La Chine au sein du système onusien en 2020
La Chine à l’ONU : d’une position de retrait à la réforme du système de gouvernance mondiale
Retracer l’histoire de la Chine à l’ONU c’est faire le constat d’un intérêt croissant chinois pour ce système (A), qui apparait en adéquation avec les concepts fondamentaux de la politique étrangère chinoise et sa stratégie (B), dont l’un des éléments clés est la réforme du système de gouvernance mondiale, à commencer par l’ONU (C). A) L’histoire de la Chine à l’ONU Depuis 1971, on distingue trois phases dans l’attitude chinoise au sein de l’ONU qui vont dans le sens d’un engagement croissant. Cette périodisation s’appuie sur plusieurs indicateurs : le comportement des délégations chinoises à l’ONU, l’utilisation du droit de véto chinois au conseil de sécurité, le soutien et la participation à des opérations de maintien de la paix (OMP) et la force d’initiative de la Chine au sein des différentes agences de l’ONU. La première période (1971-1990) est celle du « profil bas » 18 où la Chine cherche avant tout à faire en sorte d’être unanimement reconnue comme seule Chine, alors que la République de Chine est encore reconnue par 68 pays en 197119. Cette attitude réservée se comprend au regard de la situation générale de la Chine en 1971. En effet, replacée dans son contexte, la question de l’appartenance à l’ONU n’est pas la priorité de la Chine. Sur le plan interne, le pays doit rattraper le fiasco de la révolution culturelle, alors que l’année 1971 est marquée par l’agitation de l’affaire Lin Biao. Quant au plan extérieur, le schisme sino-soviétique est à son comble au lendemain de l’écrasement du Printemps de Prague (1968) et la Chine doit se repositionner. Ainsi, « les préoccupations du moment font perdre à la résolution son caractère d’événement majeur. La revendication de l’adhésion, exprimée dans un passé déjà lointain, (…) a naturellement perdu de son relief. Tout se passe comme si le temps et les tensions de la scène intérieure, de même que les refus répétés de l’admission à l’ONU, en avaient émoussé l’intérêt » 20 comme l’explique Michel Hammer, docteur à l’Institut des Hautes Etudes internationales de Genève et spécialiste de la politique étrangère de la Chine dans les années 18 Expression fréquemment empruntée à la célèbre stratégie de Deng Xiaoping des « 24 caractères » (24 字 战略) énoncée en 1990, en réaction à l’effondrement du bloc soviétique et l’opposition globale à laquelle la Chine a dû faire face au lendemain des événements de la place Tian An Men. La stratégie est la suivante : « observer calmement, stabiliser sa position, faire face dignement, cacher ses talents, attendre son heure et faire profil bas (ou ne jamais prendre le leadership) » (冷静观察,稳住阵脚,沉着应付,韬光养晦,善 于守拙,决不当头 Lěngjìng guānchá, wěn zhù zhènjiǎo, chénzhuó yìngfù, tāoguāngyǎnghuì, shànyú shǒu zhuō, jué bù dāngtóu) LANGLOIS. « La stratégie des vingt-quatre caractères (1991) », . De ce fait, la Chine a adopté une position de retrait et d’observateur, n’agissant que lorsque ses intérêts nationaux étaient directement en jeu. Les propos de Zhou Enlai, avant le départ de la première délégation chinoise à l’ONU en octobre 1971, soulignent le manque de connaissances vis-à-vis du fonctionnement de l’ONU et, en conséquence, toute la prudence dont la Chine devra faire preuve21. Samuel Kim compare l’attitude de la Chine à l’ONU à celle d’un « apprenti diligent » 22 : les délégués chinois à l’ONU observent les débats sans jamais trop y participer, « recherchent des informations, posent des questions et sollicitent des conseils » 23 afin de se familiariser au fonctionnement des Nations-Unies. La participation de la Chine à l’ONU était donc plus symbolique que substantive. La Chine n’était pas proactive, au contraire, son action se faisait en réaction à d’autres événements qui concernaient ses intérêts24. La Chine a commencé par se mettre en retrait du Conseil de sécurité, évitant autant que possible la confrontation avec l’Occident25. Elle préfère alors s’abstenir et n’use de son droit de véto qu’à une seule reprise sur la période 1971-198926 pour s’opposer à l’adhésion du Bangladesh, arguant que des troupes indiennes étaient toujours stationnées dans le pays27. De plus, la Chine n’a été à l’initiative d’un seul projet de résolution visant à adopter le chinois (mandarin) comme langue de travail de l’Assemblée générale 28 . Durant cette période, Pékin s’est également appliquée à rejoindre plusieurs dizaines d’organisations du système onusien entre 1971 à 197829. Enfin, la position défensive de la Chine s’est également manifestée à travers son opposition aux opérations de maintien de la paix, visant à préserver le concept de souveraineté absolue. Ainsi, Juliette Genevaz, chercheuse à l’IRSEM, observe qu’entre 1971 et 1981, « la Chine s’est systématiquement abstenue de participer aux votes des OMP et a refusé toute contribution 21 ZHANG, Y. China in International Society Since 1949: Alienation and Beyond. Springer. 1998. 354 p. 22 KIM, Samuel S. China, the United Nations and World Order. Princeton University Press. 2015. 609 p. 23 ibid. 24 ZHANG, Y. China in International Society Since 1949: Alienation and Beyond. A titre non exhaustif, la Chine a rejoint : la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, le Programme des Nations Unies pour l’environnement, la Commission des droits de l’homme et la Commission de la condition de la femme, l’Organisation internationale du travail, l’Organisation mondiale de la santé, l’Union postale universelle, l’Union internationale des télécommunications, l’Organisation météorologique mondiale, l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’Organisation maritime internationale, l’Organisation internationale des télécommunications par satellite, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, le Comité olympique international, l’Organisation internationale de normalisation. JIAN, Gao. « Les relations entre la Chine et les organisations internationales : état actuel et perspectives d’avenir », Les Cahiers de droit. financière à ce programme » 30 . En 1981, la Chine vote pour la première fois en faveur d’une OMP : la force des Nations Unis pour le maintien de la paix à Chypre (UNFICY), mais elle n’y participe pas. De 1981 à 1988, la Chine n’apporte qu’un soutien limité aux OMP. A partir de 1989, l’attitude de la Chine au sein de l’ONU change. Forte de son expérience, la Chine décide de s’investir davantage au sein de l’ONU tout en restant pacifique : c’est le début de l’« ascension pacifique » (和平崛起 Hépíng juéqǐ 1989-2010). Ceci s’explique d’abord car certaines préoccupations chinoises ont disparu : la RPC est désormais reconnue par plus de 134 pays, contre 23 pour la République de Chine. De plus, la situation intérieure est stabilisée et, malgré les événements de la place Tian An Men, le pays est sur la voie du développement économique. Sous Jiang Zemin (1993-2003), la politique étrangère chinoise vise la « stabilisation de l’Asie » et l’ONU sert de cadre à cet objectif puisque la Chine accepte de s’investir dans des OMP en Asie. A ce titre, la Chine envoie des contingents participer aux missions onusiennes au Cambodge (APRONUC 1991-1993)32 et au Timor oriental (ATNUTO 2000-2006)33. Cependant, les contingents chinois restent entièrement composés d’ingénieurs, de médecins ou d’observateurs militaires et il faudra attendre 2013 pour que l’APL envoie des troupes militaires stricto sensu à l’étranger, ce qui démontre toute la prudence dont la Chine fait encore preuve. Sur cette période, la Chine fait également encore peu usage de son véto : sur trente ans, elle ne l’utilise que trois fois. Les deux premières fois, la Chine s’oppose à des OMP au Guatemala en 1997 et en Macédoine en 1999 en représailles de la sympathie des deux pays à l’égard de Taiwan. Un véto qu’elle ne lèvera, dans le cas du Guatemala, qu’après avoir obtenu du gouvernement guatémaltèque des excuses écrites et l’engagement de ne plus soutenir l’accession de Taiwan. Le troisième véto, en 2008, concerne les sanctions contre le Zimbabwe et le régime de Robert Mugabe, acte justifié principalement par la proximité que le régime chinois entretient avec le dirigeant. Avant son départ, Jiang Zemin lance également le début de la stratégie de « mondialisation » (« going out strategy » 走出去战略 zǒu chūqù zhànlüè) qui se traduira par un engagement effectivement croissant dans les organisations internationales. Puis, sous Hu Jintao (2003-2013), on observe une Chine proactive : en témoigne la participation croissante du pays au OMP qui se fait principalement sous son mandat. La Chine envoie un nombre croissant de casques bleus et participe à une part croissante au budget des OMP, comme le graphique ci-dessous en témoigne. 30 GENEVAZ, Juliette. « La Chine et les opérations de maintien de la paix de l’ONU : défendre la souveraineté », Politique étrangère. L’Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge (APRONUC) Figure 1 – Contribution aux contingents des casques bleus des cinq pays membres permanents du conseil de sécurité (2000-2020) Source : « Is China contributing to the United Nations’ mission? », Blog ChinaPower Project. 2016. En ligne : https://chinapower.csis.org/china-un-mission/ [consulté le 14 juillet 2020]. Figure 2 – Contribution au budget réguliers des Nations-Unies (2000-2019) Source : « Is China contributing to the United Nations’mission? », Blog ChinaPower Project. 2016. En ligne : https://chinapower.csis.org/china-un-mission/ [consulté le 14 juillet 2020]. Au début du mandat de Hu Jintao en 2003, la Chine dispose seulement de 113 hommes à l’étranger et représente 1,5% du budget de l’ONU (avec 20 millions de dollars). A la fin de son mandat en 2013, la Chine a déployé plus de 1900 hommes à l’étranger et a multiplié par trois sa part au budget de l’ONU, représentant 3,2% avec une contribution de 82 millions de dollars. Ces trente années ont permis à la Chine de s’affirmer au sein de l’ONU et représentent l’élan nécessaire dont l’ambitieuse politique de Xi Jinping à l’ONU avait besoin. En effet, l’arrivée de Xi Jinping marque l’entrée dans une nouvelle période où, après avoir appris et joué les règles des Nations-unies, la Chine ne veut plus occuper le simple rôle de participant et décide de prendre de plus en plus d’initiatives. Genevaz parle d’une « consolidation de l’engagement » sous Xi Jinping. Sur l’élan de Hu Jintao et de la croissance économique, le pays voit sa participation au budget de l’ONU continuer de croitre devenant le deuxième contributeur au budget régulier de l’ONU en 2019, représentant 12% des contributions avec 334 millions de dollars. C’est également sous Xi Jinping que le contingent chinois au sein des casques bleus atteint un pic en 2016 avec plus de 3 000 hommes à l’étranger (voire figure 1 et 3). Genevaz parle d’« un tournant majeur (…) avec la transformation de la participation de l’APL en un engagement pleinement militaire et non plus seulement logistique » avec l’envoi pour la première fois de militaires et non de logisticiens en 2013. Evidemment, l’investissement croissant de la Chine au sein des OMP est stratégique : la grande majorité de ces opérations se trouvent en Afrique, continent dont la stabilité est une priorité pour la Chine qui y a de nombreux intérêts économiques. Ainsi, c’est au Sud-Soudan, où la Chine a investi dans le pétrole et importe près de 30 000 barils par jour, que son engagement en matière de maintien de la paix est le plus important, avec un bataillon d’infanterie de 1000 hommes 35 . De plus, pour Pékin, les OMP sont un moyen de remplir ses objectifs de « multilatéralisme » et d’apparaitre enfin comme une « puissance responsable » (负责任国家 fuzeren guojia), contribuant à la paix et à la sécurité internationale. Cette notion, héritée de l’ère Deng Xiaoping, fait partie de la stratégie de soft power chinois qui vise à offrir au monde une image de la Chine « plus acceptable, plus raisonnable et responsable (…) afin de montrer que son émergence représente une opportunité et non une menace pour le monde »36 comme le démontre un article de l’IRSEM. Cette rhétorique, remise en avant dans les années 2000, est désormais un incontournable des discours de Xi. Un autre indicateur du changement d’attitude de la Chine à l’ONU est l’utilisation désormais plus affirmée de son droit de véto au Conseil de sécurité, que la Chine a utilisé à plus de dix reprises sur les treize dernières années, comme représentés par la figure 4 et les annexes 4 et 5. « Is China contributing to the United Nations’ mission? », Blog ChinaPower Project. 2016. En ligne : https://chinapower.csis.org/china-un-mission/ [consulté le 14 juillet 2020]. 36 ROBERT, Magali. Puissance Chine La stratégie d’affirmation internationale chinoise. 14 Figure 3 – Contingent des cinq membres permanents du conseil de sécurité à l’ONU en 2018 Source : LANTEIGNE, Marc. The Role of U.N. Peacekeeping in China’s Expanding Strategic Interests. United States Institute of Peace. Figure 4 – Utilisation du véto par les membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU depuis 1970 Source: Security Council – Veto List. En ligne : https://www.un.org/Depts/dhl/resguide/scact_veto_table_en.htm Ainsi, sur les cinquante dernières années, la Chine est devenue plus active et plus visible au sein de l’ONU37 . Comme tous les autres pays, la Chine s’investit dans un système proche de ses intérêts. Désormais, la Chine souhaite davantage jouer un rôle de leadership au sein des Nations unies afin de peser sur l’organisation et de s’en servir pour avancer ses propres stratégies de politique étrangère, dont l’objectif premier en tout temps a été la sauvegarde de sa souveraineté nationale et de son intégrité territoriale. B) L’incontournable de l’action chinoise à l’ONU : la promotion du principe de souveraineté nationale L’une des priorités de la politique étrangère de la Chine a été et reste encore aujourd’hui la protection de sa souveraineté nationale. Pour rappel, « le respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la souveraineté » est le premier des cinq principes de coexistence pacifique, énoncé par l’accord de Panchsheel entre l’Inde et la Chine en avril 1954 qui est indéniablement le « fondement officiel de la politique étrangère chinoise » selon Jean-Pierre Cabestan38. Pour Ann Kent, l’attachement de la Chine à la notion de souveraineté s’expliquerait par son histoire : la Chine n’oublie pas qu’elle a été victime des puissances impérialistes39. De ce fait, sa politique étrangère est fortement orientée à préserver l’intégrité de son territoire. Or, la souveraineté est également un concept central de la Charte des Nations unies, d’où l’attachement de la Chine à la Charte qui compte bien, plus que n’importe quel autre pays, la faire respecter. La Chine met ainsi l’accent dans ses discours sur les paragraphes 4 et 7 de l’article 2 de la Charte qui insistent sur la souveraineté des Etats 40 : l’article 4 exige que « les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies » 41 et l’article 7 précise qu’ « aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ni n’oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte » . Il s’agit ici des articles les plus mobilisés par la Chine, qui tente également d’en influencer l’interprétation. Tout d’abord, la Chine sacralise le principe de souveraineté dans les rapports d’Etat à Etat et empêche d’autres notions de s’élever au-delà de ce principe. C’est notamment le cas pour le droit des peuples à disposer d’eux même, inscrit à l’article 1 paragraphe 2 de la Charte des Nations-Unies43, ou de la « responsabilité de protéger », que le droit humanitaire a fait émerger en 2005. La Chine soutient partiellement ces principes dans l’optique de contrôler leur émergence qui apparait inévitable tout en limitant leur ascension. Ainsi, pour la responsabilité de protéger, la Chine est successivement passée d’une d’opposition forte (2000-2005), à la tolérance (2005-2009) et au soutien partiel depuis 200944, de sorte qu’elle s’oppose aujourd’hui 38 CABESTAN, Jean-Pierre. « Chapitre 2 / L’évolution de la politique étrangère chinoise depuis 2000. De la recherche de l’harmonie à l’affirmation de puissance », References. 2015, 2e éd. p. 67-118. 39 KENT, Ann. « China’s participation in international organisations » in Yongjin ZHANG et Greg AUSTIN (eds.). Power and Responsibility in Chinese Foreign Policy. ANU Press. 2013, p. 132-166. 40 Ibid. 41 Chapitre I. 2015. En ligne : https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-i/index.html 42 Ibid. 43 Qu’est-ce que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? | Vie publique.fr 44 « China and the Responsibility to Protect: From Opposition to Advocacy », United States Institute of Peace. 16 au troisième et dernier pilier de ce principe, bloquant de ce fait toute application concrète de la responsabilité de protéger lorsque celle-ci remet en cause la souveraineté d’un Etat. Les deux premiers piliers instaurent respectivement la responsabilité de chaque Etat de protéger ses populations et le devoir de la communauté internationale d’aider les Etats à protéger ses populations. La Chine a fait usage de ces deux piliers pour soutenir plusieurs pays d’Afrique, comme la Côte d’Ivoire ou le Soudan du Sud45. Cependant, pour ce qui est du troisième pilier qui avance que si un Etat échoue à la protection de ses populations, alors la communauté internationale peut mener en temps voulu une action collective pour assurer la protection des populations concernées, sa mise en œuvre n’a jamais été possible, bloquée par les vétos russes et chinois, comme ce fut le cas pour le Venezuela en février 201946. Dès lors, le concept de responsabilité de protéger a perdu une partie de son potentiel et malgré son apparente adoption, de nombreux Etats contournent ce principe, au grand regret de ses promoteurs. Une fois toute potentielle concurrence au principe de souveraineté écartée, la Chine en fait la promotion : la souveraineté est ainsi devenue un incontournable de ses discours à l’ONU. En témoigne les multiples prises de parole de Xi Jinping à Genève, où il affirme systématiquement que « le principe de l’égalité souveraine est intrinsèque à la Charte des Nations unies. (…) Cela ne signifie pas seulement que la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays sont inviolables ou que leurs affaires intérieures ne sont pas soumises à l’ingérence. Cela signifie également que les pays sont libres de choisir leurs systèmes sociaux et leur voie de développement de manière indépendante »47. L’implication de la Chine à l’ONU est donc un moyen de protéger le concept de souveraineté et le principe de non-ingérence qui en découle. Mais la Chine ne s’arrête pas là, elle veut également faire la promotion de sa vision extensive de la souveraineté nationale. C’est ce à quoi s’attache à démontrer Juliette Genevaz. D’après elle, l’implication croissante de la Chine dans les OMP n’est pas en opposition avec la défense du principe de souveraineté, au contraire. « La politique de maintien de la paix de l’ONU a permis à la Chine de promouvoir le principe fondamental du gouvernement du PCC : l’inviolabilité de la souveraineté nationale. » 48. La Chine s’est impliquée dans les OMP à la seule condition du consentement des parties, principe instauré par Dag Harmmarskjöld, secrétaire général de l’ONU de 1953 à 1961. Il est arrivé que la Chine soutienne des OMP sans accord des parties, notamment en Somalie, étant donné qu’aucune institution n’étant en mesure 45 Ibid. 46 Russian, US resolutions on Venezuela crisis both defeated at UN. 2019. de prétendre être un Etat. Néanmoins, si l’intervention ne s’est pas faite avec l’accord d’un Etat, elle ne mettait pas non plus d’Etat en cause49. De même, lorsque la notion de responsabilité de protéger a émergé au sein du système onusien, la Chine « a participé aux délibérations et a mis en avant la coopération avec l’Etat victime de violence pour l’application de ce concept de droit humanitaire » 50. Genevaz conclut que la défense du principe de souveraineté se traduit dans les participations chinoises aux débats internationaux déterminant les normes d’intervention multilatérale. « En soutenant l’évolution des OMP vers des opérations à fonction politique visant à consolider des États fragilisés, la Chine promeut le principe fondamental de sa politique étrangère : la défense des États, plutôt que celle des hommes. ». Ann Kent dresse le même constat : la Chine s’est montrée très active au sein des comités de rédaction, tend à rendre la souveraineté inviolable et faire des États les seuls acteurs légitimes de la scène internationale. Ainsi, le rôle croissant de la Chine à l’ONU s’accompagne d’une stratégie de promotion des concepts chers à la politique étrangère chinoise à commencer par la souveraineté nationale. Grâce à cela, la Chine exerce déjà une certaine influence sur le système onusien, en privilégiant le concept de souveraineté face aux nouveaux concepts émergents. Outre la priorité donnée à la défense de ce principe, la Chine a une stratégie bien définie à l’ONU et cherche aujourd’hui à réformer son système afin de le redéfinir dans un sens qui lui conviendra davantage.
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