Les caractéristiques des étudiants adultes et les difficultés vécues
Les conditions d’apprentissage des adultes sont différentes de celles des jeunes (MEQ, 2002-1). Quelques études réalisées auprès d’adultes inscrits aux études collégiales et universitaires (Deguire, 1996 ; Hugues, 1983 ; Kerka, 1989 ; Lynch et Chickering, 1984, cités dans Langevin, 1996; Turcotte et al., 1992), démontrent que la clientèle adulte est hétérogène à différents niveaux dont l’âge, la scolarité antérieure et la situation familiale et que ces différences socio-démographiques auraient des incidences sur l’apprentissage. Hugues (1983, cité dans Langevin, 1996) ressort trois caractéristiques des étudiants non traditionnels.’ Selon lui, ils sont responsables d’eux mêmes, ils ont une vie importante à l’extérieur du campus et ont d’autres rôles que celui d’étudiant. Des caractéristiques secondaires sont aussi identifiées : la faible confiance en soi concernant le succès dans les études, l’importance des activités d’apprentissage pratiques (stages), la préférence des méthodes d’évaluation alternatives; la créativité des sujets traités dans les cours [un espace de liberté où l’adulte peut s’exprimer]. Selon nos observations, ces caractéristiques secondaires semblent aussi présentes chez les étudiants adultes du Cégep de I’AbitibiTémiscamingue. Deguire (1996 : 97) mentionne que « un étudiant sur trois dans une classe ou un collège vit une situation inconfortable, il présente des difficultés >>.
Elle indique aussi que les adultes qui participent à un programme subventionné vivent de l’insécurité devant l’intensité de leur programme. De plus, ils constituent souvent des groupes particuliers auquel l’attachement amène un sentiment d’appartenance intense, «c’est l’harmonie ou la guerre >>. Ces deux aspects des groupes inscrits à une AEC s’observent aussi dans notre milieu de travail où les étudiants interrogés lors d’entretiens exploratoires en début de parcours et à mi-parcours ont souvent mentionné ces difficultés. Pinkson (1987, cité dans Langevin, 1996) a examiné, par le biais d’une recension d’écrits, les besoins des étudiants adultes du collégial (25 ans et plus, temps plein ou partiel) et les services pouvant aider à la réussite et au taux de succès qui sont identifiés dans les recherches. Il ressort que les dix plus grands besoins des adultes sont les suivants : exposé oral; mathématiques; lecture rapide; stratégies d’apprentissage; placement; relaxation; connaissance de soi; tests; prise de décisions; localisation de l’emploi près de la maison. Roy (1996) indique quelques-unes des préoccupations particulières des adultes à l’université : le retour aux études après un arrêt plus ou moins prolongé ; la conciliation études- travail- vie familiale (pression très forte à bien performer partout); les contraintes financières particulières; l’intégration parfois difficile dans des classes de jeunes adultes; la vie personnelle hors campus (isolement); l’obligation de réussir (c’est la chance de se sortir d’une situation professionnelle ou personnelle) et le sentiment d’être marginal. Finalement, Ru ph (2002) identifie 10 problèmes vécus par les étudiants universitaires : les problèmes de confiance en soi, de motivation, de stress, d’impulsivité, d’attention et de concentration, de mémoire, de temps et d’organisation, de compréhension, de communication et de résolution de problème. Quoi qu’il en soit, on remarque que les apprenants adultes sont touchés par différentes difficultés. Et comment peut-on leur venir en aide ?
Les difficultés vécues par les étudiants adultes
Plusieurs auteurs semblent faire un lien entre les difficultés vécues par les étudiants et leurs besoins d’encadrement (Roy, 1996; Chénier, 1996; Bruneau, 1997; Michaud et Roy, 1997 ; Bégin, 2001 ). Selon Côté-Brisson (1997), au moment de l’intégration dans un nouveau programme de formation, l’étudiant adulte doit faire face à 4 situations particulières : l’anxiété face à une situation nouvelle, la familiarisation avec son nouvel environnement, la familiarisation avec les règles de fonctionnement et la planification de son projet de formation. Bruneau (1997) propose une typologie des difficultés vécues par les étudiants. Son répertoire relève d’études d’impact effectuées par trois départements de I’UQAM (1994- 1996) sur les activités d’encadrement. Ces études qui se voulaient descriptives visaient à répondre aux trois questions de recherche suivantes : L’encadrement structuré répond-il à des besoins précis? Pour quels types de problèmes ou de difficultés l’étudiant consulte-t-il?
Ces pratiques d’encadrement (tutorat et monitorat) donnent-elles des résultats significatifs? Plusieurs stratégies de collecte de données ont été utilisées : entrevues semi-dirigées avec les tuteurs, les professeurs, les coordonnateurs de cours, les directeurs de département; observation participante discrète de séances de monitorat; questionnaires aux étudiants utilisateurs de ces services; analyse de contenu des projets d’encadrement, des entrevues et de l’examen blanc (fictif) que l’on a passé au département de danse; analyse statistique des résultats des étudiants inscrits aux cours desservis par le programme de monitorat. Trois types de problèmes ont été identifiés par Bruneau (1997) : la formation de base et les préalables qui se réfèrent à la méthodologie de travail de l’étudiant (comprendre un texte spécialisé, rédiger un plan de travail et un texte, effectuer une recherche en bibliothèque) ; le contenu du programme et des cours c’est-à-dire la compréhension du contenu, des exigences et des attentes et évaluation de l’investissement requis ; la gestion du programme d’études, à savoir, la gestion du temps, du stress, le maintien de l’estime de soi et la gestion du cheminement. Ainsi, la première dimension de notre cadre de référence concerne les difficultés vécues par les étudiants. On y distingue quatre catégories de difficultés. La première catégorie est celle comprenant les difficultés liées à l’intégration.
Elles sont de trois ordres : la familiarisation de l’étudiant avec le nouvel environnement qu’est l’établissement collégial et la classe, la familiarisation de l’étudiant avec la structure et les règles de l’institution et l’établissement de relations interpersonnelles. La deuxième catégorie englobe les difficultés liées à la méthodologie de l’étudiant. Elles peuvent concerner la compréhension des textes, la rédaction d’un travail, la recherche en bibliothèque, la prise de notes et la préparation des examens (l’étude). La troisième catégorie contient les difficultés liées au programme et aux cours. On y retrouve le contenu et les exigences du programme d’études, les critères et les exigences des professeurs et l’investissement requis par le programme. Finalement, la quatrième catégorie est celle qui inclut les difficultés liées à la gestion personnelle de l’étudiant : la gestion du temps, la gestion du stress, le maintien de l’estime de soi et la gestion du cheminement font partie de cette catégorie. On peut supposer que les difficultés vécues par les étudiants ne sont pas les mêmes tout au long de leur parcours de formation. Palkiewicz (1997) mentionne que les besoins des étudiants évoluent au fil de leur cheminement académique et qu’il faut considérer le fait qu’il n’existe pas de formule « toute faite >> qui répondrait à l’ensemble des besoins des étudiants. Il faut plutôt miser sur l’interrelation de plusieurs activités, comme le souligne Tinto (1990). De ce fait, on peut ressortir certains moments dans l’encadrement des étudiants.
Les moments de l’encadrement
Quelques auteurs trouvent important de distinguer certains moments de l’encadrement des étudiants. Ainsi, dans un article qui traite du partenariat entre les services aux étudiants et le secteur académique dans l’encadrement des étudiants de l’Université de Sherbrooke, Michaud et Roy (1997) parlent de points d’insertion Il s’agit de moments précis où il apparaît important d’insérer des services d’encadrement Ces moments varient notamment selon le cheminement, la maturation personnelle et le cycle d’études. Les auteurs en dénotent cinq : la préadmission, l’accueil, la fin de la première année (remise en question), la 2′ année d’études dans le programme et la 3′ année (fin d’études). Guindon (1995), mentionne aussi cinq moments dans le cheminement d’un étudiant adulte à l’université. Pour lui, le premier trimestre du programme d’études constitue une période d’adaptation où se retrouvent plusieurs difficultés. D’ailleurs, pour Bégin (2001), le premier trimestre d’études représente souvent une expérience laborieuse pour les adultes. Il distingue 5 phases d’adaptation dans ce premier trimestre : la première semaine de cours, la deuxième semaine de cours, le milieu du trimestre (de la 5′ à la 8′ semaine), la période intermédiaire et la fin du trimestre (les 3 dernières semaines). De son côté, la Fédération des cégeps (1999) distingue trois catégories (moments) de mesures d’encadrement : les mesures de soutien avant l’entrée au collège, les mesures de soutien à l’entrée au collège pour favoriser la transition secondaire-collégial ainsi que les mesures en cours de cheminement Nous croyons important de tenir compte de cette dimension, de connaître les moments et de les mettre en lien avec les autres dimensions.
Ces moments nous apportent des informations importantes pour déterminer les besoins d’encadrement structuré. Palkiewicz (1997) apporte un bon éclairage sur les moments d’encadrement Le but de son article est de présenter certains constats tirés de l’analyse d’un ensemble exhaustif de documents sur l’encadrement des étudiants universitaires de 1″ cycle. Cette documentation comprend plusieurs écrits et comptes rendus d’expériences d’encadrement, de données sur l’abandon des études, sur la persévérance et sur les besoins des étudiants ainsi qu’un relevé des activités d’encadrement mises en place à I’UQAM (relevé réalisé au printemps 1995). Elle distingue deux moments dans l’encadrement des étudiants. Le premier est l’encadrement de l’intégration (ou l’immersion) dans le nouveau milieu scolaire. Il «vise principalement à faciliter cette transition en informant l’étudiant des ressources auxquelles il a accès, en lui donnant une vue globale du processus de formation et en favorisant l’établissement de relations interpersonnelles>> (Palkiewicz, 1997: 38).
La formation des groupes de discussion
Pour Lecompte et Preissle (1993, cités dans Savoie-Zajc, 2000), l’échantillon peut être formé à partir de groupes naturels, c’est-à-dire un groupe, une association qui existe indépendamment de l’étude, telle qu’une classe. Il peut aussi être formé à partir de groupes artificiels, tel qu’un sous-ensemble formé par le chercheur. Nous avons formé des groupes naturels, c’est-à-dire que nous avons choisi nos groupes parmi les classes des étudiants en formation lors de la collecte de données. Ainsi, les seuls critères d’échantillonnage étaient les suivants : être inscrit à un programme menant à l’obtention d’une AEC au Cégep de I’AbitibiTémiscamingue (formation en cours) et faire partie des groupes retenus. Un questionnaire a été utilisé pour recueillir les informations générales de l’échantillon. Il a été rempli par les participants à la fin des groupes de discussion. Il est présenté sous l’appendice B. Les groupes que nous avons constitués sont au nombre de cinq. Les deux premiers sont formés d’étudiants au programme de Techniques d’intervention en milieu carcéral du campus d’Amos. La durée de leur formation s’étendait du 16 janvier 2006 au 27 avril 2007. Lorsque nous les avons rencontrés, ces étudiants en étaient à leur neuvième semaine de formation (à leur première session d’études dans ce programme).
Étant donné le nombre élevé d’étudiants dans ce programme, nous avons scindé le groupe en deux de façon relativement aléatoire, c’est-à-dire que notre seul critère était de garder une représentation égale d’hommes et de femmes dans chacun des groupes. Ainsi, le groupe 1 de notre étude est formé de onze étudiants du programme de Techniques d’intervention en milieu carcéral du campus d’Amos. Ce groupe est composé de personnes relativement jeunes, la moyenne d’âge étant de vingt-cinq ans. La majorité d’entre elles ont déjà été engagées dans un programme d’études collégiales ou universitaires. Plus de la moitié des membres du groupe travaillent à temps partiel en poursuivant leurs études. Également, la plupart d’entre eux ont un revenu familial brut inférieur à 20 000$ et peu d’entre eux sont parents. Les femmes et les hommes y sont répartis de façon presque égale. Le groupe 2 est formé de douze étudiants du même programme de Techniques d’intervention en milieu carcéral du campus d’Amos. La moyenne d’âge du groupe est de vingt-huit ans. Les caractéristiques de ce groupe s’apparentent à celles du groupe 1, tant au niveau de la répartition des hommes et des femmes, que du niveau de scolarité atteint ainsi que de la situation familiale et du revenu. Le seul élément distinct avec le groupe 1 est que la majorité des étudiants de ce groupe sont sans travail.
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