La cohérence historique de l’autonomisation du rôle international du Gouvernement d’assemblée

Le cadre théorique du débat l’actualisation de la problématique de la démocratisation de la politique étrangère sous la République parlementaire

La cohérence historique de l’autonomisation du rôle international du Gouvernement d’assemblée est soulignée par le Professeur Gaston JÈZE : « [l]a tradition est, en France, que le gouvernement doit avoir de larges pouvoirs en matière de politique étrangère. C’est la coutume monarchique ; les Constituants de 1875 l’ont fait passer dans l’art. 87 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 (…). Les Constituants de 1875 ont écarté les solutions des constitutions de 1791 [Titre III, Chap. II, sect. I, art. 3 C], de 1793 [art. 55 C] et de la Constitution de 1848 [art. 53 C] qui réduisaient considérablement les pouvoirs du gouvernement en matière de traités » (In « Le pouvoir de conclure les traités internationaux, et les traités secrets », Op. cit., pp. 314-315).  Affaires étrangères observée sous la présidence actuelle. Sans doute l’hyper-médiatisation de l’action diplomatique de M. Nicolas SARKOZY est-elle de nature à alimenter le sentiment d’exclusivisme de l’Élysée dans la gestion des relations extérieures. Mais, il n’est pas en soi condamnable dès lors que le chef de l’État justifie son action au regard du monopole juridique détenu par le pouvoir exécutif en la matière. De ce point de vue, la problématique de l’omnipotence du chef de l’État en matière internationale ne se pose pas tant en termes de légitimité que de constitutionnalité de son action, ce qui aboutirait parfois à constater parallèlement à l’atteinte à la seconde, le respect de la première. Concrètement, le président de la République qui ne solliciterait pas le contreseing du Premier ministre et du ministre des Affaires étrangères en matière de ratification de traité violerait l’article 19 C qui classe a contrario le pouvoir de ratification du président de la République parmi les pouvoirs partagés. Constitutif d’un vice de procédure substantiel au plan juridique, cet écart présidentiel n’aurait qu’une incidence mineure, au plan politique, dans la mesure où la légitimité de son action demeurerait sauve au regard du principe du monopole exécutif. Mais, on le voit, la portée absolue attachée à ce principe pose de graves problèmes en termes démocratiques : toute action diplomatique menée par un organe de l’État est-il justifiable dès lors qu’il est le fait d’un membre du pouvoir exécutif ? Ce serait lui conférer une immunité juridique difficilement tolérable avec les exigences inhérentes à l’État de droit. La résolution pratique de cette interrogation par les gouvernements successifs de la IIIème et IVème Républiques va constituer, précisément, le terreau idéologique de la problématique des actes de Gouvernement (Voir infra, Partie II- Chap. II- Titre I- Sect. III).

« Quels que soient les régimes politiques, on constate qu’en matière extérieure, gouvernementale »1721. Un siècle après que la Révolution ait scindé les prérogatives internationales entre les Pouvoir exécutif et législatif, on aurait pu s’attendre à ce que le déséquilibre des forces opéré en faveur des Chambres entre 1877 et 1958 attente au monopole  plans intérieur et extérieur. Ces évènements auraient eu le mérite de borner en des termes concrets le champ d’action du Parlement. Mais, si comme on le soulignait plus haut le Professeur JÈZE, la revalorisation du pouvoir gouvernemental extérieur a été, dans l’ensemble, favorablement accueillie par les présidences successives, il en va différemment des assemblées. En pratique, les « libertés » que s’arroge le Gouvernement à dessein d’accroître la réactivité de l’appareil diplomatique d’État suscitent nombre d’interrogations sur la constitutionnalité de la portée extensive que les organes exécutifs en matière de  Siècle des Lumières. Ainsi, pour Jean-Jacques ROUSSEAU, penseur démocrate, la gestion de la politique étrangère ne soulève aucune difficulté au plan institutionnel dans la mesure où les actes y afférant n’ « étaient pas des actes de souveraineté, mais de gouvernement » (In Lettres écrites de la Montagne (III), Du contrat social. Écrits politiques, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1975, p. 826). Ne procédant pas de la souveraineté, leur exercice ne mettait donc pas en cause la volonté générale. « Ce qui importe essentiellement à chaque citoyen, précisait-t-il, c’est l’observation des Loix au-dedans, la propriété des biens, la sûreté des particuliers » ; et le philosophe de conclure aussitôt : « [t]ant que tout ira bien sur ces trois points, laissez les Conseils négocier et traiter avec l’étranger ; ce n’est pas delà que viendront vos dangers les plus à craindre » (In Lettres écrites de la montagne (VII), Op. cit., p. 827). C’est finalement le texte de 1791 et le régime qu’il consacre au profit du Roi en sa qualité de « Pouvoir exécutif suprême » qui va constituer le premier hiatus juridique entre le combat contre le régime monarchique et sa survivance à travers l’exercice de pouvoirs dits « régaliens » – dont font partie les Affaires étrangères. A l’époque, les auteurs de la première Constitution française étaient loin de se douter que cette « disposition remarquable » [article 3 relatif à la compétence exclusive du Roi en matière de ratification des traités] selon le mot de Raymond CARRÉ de MALBERG (In Contribution à la théorie générale de l’État : spécialement d’après les données fournies par le droit constitutionnel français, Librairie de la Société du Recueil Sirey, Paris, 1920-1922, p. 268), serait à l’origine d’une problématique qui allait captiver la doctrine contemporaine sans qu’elle ne puisse à ce jour y apporter de réponse certaine. « La démocratisation de la politique étrangère est un sujet d’autant plus complexe, met en garde le Professeur Samy COHEN, qu’elle se trouve au cœur d’un dilemme fondamental. L’amélioration nécessaire de la qualité du débat public et du contrôle parlementaire ne doit pas conduire à des conflits tels qu’ils paralyseraient l’action diplomatique et militaire, qu’ils ligoteraient le Président et le gouvernement. Il y a un équilibre délicat à préserver entre démocratie et efficacité », conclut-il (In « Démocratie et politique étrangère, repenser les termes du débat », A.F.R.I., Vol. 1, Éd. Bruylant, Bruxelles, 2000, p. 10).

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