La classe moyenne au Brésil : contextualisation, évolution et caractéristiques

La classe moyenne au Brésil : contextualisation, évolution et caractéristiques

Régimes de croissance et distributions de revenus

Trajectoire de l’économie brésilienne 

Une longue trajectoire de politiques développementalistes 1930-1980 Jusqu’à la fin des années 1920 le Brésil est un pays agro-exportateur. Ses ressources proviennent de la vente de produits primaires et le café constitue la source principale des devises et des 6 La classe moyenne au Brésil : contextualisation, évolution et caractéristiques recettes de l’Etat. Le pays est encore peu urbanisé et son industrie balbutiante, historiquement muselée par les intérêts extérieurs. C’est à partir des années 1930, avec le régime autoritaire et corporatiste de Getúlio Vargas (Président de 1934 à 1945 puis de 1950 à 1954) qu’est adoptée une politique volontariste d’industrialisation reposant sur un processus de substitution des importations. L’idée est de charger l’Etat d’assurer un rattrapage économique en sortant le pays d’un cycle extractiviste internationalement désavantageux et d’assurer une internalisation des produits industriels jusque-là importés. L’ensemble de ces politiques a eu d’indéniables effets en termes de développement jusque dans les années 1980. C’est d’elles que résulte la transformation d’un pays agro-exportateur en puissance industrielle induisant la forte urbanisation de la population et l’expansion du salariat. La modernisation du Brésil s’est bâtie sur les grands programmes d’infrastructures et d’équipement (routes, chemins de fer, télécommunications, ponts, centrales hydroélectriques, usines nucléaires) sur la constitution d’un imposant parc d’industries de base (minerais, sidérurgie, etc.), de transformation (papier, ciment, aluminium, chimie, etc.), de biens d’équipement (générateurs, centraux téléphoniques, moteurs, turbines, etc.), de biens de consommation durables (automobile, électroménager, etc.), d’agro-industries alimentaires (viande, grains, produits du lait, jus de fruits, etc.) et enfin sur la création de grands établissements publics de financement tels que la banque nationale de développement économique et social (BNDS puis BNDES) et de puissantes entreprises d’Etat dans des domaines stratégiques comme l’énergie (Petrobras par exemple). Le Brésil se hisse alors dans les premiers rangs mondiaux par la production de richesses. La séquence 1967-1973 (sous le régime militaire qui dirige le pays de 1964 à 1985) est alors qualifiée de « miracle économique » durant laquelle le taux moyen annuel de croissance est supérieur à 10% et le taux d’investissement approche les 20% du PIB. Même si cette croissance s’est accompagnée d’un renforcement des inégalités, les autorités ont poursuivi l’objectif de maintenir à marche forcée ce « miracle » dans la période suivante. Cependant, les changements qui affectent le système financier international et la conjoncture extérieure défavorable (chocs pétroliers, relèvement des taux d’intérêt, ralentissement de l’activité économique mondiale) vont impacter l’économie brésilienne. La situation financière de l’Etat se dégrade du fait de rentrées fiscales en chute et de l’augmentation de la dette. S’exacerbent alors les conflits autour de la redistribution du revenu et l’inflation s’accélère dangereusement, entretenue notamment par de nombreux mécanismes d’indexation 2 . Les plans successifs Cruzado, Bresser et Verão ont été incapables de contenir l’inflation qui atteignait près de 1.000 % par an à la fin de 1989. L’ajournement des investissements a fini par renforcer la stagnation observée durant cette période.

Une phase de libéralisation soutenue (fin des années 1980-fin des années 1990)

A partir de la fin des années 1980, les orientations de la politique économique ont été profondément modifiées. Et, au milieu de la décennie suivante, elles ont été subordonnées aux préceptes du fameux Consensus de Washington : discipline financière, abaissement des tarifs douaniers et élimination des barrières non tarifaires, privatisation d’entreprises publiques, déréglementation des activités, taux d’intérêt dictés par le marché, suppression des barrières au capital étranger, soutien financier à la recherche-développement. La politique industrielle a peu à peu disparu des priorités fédérales et ce sont les Etats fédérés qui ont pris le relai, avec des moyens moindres et des résultats parfois malheureux3 . Les changements institutionnels et les politiques publiques qui conduisirent le Brésil dans un nouveau contexte économique et social peuvent être résumés en deux phases. La première période, riche d’importants changements institutionnels, a commencé à la fin des années 1980 et la nouvelle Constitution démocratique de 1988 peut être considérée comme le point d’inflexion initial de cette séquence. Cette période est marquée à la fois par des tentatives d’ajustement de l’économie et par l’adoption de réformes d’inspiration libérale, orientées vers le marché (Yano et Monteiro, 2008). Ces priorités fixées aux politiques gouvernementales ont eu pour effet de marginaliser les politiques sociales et les perspectives de réduction des disparités régionales. De manière générale, cinq axes de réformes principaux peuvent être identifiés. Premièrement, une politique de stabilisation macroéconomique ambitieuse est mise en place à partir de 1994 avec le Plan Real de Fernando Henrique Cardoso (alors Ministre des finances). Ce plan, qui associe assainissement des finances publiques, coordination des mécanismes d’indexation et introduction d’une nouvelle monnaie ancrée au dollar, le real (en remplacement du cruzeiro), a mis fin à l’hyperinflation et à ses effets corrosifs en termes de distribution (Ferreira et al., 2010). Deuxièmement, un autre changement institutionnel important s’est manifesté par une plus grande ouverture du pays au commerce international. Ce processus commença en 1988 par des réductions significatives des barrières tarifaires et non tarifaires héritées de la période de substitution des importations, suivant en cela la tendance générale de l’économie mondiale, et le mouvement fut amplifié à partir des années 1990. Cette plus grande ouverture a favorisé l’importation de produits propres à satisfaire la demande croissante après la stabilisation économique générée par le Plan Real. Cependant, elle a également provoqué un processus de restructuration industrielle pour cause de plus grande exposition des entreprises brésiliennes à la concurrence internationale. Beaucoup d’entreprises ne parvenant pas à se restructurer au même rythme que l’ouverture commerciale n’ont ainsi pas supporté la pression compétitive. Troisièmement, le processus de privatisation des entreprises publiques a été lancé au cours de cette même période 4 . Quatrièmement, un autre changement d’importance a consisté dans la réforme financière et la libéralisation des flux de capitaux. Parmi les principales réformes figurent l’élimination des barrières à l’entrée des investissements étrangers, l’arrivée d’institutions financières étrangères via l’acquisition et le contrôle actionnarial d’entités locales ou l’installation de filiales et la possibilité donnée aux résidents d’accéder à de nouvelles modalités de financement externe c’est-à-dire l’autorisation d’émettre des titres et des actions auprès du marché international de capitaux (Yano et, Monteiro, 2008). Ces modifications ont eu pour effet d’accroître le volume des investissements directs étrangers, principalement à la fin des années 1990. Cinquièmement, la Constitution de 1988 a concédé de plus larges compétences aux Etats de la Fédération et aux communes (municípios). Par exemple, une importante modification en vue d’une plus grande autonomie des Etats a consisté dans l’augmentation de la proportion de certains impôts destinés au Fonds de Participation des Etats (FPE) .

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