les intervenants livrent leurs points faibles, leurs échecs vis-à-vis de situations qu’ils n’ont pas réussies à gérer seuls. Des confidences qui supposent une certaine confiance au sein de l’équipe.
« Certes, la confiance ne se décrète pas. Elle n’est pas donnée au démarrage d’un réseau. Elle se construit et se gagne progressivement, patiemment. Elle résulte d’un apprentissage mais aussi de règles. Celles-ci ne la garantiront pas automatiquement mais multiplieront les chances de l’instaurer ».
1. Introduction |