La classe inversée en éducation musicale

La classe inversée en éducation musicale

CADRE THEORIQUE 

La classe inversée est une innovation pédagogique qui nous vient du monde anglosaxon. J. Bergmann et A. Sams, deux professeurs américains de chimie, exerçant dans le secondaire en milieu rural, décident en 2007 de tirer profit des nouvelles technologies et de leur démocratisation afin de palier l’absentéisme de leurs étudiants. Ils mettent en ligne des vidéos de leurs cours pour que les apprenants puissent être à jour à leur retour. Leur objectif est aussi de pouvoir consacrer le temps scolaire à un accompagnement ciblé des difficultés des apprenants en renversant l’équation habituelle « leçon en classe – travail à la maison ». Figure I. Schéma résumant le principe de base de la classe inversée. Source : http://www.myeleec.fr/classe-inversee-avec-nos-eleves. C’est en 2011 que cette méthode est popularisée par Salman Khan via une présentation TED qui compte aujourd’hui plus de quatre millions de vues. Le fondateur de la Khan Academy, plateforme qui regroupe plus de 2 000 vidéos pédagogiques toutes disciplines et niveaux confondus, précise que l’utilisation des nouvelles technologies permet, dans le cadre de la classe inversée, de rendre plus humain le temps scolaire en favorisant les interactions aussi bien entre le professeur et les élèves qu’entre les apprenants eux-mêmes3 . Un des objectifs de cette méthode est de créer chez l’apprenant un conflit sociocognitif, c’est-à-dire de générer un questionnement relatif à l’enseignement concerné et à l’objectif poursuivi. Ce questionnement doit se résoudre en classe par l’expérimentation, la collaboration avec les pairs et l’aiguillage du professeur. L’utilisation des TIC est primordiale dans cette approche. Les nombreuses capsules pédagogiques, les questionnaires en lignes, les « serious games » ainsi que l’accès facilité par les agrégateurs comme Padlet, permettent de créer et de regrouper toutes formes de ressources numériques. Organiser du contenu pour une séquence pédagogique et en donner l’accès illimité aux apprenants leur permet d’assimiler à leur rythme les notions, de pratiquer les exercices autant que nécessaire. Selon Marcel Lebrun et Julie Lecoq, Les classes inversées et leurs supports technologiques peuvent contribuer au décloisonnement et à certaines formes de systémique entre le « hors la classe » (la société au sens large) et le « dans la classe » en redonnant à cette dernière son potentiel d’activité et d’interactivité . C’est ce potentiel d’activité et d’interactivité qui me semble être capital en ce qui concerne l’éducation musicale et qui m’a conduit à vouloir tester la pédagogie inversée. Cependant, cette innovation pédagogique, comme souvent, fait l’objet de nombreuses critiques, dont les plus virulentes peuvent s’apparenter à un repli réactionnaire et conservateur. C’est le cas de Jean-Paul Brighelli, enseignant et essayiste français, qui, dans un article publié par Le Point, affirme, après une seule tentative, que, selon son expérience, la classe inversée « ne marche pas ». Il va même plus loin quand il déclare : « Je ferai du frontal tant que je n’aurai pas face à moi des gens capables de soutenir la conversation – et ce jour n’arrivera pas, ou très exceptionnellement, non parce que je suis très bon, mais parce qu’ils sont encore balbutiants – par définition6 . » Je suis personnellement plus optimiste et je considère, en tout cas dans le cadre d’un enseignement qui pousse à la créativité, que chaque élève peut avoir des choses intéressantes à partager et que le changement de posture évoqué plus haut peut y contribuer de façon positive. Toutefois, d’un point de vue plus scientifique et moins virulent, Steve Bissonnette et Clermont Gauthier se veulent prudents quant à l’euphorie autour de cette pédagogie inversée. D’après ces deux chercheurs, il est trop tôt pour juger de l’efficacité de la pédagogie inversée : Les données probantes associées à la classe inversée sont nettement insuffisantes pour en recommander l’utilisation, particulièrement dans les classes des écoles primaires et   secondaires pour lesquelles nous ne disposons actuellement d’aucun résultat de recherche . Une des critiques souvent évoquées autour des classes inversées est celui de limiter la démarche à une capsule vidéo résumant le cours et à des exercices guidés en classe, minimisant l’utilité de l’enseignant à l’aide au devoir. Pour éviter ce travers, j’ai décidé de combiner à ma séquence la pédagogie de projet. Selon Philippe Perrenoud, la pédagogie de projet est une « entreprise collective gérée par le groupe classe qui débouche sur une réalisation concrète8 ». Pour moi, il s’agit de donner aux élèves un objectif à atteindre avec des critères de réussite les plus clairs possible, ainsi que tous les outils nécessaires pour pouvoir y arriver. Reste à leur charge le travail de recherche, de compilation et de mise en forme, en autonomie et en collaboration avec les pairs. Au-delà de l’effet de mode, je considère que la pédagogie inversée offre une synthèse opérationnelle de plusieurs courants pédagogiques et de travaux scientifiques autour de l’apprentissage, ce que suggère aussi Marcel Lebrun : « les classes inversées constituent une stratégie (ou une métaméthode) dans laquelle différentes méthodes peuvent se côtoyer ou se renforcer 9 ». En outre, cette pédagogie oblige à une remise en cause de la posture de l’enseignant par rapport au savoir et aux apprenants, tout en forçant à joindre l’action à l’intention pédagogique. En effet, selon Jean Houssaye, malgré l’unanime ralliement de la profession enseignante aux valeurs humanistes, les pratiques observées sont très hétérogènes, étant même parfois en opposition flagrante avec ces dites valeurs . Les valeurs d’égalité des chances et de meilleure éducation pour tous passent nécessairement par un changement de paradigme pédagogique qui doit rompre avec le schéma traditionnel de l’éducation en France, historiquement basé sur une transmission descendante, ex-cathedra. Ce constat est aussi celui de Britt-Mari Barth, professeure émérite à l’Institut supérieur de pédagogie de l’Institut catholique de Paris, qui préconise de recentrer la pédagogie autour de la construction du savoir plutôt que sur sa transmission : L’école est le lieu où, par excellence, on se trouve en présence du savoir en construction, il devrait être le centre d’intérêt. Mais c’est plutôt le contraire qui se produit : il est « noyé par un aspect dominant de son contexte », le savoir déjà construit, celui de manuels et des enseignants. Est-ce que le fait de changer les métaphores de l’éducation pourrait  contribuer à changer cet état de fait ? Par exemple, remplacer la métaphore « transmission », processus unilatéral, par celle de la « transaction » qui, elle, est bilatérale ?  Bien sûr, les mentalités et les pratiques ont évolués et le maître sur son estrade abreuvant de connaissances des élèves passifs n’est plus une fatalité, mais se munir de gardefous pour éviter de tomber dans de vieilles habitudes, ne me semble pas être une idée saugrenue. Pour aller plus loin dans la compréhension de la classe inversée, Marcel Lebrun propose une typologie en trois dimensions de cette pédagogie. Il précise que celles-ci sont interdépendantes et complémentaires : Les différents types : on y retrouve le Type 1 celui de la classe inversée proposée initialement (de manière très caricaturale, les leçons à la maison, les devoirs en classe) et le Type 2 dans lequel les activités à distance sont effectuées par les élèves eux-mêmes, de manière autonome ou en groupe, en prélude à l’activité en classe. La représentation suggère que ces deux types sont fortement prototypiques (quelque peu extrêmes), LES classes inversées les réunissant dans des proportions diverses. Nous désignerons ce mélange par l’étiquette Type 3 dans lequel les deux précédents types en constituent à la fois les ingrédients et les dimensions.

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CONTEXTE PROFESSIONNEL ET MÉTHODOLOGIE

 Je suis en poste dans le collège Émile Zola de Choisy-le-Roi dans l’académie de Créteil, établissement classé REP. S’agissant de mon année de stage, j’ai une charge horaire hebdomadaire de neuf heures réparties sur les quatre niveaux dont : une classe de 5e et de 3e , trois classes de 6e et quatre classes de 4e . Ce dernier niveau est celui qui me pose le plus de difficultés en termes de gestion de classe, car plusieurs élèves dans chaque classe de quatrième ne parviennent pas à se conformer au cadre scolaire et perturbent régulièrement les cours. Autour d’une séquence sur la musique et l’engagement que j’ai testé au format classique, c’est-à-dire sans externaliser une partie du cours en ligne, avec une classe de troisième durant la période précédente, j’ai décidé d’expérimenter la classe inversée avec deux classes de 4e et avoir les deux autres en classes témoin. Chaque binôme-classe a été choisi afin d’équilibrer les niveaux. Bien qu’il s’agisse d’un point de vue subjectif, au-delà des moyennes générales des dites classes, j’ai pris en compte le degré d’investissement que j’ai pu constater jusque-là, afin de placer dans chaque groupe une classe perçue comme « motivée » et une classe perçue comme « difficile ». 

 Présentation de la séquence

 Le projet musical commun aux quatre classes est basé sur le morceau Au nom de mes pères de Davy Sicard et spécifiquement sur la partie slammée. Il s’agit, au-delà de l’apprentissage de la partie chantée, conforme à la version originale, de créer, en petits groupes, des slams autour d’une thématique de l’engagement choisie par les apprenants euxmêmes. Axé autour de l’appréhension des différents modes d’émission dans un but expressif et de mise en valeur du texte, le propos de ce projet musical est de permettre aux élèves d’explorer des dimensions de leur propre voix aussi bien au sens littéral et physionomique qu’au sens figuré dans l’aspect symbolique de leur création d’un texte engagé. Les deux classes participant au dispositif « classe inversée » doivent préparer une présentation, via le logiciel en ligne Prezi, de la thématique choisie : historique, artistique, politique… par le groupe et créer un slam. Une séance en salle informatique est prévue pour finaliser ce projet.

Table des matières

1. INTRODUCTION
2. CADRE THEORIQUE
3. CONTEXTE PROFESSIONNEL ET MÉTHODOLOGIE
3.1. Présentation de la séquence
3.2. Méthodologie
4. EXPERIMENTATION DE TERRAIN
5. RESULTATS
5.1. Évaluation
5.2. Réception du format classe inversée
6. CONCLUSION
7. Annexe
8. Bibliographie
8.1. Ouvrages
8.2. Pages sur internet
8.3. Sites et vidéos en ligne

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