Les principales classifications relatives aux méthodes de la PMOM
Plusieurs classifications des méthodes de PMOM ont été proposées dans la littérature relative à ce domaine. La plupart d’entre elles regroupent ces méthodes en fonction du mode d’intégration des préférences du décideur et plus particulièrement, selon le moment de leur introduction dans le processus décisionnel. Dans ce dernier, si une information est requise du décideur, le type de cette information et le moment auquel elle est fournie joue, selon Hwang et al. (1980), un rôle primordial dans les méthodes multicritères d’aide la décision. Les typologies qui font généralement référence dans ce domaine sont celles de Hwang et al. (1980) et Evans (1984). D’autres auteurs, tels que Pongpeng et Liston (2003), ont proposé aussi des classifications basées relativement sur les mêmes considérations. Nous présentons, dans ce qui suit, ces trois classifications des modèles de la PMOM.
La classification de Hwang et al. (1980)
Hwang et al. (1980) ont été les premiers à proposer une classification qui regroupe plusieurs méthodes de PMOM. Dans leur typologie, ils ont pris en considération le type d’information demandée au décideur ainsi que le moment de son introduction dans le processus décisionnel, pour classer approximativement une vingtaine de méthodes de PMOM. Ces dernières sont classées en quatre grandes catégories. De plus, ils ont choisit de présenter une méthode de chaque catégorie et de l’illustrer par un exemple numérique.
La classification de Hwang et al. (1980) est représentée dans la figure 3.1.
Nous détaillons dans ce qui suit les quatre classes génériques de cette typologie :
Les méthodes sans articulation des préférences du décideur
Dans cette catégorie de méthodes, aucune information relative aux préférences du décideur n’est requise. Selon Hwang et al. (1980), une fois les objectifs et les contraintes du contexte décisionnel déterminés, ces méthodes ne sollicitent aucune information «subjective» de la part du décideur. Ainsi, avec ces méthodes, le rôle du décideur est en partie marginalisé au cours du processus décisionnel car ses préférences ne sont pas prises en compte dans ce processus. Cependant, le décideur peut accepter ou rejeter la solution proposée. L’avantage de ces méthodes, selon Hwang et al. (1980), est que le décideur ne fournit pas d’efforts durant ce processus. Cependant, il est possible que le décideur souhaite participer de manière plus effective dans son processus de choix, et peut être par conséquent lésé par l’utilisation d’une méthode basée sur aucune articulation de ses préférences. En outre, Hwang et al. (1980) soulignent que le recours à cette catégorie de méthodes exige de l’homme d’étude de faire plusieurs suppositions sur la structure de préférence du décideur. Ceci peut s’avérer contrariant pour l’homme d’étude et constitue en fait, selon eux, l’inconvénient majeur des méthodes appartenant à cette catégorie. Hwang et al. (1980) classent dans cette catégorie, la méthode du critère global. Selon Miettinen (1998), cette méthode, parfois dénommée «compromise programming», minimise la distance entre un certain point de référence et l’espace des solutions réalisables.
Les méthodes avec une articulation a priori des préférences du décideur
Hwang et al. (1980) définissent cette catégorie de méthodes comme étant celles qui sollicitent l’information relative aux préférences du décideur avant que ne commence la phase de résolution proprement dite. En fait, ils subdivisent ces méthodes en deux catégories distinctes : celles qui requièrent une information cardinale et celles qui s’appuient sur une information mixte, c’est-à-dire ordinale et cardinale. Selon ces auteurs, lorsqu’une fonction d’utilité ou des coefficients d’importance relative sont utilisés pour représenter la structure de préférence du décideur, l’information est dite cardinale. Une fonction d’utilité, qui peut être de différentes formes, est censée représenter l’appréciation du décideur vis-à-vis des différents niveaux atteints par les objectifs (Hwang et al., 1980). Les méthodes utilisant des fonctions d’utilité requièrent que la fonction d’utilité soit déterminée avant que le modèle mathématique soit résolu (Hwang et al., 1980). Par ailleurs, l’information fournie par le décideur est ordinale si elle se présente sous forme d’un ordre de priorité classant les différents objectifs. Les méthodes utilisant une information mixte sont celles qui utilisent principalement une information ordinale mais requièrent aussi une information cardinale. Hwang et al. (1980) classent le modèle du GP dans la catégorie des méthodes utilisant une information mixte et prennent comme exemple la variante lexicographique du GP.
Les méthodes avec une articulation progressive des préférences du décideur
Cette catégorie de méthodes est fondée sur une procédure interactive où la recherche de la solution la plus satisfaisante forme une séquence d’étapes successives où les préférences du décideur sont déterminées progressivement par le biais d’un dialogue entre ce dernier et l’homme d’étude (Hwang et al., 1980). Le décideur est sollicité pour fournir une information additionnelle et relative à ses préférences en considérant la solution (ou un ensemble de solutions) obtenue à chaque itération. Sur la base de cette information, qui peut être sous forme de compromis, une nouvelle solution est obtenue et présentée au décideur.
Hwang et al. (1980) soulignent que ces méthodes reposent sur l’hypothèse que, dû à la complexité des contextes décisionnels, le décideur est incapable de fournir une information relative à ses préférences a priori, mais peut donner une telle information à un niveau local, c’est-à-dire au niveau d’une solution particulière. Par ailleurs, ils différencient les méthodes appartenant à cette catégorie selon que l’information requise du décideur, sous forme de compromis, soit explicite ou implicite. Ainsi, selon ces auteurs, certaines méthodes, telles que le GP interactif et la méthode de Zionts-Wallenius (1976), requièrent à chaque itération une information explicite concernant les compromis souhaités entre les degrés d’atteinte des objectifs. De plus, ils soulignent que certaines de ces méthodes offrent au décideur la possibilité de choisir parmi un ensemble de compromis réalisables qui lui est présenté. D’autres méthodes, telle que STEM de Benayoun et al. (1971-a), permettent au décideur de révéler implicitement ses préférences, et ce, en indiquant s’il accepte les niveaux de réalisation des objectifs atteints lors d’une itération (Hwang et al., 1980).
En outre, Hwang et al. (1980) considèrent que les avantages des méthodes avec une articulation progressive du décideur sont en général :
• qu’elles n’exigent pas du décideur de fournir une information a priori avant la phase de résolution;
• qu’elles permettent au décideur d’apprendre plus sur son contexte décisionnel ou de mieux le cerner;
• que seule une information à un niveau local (relative à une solution particulière) est demandée;
• que la solution sélectionnée a plus de chance d’être adoptée et mise en application.
Néanmoins, ils énumèrent les inconvénients suivants, à savoir : a) les solutions dépendent de l’exactitude de l’information fournie par le décideur à chaque itération; b) plusieurs de ces méthodes ne garantissent pas que la solution la plus satisfaisante soit obtenue après un nombre limité d’itérations; et, c) le décideur doit fournir plus d’efforts comparativement avec les autres approches.
Les méthodes avec une articulation a posteriori des préférences du décideur
Ces méthodes ne nécessitent l’intervention du décideur qu’à la fin du processus de résolution, une fois qu’un ensemble de solutions efficaces ait été déterminé. Selon Hwang et al. (1980), les méthodes avec une articulation a posteriori des préférences du décideur s’appuient sur une procédure où il est nécessaire de :
– déterminer, en premier lieu, un sous-ensemble des solutions non dominées; requérir du décideur une information implicite sous forme de compromis afin qu’il choisisse une solution qu’il juge la plus satisfaisante parmi l’ensemble des solutions efficaces préalablement déterminé.
Parmi les méthodes a posteriori que Hwang et al. (1980) énumèrent, nous pouvons citer la méthode «e-constraint» et la méthode paramétrique. Il est à noter que dans cette dernière, des coefficients de pondération sont utilisés non pas nécessairement pour refléter l’importance relative des objectifs mais pour déterminer l’ensemble des solutions efficaces (Hwang et al., 1980).
Par ailleurs, ces auteurs soulignent que l’inconvénient majeur qui a limité l’utilisation des méthodes appartenant à cette catégorie, réside dans le fait qu’elles génèrent, généralement, un grand nombre de solutions et il devient, ainsi, quasiment impossible au décideur de choisir une qui soit considérée comme la plus satisfaisante. Ceci a eu pour conséquence, selon eux, que ces méthodes soient, en général, combinées à des méthodes interactives telle que celle de Zionts-Wallenius (1976). Il est à noter, ici, que le terme a posteriori dans la classification de Hwang et al. (1980) ne revêt pas la même signification qu’en analyse Baysienne. En effet, cette dernière permet de réviser et de modifier une distribution de probabilités, qui a été fixée a priori, à la lumière d’une information additionnelle obtenue durant le processus d’analyse. Black (1997), cite à ce propos le cas du lancement d’un nouveau produit sur le marché, où la probabilité initiale de son succès est reconsidérée à la lumière d’une nouvelle information issue des résultats d’une étude marketing effectuée sur un échantillon de la population.
La classification de Hwang et al. (1980) semble être admise comme la principale référence en la matière. En effet, plusieurs revues de la littérature relative aux méthodes de PMOM se basent sur leur classification. Parmi ces revues de littérature, nous retrouvons celle d’Evans (1984) que nous présentons dans la prochaine section.
La classification d’Evans (1984)
Les classifications de Hwang et al. (1980) et d’Evans (1984) sont quasi-similaires. Cette dernière ne compte que trois catégories et n’intègre pas la catégorie des méthodes sans aucune articulation des préférences du décideur. De plus, dans son article, Evans (1984) porte essentiellement son intérêt sur les catégories avec une articulation progressive et a posteriori des préférences du décideur. Il caractérise les méthodes de PMOM selon les trois catégories principales suivantes : a) les méthodes avec une articulation a priori des préférences du décideur; b) les méthodes avec une articulation progressive des préférences du décideur; et c) les méthodes avec une articulation a posteriori des préférences du décideur.
Les méthodes avec une articulation a priori des préférences du décideur
Evans (1984) définit les méthodes appartenant à cette catégorie comme étant celles qui utilisent, explicitement ou implicitement, une fonction de valeur pour représenter la structure de préférence du décideur, et ce, avant la phase de résolution. Dans la typologie d’Evans (1984), le modèle du GP figure parmi les méthodes qui prennent en considération la structure de préférence du décideur au début du processus décisionnel, en utilisant implicitement une fonction de valeur. Evans (1984) définit une fonction de valeur comme étant une fonction qui associe un nombre réel (une mesure de performance reliée aux différents objectifs) v( f (x)) à chaque solution x∈ X , et qui représente la structure de préférence d’un décideur. En outre, il note que cette fonction est déterminée par le biais d’entretiens entre le décideur et l’homme d’étude. Toutefois, cet auteur souligne la difficulté que peut avoir un décideur à fournir l’information requise de lui, et ce, en début de processus décisionnel. Ceci représente, selon lui, l’un des inconvénients majeurs des approches se basant sur l’élaboration a priori des préférences du décideur.
Les méthodes avec une articulation progressive des préférences du décideur
Ces méthodes s’appuient sur une procédure interactive et itérative qui introduit progressivement les préférences du décideur. Selon Evans (1984), la première étape de cette procédure consiste à trouver une solution «optimale» initiale relative au modèle mathématique formulé pour décrire le contexte décisionnel en présence. Cette solution est présentée au décideur qui l’évalue et fournit en conséquence une information relative à ses préférences. Sur la base de cette information, un nouveau programme mathématique est formulé et une nouvelle solution est déterminée. Ce processus interactif s’arrête, en général, lorsque le décideur juge que la solution en présence est la plus satisfaisante (Evans, 1984).
Selon Evans (1984), les méthodes interactives diffèrent entre elles selon le type d’information qui est requise du décideur. Il souligne que cette information peut être sous la forme d’un classement des différentes solutions, un ajustement et réajustement des niveaux d’aspiration ou sous forme de compromis à effectuer entre les différents objectifs. En outre, il considère que les méthodes appartenant à cette catégorie, comparées aux méthodes avec une articulation a priori des préférences du décideur, sont moins exigeantes, en termes de besoins en information.
Les méthodes avec une articulation a posteriori des préférences du décideur
Selon Evans (1984), le principe des méthodes basées sur une approche a posteriori est de générer l’ensemble ou la plupart des solutions efficaces, parmi lesquelles le décideur choisit, selon un processus arbitraire quelconque, une solution qu’il juge comme la plus satisfaisante. Evans (1984) souligne que le principal avantage de ces méthodes est qu’elles ne requièrent pas l’utilisation d’une fonction de valeur. Cependant, il considère qu’elles présentent des inconvénients tels que le nombre des solutions efficaces générées qui peut être élevé et donc difficile à considérer par le décideur.
En plus de prendre en considération le moment d’introduction des préférences du décideur pour classer les méthodes de PMOM, Evans (1984) a subdivisé ces méthodes en fonction du type des variables de décision : d’une part, les modèles dont toutes les variables de décision sont continues et d’autre part, les modèles dont au moins certaines variables sont de nature discrète. De plus, il distingue entre les modèles linéaires et non-linéaires, bien que certains puissent être utilisés dans les deux cas. Il intègre aussi dans sa typologie (voir la figure 4.2) une catégorie de méthodes qui combine à la fois une articulation progressive et a posteriori des préférences du décideur et cite par exemple la méthode de Steuer (1976-a) qui permet de réduire l’ensemble des solutions efficaces générées. Toutefois, il précise que plusieurs méthodes peuvent figurer dans plus d’une catégorie et que, par conséquent, les classifications ne peuvent pas être exactes. Evans (1984) a regroupé les méthodes de PMOM dans la classification représentée par la figure 3.2.
