L’ usage de médicaments stimulants et opiacés prescrits dans un cadre médical

L’usage de médicaments stimulants et opiacés prescrits dans un cadre médical

Depuis quelques années, la prise de médicaments prescrits à des fins médicales a augmenté en Amérique du Nord (McCabe et al. , 2014; Rotermann et al. , 2014). Plus précisément, les données canadiennes illustrent une hausse de l’usage de médicaments pour chacun des groupes d’âge de la population (Rotermann et al., 2014). Le Canada constitue l’un des pays où la prise de médicaments sous ordonnance est la plus élevée, ce qui s’avère inquiétant considérant que plusieurs médicaments constituent des produits pharmaceutiques toxicomanogènes (Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, 2014). Ces données sont également cohérentes avec la situation québécoise. Dans une enquête internationale réalisée en 2013, 55 % des répondants du Québec rapportaient prendre au moins un médicament prescrit de façon régulière et 27 % déclaraient en prendre trois et plus (Gouvernement du Québec, 2014). Par ailleurs, de 2000 à 2014, les dépenses annuelles relatives aux produits pharmaceutiques par Canadien ont augmenté, plaçant le Canada au troisième rang mondial derrière les États-Unis et les Pays-Bas (Institut canadien d’information sur la santé, 2016).

Au Québec, les dépenses annuelles de médicaments prescrits par personne sont supérieures à celles du reste du Canada depuis 1995 (Gouvernement du Québec, 2015). Ces données illustrent l’ importance de la place qu’occupent les médicaments, que ce soit sur le plan médical, social et économique. En ce qui concerne plus précisément les médicaments stimulants, la prévalence de leur usage prescrit a progressé dans les dernières années (Gouvernement du Québec, 2014 ; INESSS, 2017), allant dans le même sens que l’ augmentation des diagnostics de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) (Institut national de santé publique du Québec [INSPQ], 2019). Ces médicaments se retrouvent parmi les substances médicales dont les taux de prescription sont les plus importants chez les Canadiens âgés entre 6 et 24 ans (Rotermann et al., 2014). Cette hausse de l’ usage médical de médicaments stimulants s’est révélée particulièrement plus importante chez les jeunes âgés de 18 à 25 ans (INESSS, 2017). La prévalence de la prise médicale de médicaments stimulants est d’environ 2 % dans la population canadienne générale âgée de 15 ans et plus (Gouvernement du Canada, 2017b) et de 3,26 % parmi les jeunes âgés de 0 à 25 ans (INESSS, 2017).

En ce qui concerne plus spécifiquement le Québec, on compte une prévalence d’usage de médicaments destinés au traitement du TOAH de 6,44 % parmi la tranche d’âge 0-25 ans pour la même période (INESSS, 2017). Quant aux jeunes Québécois âgés de 18 à 25 ans, la prévalence de leur usage médical de médicaments stimulants est de 5,36 %. La prise médicale de médicaments stimulants est plus importante au Québec en comparaison aux autres provinces (INESSS, 2017), et ce, depuis 1996 (Currie, Stabile et Jones, 2013). En 2015, cette situation fut qualifiée préoccupante par le Ministre de la Santé et des Services sociaux (INESSS, 2017). L’augmentation de diagnostics de TOAH ainsi que le traitement médical qui en découle fréquemment ont conduit à un usage plus répandu des médicaments stimulants. Lorsqu’ utilisés tel que prescrit et pour des raisons médicales, les médicaments stimulants peuvent être bénéfiques pour les individus pour qui cette utilisation est nécessaire. Or, les stimulants d’ordonnance sont les médicaments dont l’usage est le plus controversé (Robitaille et Collin, 2016), no17 tamment parce que leur mésusage est relativement fréquent et que les risques associés inquiètent. En termes de risques, leur mésusage peut, entre autres, induire une dépendance physique ou psychologique, une perte de poids ou encore des manifestations d’anxiété (CCLT, 2015).

Par ailleurs, la facilité d’accès des médicaments stimulants, notamment par l’ intermédiaire du système de santé, est un élément préoccupant (Conseil consultatif national sur l’abus de médicaments sur ordonnance, 2013 ; Hinshaw et Scheffler, 2014 ; LeClair et al., 2015). Les risques engendrés par cet usage seront traités de façon détaillée plus loin dans le texte. En ce qui a trait aux médicaments opiacés prescrits, le Canada est parmi les pays où leur consommation annuelle est la plus élevée (Gouvernement du Canada, 2017c ; Pain Policy Studies Group, 2014), avec une prévalence d’usage médical de 12 % chez les Canadiens âgés de 15 ans ou plus (Gouvernement du Canada, 2017b). L’une des principales raisons de recourir à des soins de santé en Amérique du Nord est le traitement de la douleur (Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances [CCDUS], 2017). Bien qu’ il soit recommandé aux médecins de privilégier les traitements non pharmacologiques pour la gestion de douleurs chroniques non cancéreuses, les médicaments opiacés sont tout de même fréquemment utilisés (CCDUS, 2017). Les traitements alternatifs à la gestion des douleurs chroniques sont souvent peu accessibles : plusieurs régions du Canada n’offrent pas de services spécialisés en la matière (CCDUS, 2017). Chez les Canadiens âgés de 15 ans et plus, la prise de médicaments opiacés prescrits a légèrement diminué entre 2013 et 2015 (Gouvernement du Canada, 2015 ; 2017b), passant de 15 % à 13 %. Parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans, le taux de consommation de médicaments opiacés était de 10,3 % en 2015 (Gouvernement du Canada, 2017b), ce qui révèle une diminution de leur usage. Au Québec, le nombre d’ordonnances de ces médicaments par personne de même que la durée moyenne des traitements sont demeurés stables entre 2006 et 2016 parmi la population générale (INESSS, 2018).

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Le mésusage de médicaments stimulants et opiacés par les adolescents et les jeunes adultes

Le contenu présenté dans les paragraphes précédents a permis de dresser un portrait de la situation et de l’état des connaissances actuelles en lien avec le mésusage de médicaments stimulants et opiacés parmi la population générale. Dans les dernières années, le mésusage de ces médicaments s’est avéré particulièrement en progression chez les adolescents et les jeunes adultes (McCabe et al., 2014 ; Pilkinton et Cannatella, 2012 ; Roy et al., 2015). Une étude épidémiologique conduite aux États-Unis auprès de 67901 participants âgés de 12 à 25 ans révèle que les médicaments sans prescription (toutes sortes confondues) constituent les substances les plus consommées par les jeunes après l’alcool et le cannabis (Center for Behavioral Health Statistics and Quality, 2015). Ces résultats vont dans le même sens que les résultats qualitatifs issus d’une étude canadienne réalisée à partir de 27 groupes de discussion conduits auprès de 65 étudiants et 58 employés d’établissements postsecondaires. Lorsque les participants de cette étude étaient questionnés concernant la consommation de SPA autres que l’ alcool et le tabac sur le campus, les médicaments stimulants étaient les substances les plus évoquées après le cannabis (McKiernan et al. , 2017). Au Québec, alors que l’usage d’ alcool, de cannabis et d’ hallucinogènes s’est révélé à la baisse chez les adolescents dans les années précédentes, les résultats d’une étude épidémiologique illustrent que la consommation de médicaments à des fms non médicales a doublé entre 2008 et 2013 chez ces derniers (Traoré et al. , 2014).

Par le fait même, le mésusage de médicaments tend plutôt à rejoindre l’usage de certaines substances illicites comme les hallucinogènes ou les amphétamines. Par ailleurs, les médicaments stimulants et opiacés sont les deux substances médicales dont le mésusage est le plus élevé chez les adolescents (Young et al., 2012) et chez les étudiants postsecondaires (American College Health Association [ACHA], 2014 ; McCabe et al. , 2014). Plus précisément, ces médicaments sont davantage consommés par ces derniers que dans la population générale (CCLT, 2016 ; Center for Behavioral Health Statistics and Quality, 2015; Cotto, Davis, Dowling, E1cano, Staton et Weiss, 2010 ; Gouvernement du Canada, 2015 ; Substance Abuse and Mental Health Services Administration [SAMSHA], 2014). Entre 1,2 % et 2,5 %, des élèves du secondaire rapportent un mésusage de médicaments stimulants dans les 12 derniers mois (Gouvernement du Canada, 2013 ; Traoré et al. , 2014), en comparaison à 4,5 % des étudiants postsecondaires (ACHA, 2016). Concernant les médicaments opiacés, ce sont entre 1,6 % et 3,5 % des élèves du secondaire qui rapportent en avoir fait un mésusage (Gouvernement du Canada, 2015). Parmi les étudiants postsecondaires américains, 5,5 % ont déclaré avoir fait usage de médicaments opiacés sans prescription (ACHA, 2016). De façon générale, le mésusage de ces médicaments semble donc être un peu plus présent chez les jeunes adultes en comparaison aux adolescents. En plus de la pro gression associée à cet usage dans les dernières années, une hausse des visites à l’urgence a été rapportée en lien avec leur consommation sans ordonnance (Chen, Crurn, Strain, Alexander, Kaufmann et Mojtabai, 2016). En ce qui concerne les médicaments opiacés prescrits, l’antécédent d’abus de substances psychoactives de même que l’âge (0-34 ans étant la tranche d’âge ciblée en plus grande partie) font partie des variables figurant parmi les taux les plus élevés de consultation aux services d’ urgence en raison d’ intoxication (INESSS, 2018).

Table des matières

Sommaire
Table des matières
Liste des tableaux
Remerciements
Introduction
Définitions
Recension des écrits
Contexte sociopolitique et légal de l’étude
L’ usage de médicaments stimulants et opiacés prescrits dans un cadre médical
Le mésusage de médicaments stimulants et opiacés parmi la population générale
Les effets secondaires, risques et conséquences associés
La consommation d’autres substances psychoactives
Le mésusage de médicaments stimulants et opiacés par les adolescents et les jeunes adultes
Le mésusage de médicaments stimulants et opiacés dans un contexte d’études postsecondaires
Portrait sociodémographique des étudiants postsecondaires qui font un mésusage de médicaments stimulants ou opiacés
Les contextes et les raisons du mésusage de médicaments stimulants et opiacés
Les perceptions à l’égard des médicaments stimulants et opiacés
Problématique
Cadre théorique
Positionnement épistémologique
Objectifs de la recherche
Objectif général
Objectifs spécifiques
Méthode
Méthode du vo let quantitatif
Stratégies de recrutement
Instruments de mesure et variables à l’étude
Participants
Analyse des données
Méthode du volet qualitatif
Stratégies de recrutement
Participants
Collecte de données
Analyse des données
Considérations éthiques
Résultats
Résultats du volet quantitatif
Portrait statistique de l’usage et du mésusage de médicaments stimulants
Données sociodémographiques des étudiants ayant fait un mésusage
de médicaments stimulants en comparaison à celles des étudiants n’en ayant pas fait
Portrait de consommation de substances psychoactives des étudiants
ayant fait un mésusage de médicaments stimulants en comparaison de celui des étudiants n’en ayant pas fait
Résultats du volet qualitatif
Les contextes
Les raisons
Les perceptions et opinions
Discussion
Les prévalences d’usage et de mésusage de médicaments stimulants
Comparaison au plan sociodémographique et de la consommation de substances
Points de vue des participants
Contextes
Perceptions
Raisons et motivations
La psychoéducation : pistes sur le plan préventifet de l’ intervention
Limites et forces de l’étude
Retombées du mémoire
Conclusion
Propositions pour de futures recherches
Références
Appendice A
Appendice B
Appendice C
Appendice D
Appendice E
Appendice F
Appendice G

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