La boue rouge : caractéristiques et disposition

La boue rouge est le résidu de la bauxite obtenu dans le procédé Bayer après l’étape de décantation de la pulpe d’extraction contenant l’aluminate de sodium solubilisé dans l’étape de digestion. L’entreposage de la boue rouge est un enjeu capital pour les usines de production d’alumine, car elles produisent de larges quantités de résidus dont elles doivent disposer. Le présent chapitre présente les caractéristiques chimiques et physiques de la boue rouge ainsi que les différentes méthodes d’entreposage de ce résidu.

CARACTÉRISTIQUES DE LA BOUE ROUGE

Comme la boue rouge doit être manipulée et disposée de façon sécuritaire et respectueuse de l’environnement, il est important de bien connaître la nature et les caractéristiques du produit qui est manipulé. Les propriétés de la boue rouge, comme sa composition chimique, son alcalinité, sa radioactivité, sa granulométrie et sa densité sont présentées dans cette section.

La composition chimique de la boue rouge

La phase solide de la boue rouge est composée principalement d’oxydes de fer, de titane, de silice et d’aluminium non-dissous. Une grande variété d’oxydes sous forme de traces comme les oxydes d’arsenic, de béryllium, de cadmium, de chrome, de cuivre, de gallium, de plomb, de manganèse, de mercure, de nickel, de potassium, de thorium, d’uranium, de vanadium et de zinc, peut être retrouvée dépendamment de la température d’extraction. C’est l’oxyde de fer (41%) (Klauber 2011) qui donne sa couleur rouge au résidu de bauxite. La composition chimique de la boue rouge peut varier énormément dépendamment de la provenance de la bauxite d’origine. Notamment, les bauxites n’ont pas toutes la même teneur en alumine. La concentration en oxydes et hydroxydes d’alumine peut variés entre 30 et 65% d’une bauxite à l’autre. Une bauxite considérée de haute qualité contient 50% d’alumine disponible. Les bauxites de faible qualité en contiennent moins de 40% et ont une quantité relativement élevée de matières organiques. Considérant que la gibbsite pure (Al(OH)3) contient 65,4% d’alumine disponible, les bauxites contenant 60% d’alumine disponible sont considérées de très grande qualité (Hind et al. 1999). Plus la qualité de la bauxite est élevée, moins il y aura de résidus de bauxite générés par tonne d’alumine produite.

On retrouve aussi dans la boue rouge du phosphore, du soufre et une grande variété de composés organiques provenant des végétaux et de la matière organique du sol. Parmi ces composés organiques, il y a des hydrates de carbone, des alcools, des phénols, des sels polybasiques ainsi que des acides humiques, fulviques,  succiniques, acétiques et oxaliques.

Une bauxite avec une haute teneur en molécules organiques (0,15-0,3 %p/p) peut créer un problème de contamination au cours du procédé Bayer puisqu’une partie des molécules organiques est solubilisée dans la liqueur Bayer et peut co-précipiter avec l’hydrate d’alumine au lieu d’être évacuée dans la boue rouge à l’étape de décantation (Hind et al. 1999). La boue rouge contient aussi de l’hydroxyde de sodium résiduel provenant de la digestion et n’ayant pas été récupéré à l’étape de décantation et dans le cycle de lavage. Le sodium est le seul élément qui n’est pas intrinsèque à la bauxite, mais qui est ajouté au cours de l’étape de digestion. En plus de l’hydroxyde de sodium, le seul composé inorganique qui est ajouté durant le procédé Bayer est la chaux (CaO).

L’alcalinité de la boue rouge

La boue rouge est fortement alcaline, car dans le procédé Bayer, les minéraux contenant l’élément d’aluminium (gibbsite, boehmite, etc) sont solubilisés par un solvant fortement alcalin, l’hydroxyde de sodium. Les autres minéraux restent en grande partie insolubles et composent la phase solide de la pulpe. La majeure partie de la liqueur contenant l’aluminate dissout est extraite de la pulpe par décantation. Ensuite, la boue rouge est lavée. L’étape de décantation ne permet pas une extraction complète et il reste toujours un pourcentage important (75 à 50% v/v) de liqueur dans la boue. Suite aux étapes de lavage, la concentration caustique de la liqueur contenue dans la boue rouge est diluée d’un facteur 10 par rapport à la liqueur mère (Power et al. 2011). Elle demeure toutefois à un pH élevé. Le pH de la liqueur contenue dans la boue rouge se situe entre 9,2-12,8 avec une valeur moyenne de 11,3 ± 1 (Gräfe 2011). Les anions dans la phase liquide de la boue rouge augmentant son alcalinité sont OH- , CO32-/HCO3-, Al(OH)4-/Al(OH)3(aq), et H2SiO42-/H3SiO4-. Un enjeu environnemental consiste à diminuer la concentration caustique avant de disposer la boue rouge dans les sites de disposition. En moyenne, lorsque la boue est disposée, elle contient moins de 5 g/L de Na2O (Arslan et al. 2015).

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La radioactivité

La bauxite contient de très bas niveaux (mg/kg) d’isotopes radioactifs naturels dus à la présence d’uranium (²³⁸U) et de thorium (²³²Th) dans la majorité des sols minéraux (European Aluminium 2013). Au cours du procédé Bayer, ces isotopes restent à l’état solide et se retrouvent ensuite dans la boue rouge. Celle-ci est donc plus concentrée en éléments radioactifs que la bauxite de départ. Le niveau de ²³⁸U se situe entre 0,08-0,66 Bq/g et celui de ²³²Th entre 0,03-0,76 Bq/g. Ces niveaux de radioactivité pour la période d’exposition des travailleurs ne dépassent pas 1 mSv/an, qui est la norme pour la population civile au Canada (Groupe de travail canadien sur les MRN 2011).

La granulométrie

La granulométrie des particules solides de la boue rouge s’étend de 1 mm pour les grosses particules sableuses jusqu’à quelques microns seulement pour les particules les plus fines. De plus, la granulométrie des particules peut être très différente d’une usine de production d’alumine à l’autre, puisque certaines usines retirent les particules de sable. C’est le cas dans le présent projet de doctorat. La boue rouge utilisée a subi une étape de dessablage et est donc constituée majoritairement de particules fines. La faible granulométrie des particules de boue rouge la classe dans la catégorie des argiles et des sables fins. La taille moyenne des particules peut varier de 2 à 100 μm, avec une distribution de tailles allant de 0.1 μm à 200 μm (Gräfe 2011). Par contre, typiquement, plus de 80% des particules ont une taille inférieure à 10 μm (European Aluminium 2015). Pour la boue rouge provenant de l’usine Vaudreuil qui est utilisée dans le présent projet, la valeur du diamètre médian des particules est de 2.7 μm (Boivin 2004) .

Table des matières

CHAPITRE 1 INTRODUCTION
1.1 PROBLÉMATIQUE
1.2 OBJECTIFS
1.3 MÉTHODOLOGIE
1.4. TRAVAUX ANTÉRIEURS
1.4.1 La production de boue à haute siccité
1.4.2 Les presses à vis
1.4.3 La filtration
1.4.3.1 La filtration tangentielle
1.4.3.2 La filtration de la boue rouge
1.4.4 La consolidation
1.4.5 Le transport dans les vis
1.4.5.1 L’augmentation de la pression durant le transport
1.5 ASPECTS ORIGINAUX DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 2: LA BOUE ROUGE : CARACTÉRISTIQUES ET DISPOSITION
2.1 CARACTÉRISTIQUES DE LA BOUE ROUGE
2.1.1 La composition chimique de la boue rouge
2.1.2 L’alcalinité de la boue rouge
2.1.3 La radioactivité
2.1.4 La granulométrie
2.1.5 La densité
2.2 UTILISATION ET DISPOSITION DE LA BOUE ROUGE
2.2.1 Le volume de résidus produits
2.2.2 La réutilisation de la boue rouge
2.2.3 Les types de disposition
2.2.3.1 Le déchargement dans la mer/rivière
2.2.3.2 Le lagunage
2.2.3.3 L’empilement sec «Dry stacking»
CHAPITRE 3: RHÉOLOGIE DE LA BOUE ROUGE
3.1 CLASSIFICATION DES FLUIDES PARTICULAIRES
3.2 RHÉOLOGIE DES FLUIDES PARTICULAIRES À L’ÉTAT DE SUSPENSION
3.2.1 La déformation et la vitesse de cisaillement
3.2.2 La viscosité
3.2.3 Le comportement rhéologique des fluides particulaires
3.2.3.1 Le comportement indépendant du temps
3.2.4 La compressibilité des fluides particulaires
3.2.4.1 Le point de gel
3.2.4.2 Le seuil de cisaillement en compression
3.3 RHÉOLOGIE DES FLUIDES PARTICULAIRES À L’ÉTAT DE PÂTE
3.4 RHÉOLOGIE DES FLUIDES PARTICULAIRES À L’ÉTAT DE GÂTEAU
3.4.1 La résistance au cisaillement des sols
3.4.1.1 Les contraintes normales sur un plan de cisaillement
3.4.1.2. Les contraintes à la rupture
3.4.1.3. La résistance au cisaillement non drainé
3.4.1.4 Le coefficient de frottement
CHAPITRE 4: SÉPARATION SOLIDE-LIQUIDE ET FILTRATION SOUS PRESSION
4.1 MÉTHODES DE SÉPARATION SOLIDE-LIQUIDE
4.1.1 La sédimentation
4.1.2 La décantation
4.1.3 La centrifugation
4.1.3.1 Les hydrocyclones
4.1.3.2 Les centrifugeuses
4.2 FILTRATION
4.2.1 La filtration tangentielle
4.2.1.1 La filtration à lit profond
4.2.1.2 La filtration sur gâteau
4.3 FILTRATION SOUS PRESSION
4.3.1 Les équations de la filtration
4.3.1.1 La loi de Darcy modifiée
4.3.1.2 La filtration radiale
4.3.1.3 Les gâteaux compressibles et incompressibles
4.3.1.4 La filtration à pression constante
4.3.1.4.1 La résistance du gâteau
4.3.1.4.2 La résistance du filtre
4.3.1.5 La filtration à débit constant
4.3.2 Les paramètres influençant le taux de filtration
4.4 ÉQUIPEMENTS DE FILTRATION
4.4.1 Les équipements de filtration sous pression
4.4.1.1 Les filtres presses
4.4.1.2 Les filtres à cuves sous pression
4.4.1.3 Les filtres à cartouches
4.4.1.4 Les filtres à compression
4.4.1.5 Les presses à vis
4.5 FILRATION DE LA BOUE ROUGE DANS L’INDUSTRIE
CHAPITRE 5: CONCLUSION

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