La banque et l’économie Histoire et théories d’une intermédiation
Origines et rôle de la banque dans l’économie
Compte tenu du rôle important que joue l’intermédiation financière dans l’économie, même sous d’autres formes, la banque existe depuis l’antiquité. En effet, des vieux temples de Babylone, au Lombards, à la banque universelle puis à la banque globale, le besoin de financement dans la vie économique a toujours suscité des banques. Au regard de l’histoire économique contemporaine, et tout particulièrement la venue des années 80, la théorie a quelque peu négligé la banque pour la substituer par les marchés financiers. Devenue très « ordinaire », la banque n’incitait plus les chercheurs qui se sont de plus en plus intéressés aux fonctionnements des marchés financiers. Au milieu des années 2000, et l’apparition de la crise des subprimes a montré l’importance de la banque au sein d’une économie et pour cause, la faillite des banques et ses incidences négatives sur l’économie mondiale ont une nouvelle fois rappelée l’importance de la théorie en rapport avec la banque. Dans cette partie du chapitre introductif, on a jugé utile de remettre en mémoire le rôle fondamental joué par la banque dans l’industrie et le commerce dans l’histoire. Nous avons choisi d’introduire ce rappel historique car il nous semble que le rôle de la banque et son poids dans l’économie sont souvent sous estimés.
Rappel historique sur l’intermédiation bancaire
La nature de la vie et la nécessité du commerce ont toujours suscité l’existence d’une certaine forme d’intermédiation. On joint souvent l’histoire de la banque à celle de la monnaie. Pourtant, des opérations bancaires ont toujours existé depuis l’antiquité et bien avant l’apparition de la monnaie. L’objectif principal derrière ce rappel historique de la banque est celui de tracer le lien qui a toujours existé entre les banques et l’économie depuis l’antiquité jusqu’à nos jours.
La banque dans les anciens empires
Lorsqu’on évoque l’histoire de l’intermédiation bancaire, on remonte aux anciens empires, bien que le statut d’une banque n’existait pas encore. 3000 ans avant J.-C., quelques 12 traces d’activités bancaires surgissaient déjà, et notamment en Mésopotamie1 . Ainsi, les Phéniciens ont toujours compté sur une bonne intermédiation bancaire pour assurer le commerce extérieur qui était le pivot de leur économie. Cette intermédiation devait garantir le change des monnaies, ou encore, les prêts sur la cargaison. Au XXème siècle avant J.-C., la réglementation bancaire a été instaurée par les pouvoirs publics de Babylone. En Grèce antique, c’est après que le législateur Solon ait autorisé le prêt à intérêts au VIème siècle avant J.-C que la banque hellénique se développa. De nombreux échangeurs, appelés aussi des trapézistes2 , dans les villes grecques où l’argent était frappé, offraient des services bancaires tels que l’octroi des crédits, la collecte de dépôt, la garde d’objets précieux, les assurances maritimes, les ventes publiques …etc. Leurs clients étaient essentiellement des commerçants, des citadins, des paysans, ou encore, les pouvoirs publics. Cependant, le taux d’intérêt était considéré comme une faute ou une violation aux principes de la population. C’est ainsi que les banques publiques ont vu le jour au IV siècle avant J. -C. La banque publique de Sinope a même commencé à utiliser une certaine politique monétaire en allégeant les pièces de monnaie pour stimuler l’activité économique. À Rome, les premières conquêtes ont causé la naissance d’une aristocratie appelée la classe des chevaliers. Le chevalier, ou encore le pater, représentait le véritable banquier à Rome; il accumulait des fortunes immenses et prêtait à des taux d’intérêts trop élevés allant de 100 à 300%3 . L’élargissement de l’empire Romain infligeait aux Romains des opérations bancaires comme le change des monnaies ou le financement des conquêtes militaires. Petit à petit, et comme en Grèce, des banques publiques et des banques privées ont apparu. Nous soulignons, ici, que même dans les anciens empires, l’essor du commerce (national et international) a toujours été stimulé par des activités bancaires qui accompagnaient la vie sociale et économique de l’époque. Plus tard, le christianisme est venu pour prohiber le prêt à intérêt. La banque se détériorait en Europe, alors que le commerce ralentissait. Il s’agit du début du moyen âge.
Emergence des premières banques
Au Moyen âge, l’église interdisait l’usure et entravait l’activité bancaire. Hormis quelques négociants qui organisaient les échanges internationaux, l’économie était routinière et cloisonnée avec peu de besoin en financement. Aussitôt, les monastères commencèrent à organiser l’activité bancaire. Leur modèle de banque ressemblait à peu prés à la banque islamique de nos jours. En fait, ces banquiers prêtaient de l’argent à condition de participer aux bénéfices de l’emprunteur, ou encore, obligeaient l’emprunteur à présenter une garantie foncière dont ils profitaient jusqu’au remboursement du crédit (par exemple une ferme ou un bien immobilier). Cette période correspondait aussi au développement des activités bancaires notamment en Italie, où un nouvel instrument financier a vu le jour: la lettre de change. Elle servait de moyen de paiement à la place des pièces de monnaie. Elle avait le mérite aussi de ranimer les transactions commerciales de l’époque en pouvant être endossée plusieurs fois consécutivement avant la fin du terme.1 Ainsi, la lettre de change constituait aussi un outil de crédit. Au cours de la même période (au XII et XIII siècle), les Templiers sont devenus les banquiers de l’époque. La sécurité qu’offraient leurs commanderies invitait les gens à déposer leur argent contre un certain coût. Les Templiers utilisaient ces fonds pour financer les croisades. Aussi, leurs principales opérations financières concernaient les pouvoirs publics, y compris l’encaissement des impôts. En ce qui concerne les besoins financiers des entreprises, des particuliers, des seigneuries, des villes libres…, ils sont organisés par les Lombards2 . Le lien entre la finance et le secteur réel de l’époque se jouait dans les foires par les Templiers, les Lombards, les Juifs…où tout type de produits sont échangés y compris des monnaies très diverses.3 C’est uniquement au milieu du XVe siècle que le mot banque apparait dans la langue française.4 Ce mot vient de l’Italien banco qui signifie banc. Les premières banques qui sont apparues, sont principalement des banques familiales comme les Médicis en Italie ou les Fugger en Allemagne. En fait, les Médicis sont devenus les financiers de l’église de Rome. Un relâchement de la doctrine Chrétienne vis-à-vis de l’usure leur a permis d’atténuer la dominance des juifs dans le marché du crédit. Quand aux Fugger, ils sont à l’origine de la pratique moderne de la banque et de la finance.1 Ces banques familiales ont permis à leurs propriétaires de développer des industries diverses telles que l’exploitation des mines de la Hongrie et de l’inde ou encore la fabrication des tissus de haute gamme. Ces banques ouvraient des établissements bancaires dans les grandes villes:2 à Venise, Rome, Cracovie, Innsbruck…. pour les Fugger et à Genève, Lyon, Avignon, Bruges, Londres… pour les Médicis. Cette époque est marquée aussi par l’apparition des banques publiques comme celle de Taula de Cambi de Barcelone en 1401 ou encore de Casa di San Giorgio à Gênes qui a réussi à assainir les finances de la ville, lourdement endettées. Les banques publiques sont venues pour mettre un terme au désordre monétaire que les usuriers et les changeurs ont été accusés d’avoir causé. A Amsterdam, la banque publique (la banque d’Amsterdam) a contribué à la stimulation de l’activité économique par le commerce international en permettant aux marchands d’échanger n’importe quelle monnaie. Cependant, les banques privées ont continué d’exister et d’offrir des services de prêts et d’escompte des lettres de change. En Angleterre, les orfèvres, ou encore, les Goldsmiths se sont transformés en véritables banquiers, livrant des certificats à leurs déposants et accordant des prêts à l’état et aux commerçants et industriels.