Selon la vision mécaniste, l’ anxiété réfère à une réponse du cerveau face à un stimulus perçu comme menaçant que l’ organisme tentera activement d’ éviter. L’important physiologiste américain Walter Bradford Cannon (1987) définissait cette réponse comme une tension mentale ou corporelle en réaction à des facteurs qUI perturbent l’homéostasie interne. Cette réponse de l’ organisme s’avère une réaction essentielle pour permettre la survIe. Ainsi, l’anxiété permet d’offrir à l’organisme l’énergie nécessaire pour la fuite ou le combat face à la menace perçue. Cette émotion engendre donc une modification de l’ activité de certaines parties du corps. Bien que cette expérience émotionnelle subjective puisse être perçue comme étant désagréable, l’ anxiété demeure un mécanisme normal et sain qui sert simplement à se protéger des dangers potentiels.
L’anxiété n’est pas une sensation spécifique à la population adulte; celle-ci est aussi observable dans la vie quotidienne des enfants et des adolescents (Beesdo, Knappe, & Pi ne, 2009). Au courant de son développement, il est normal qu ‘ un enfant fasse l’ expérience de peurs ou de certaines phobies temporaires (Morris & Kratochwill, 1998; Muris, Merckelbach, Mayer, & Meesters, 1998). Malgré l’intensité de ces peurs, celles-ci s’estompent naturellement dans la plupart des cas et ne deviennent pas une problématique majeure pour l’enfant (Beesdo et al., 2009). Ainsi, durant son développement, l’ enfant devra apprendre que certaines situations sont dangereuses tandis que d’autres sont sécuritaires.
Les différentes compréhensions théoriques de l’anxiété
Selon la vision béhavioriste, une réponse anxieuse peut être influencée par un conditionnement classique ou opérant. Dans le conditionnement classique, un processus d’association entre deux stimuli déclenche une réponse anxieuse. Cette théorisation débute avec le paradigme de base où un stimulus neutre (SN) précède de près un stimulus inconditionnel (SI) qui provoque une réponse inconditionnelle (RI) de peur ou d’anxiété. Après plusieurs répétitions de ce paradigme, le stimulus conditionné (SC) présenté seul provoque une réponse conditionnée (RC) de peur ou d’anxiété (Watson & Rayner, 1920). Par exemple, prenons une situation où un individu répond par la peur (RI) à la suite d’une morsure de chien (SI). Après cette expérience, la proximité physique d’un chien (SN) qui devrait être une situation perçue comme sécuritaire peut se transformer en une situation ressentie comme dangereuse (SC). Il en est ainsi, puisque l’individu a associé la proximité physique du chien à un stimulus douloureux et effrayant; la morsure.
Une fois que l’individu a appris à répondre à une situation par la peur ou l’anxiété, un autre type de conditionnement est impliqué dans le maintien de cette réaction: le conditionnement opérant. Ce dernier a été théorisé par Skinner (1969) et il explique les phénomènes de maintien d’ une réaction par le renforcement positif et négatif. En effet, les comportements anxieux peuvent être renforcés positivement par l’attention d’un adulte, par une sensation interne (p.ex., sentiment de sécurité), par des récompenses dans l’environnement de l’enfant, etc. Également, les comportements anxieux peuvent être renforcés négativement par le retrait d’ une demande ou par la diminution des affects négatifs, comme c’ est le cas pour l’ évitement (Gosch, Flannery-Schroeder, Mauro, & Compton, 2006).
De ces théorisations béhavioristes est née une méthode de traitement maintenant amplement utilisée en psychologie: la désensibilisation systématique (Wolpe & Lazarus, 1966). Cette technique sera décrite brièvement dans la section « L’exposition ». Ainsi, le traitement par désensibilisation systématique fut créé en se basant sur le concept de l’habituation (Gosch et al., 2006). L’habituation se caractérise par une réaction automatique de l’organisme à la suite de la répétition d’un stimulus. À la suite de l’exposition répétée de ce stimulus non dommageable, l’organisme apprendra que celuici n’est pas dangereux. L’habituation consiste donc en une diminution de la réponse de l’organisme à un stimulus inoffensif puisque celui-ci n’informe pas d’un danger imminent. Par exemple, c’est ce concept théorique qui entre en fonction lorsque les odeurs nous semblent moins intenses après quelques minutes dans un endroit.
Cependant, la vision béhavioriste de l’anxiété est, à certains égards, réductionniste. Cette vision s’inscrit dans un angle d’analyse restreint de la problématique de l’anxiété et ainsi elle peut être intégrée dans l’approche bio-psycho-sociale proposée initialement par Engel (1980). Selon cette approche médicale, une maladie ou une plainte d’un patient doit être comprise selon les perspectives biologique, psychologique et sociale. En d’autres mots, cette approche suppose qu’aucune théorie n’est en mesure d’expliquer dans son ensemble une pathologie. Chacune des perspectives représente un système ainsi qu’une organisation présentant des caractéristiques et des propriétés qui leurs sont propres. Également, elles s’inscrivent dans un modèle hiérarchique allant du système de la biosphère à la molécule. Dans le cadre de cet essai, le système de l’individu (expérience et comportement) sera privilégié. Néanmoins, lors de l’analyse de la nature et de l’étiologie des troubles associés à l’anxiété, le système social sera aussi abordé. En effet, les facteurs de risque et de maintien présents dans l’environnement (p.ex., les pratiques parentales) sont des variables du système social de l’enfant qui ont une influence sur la pathologie. De plus, le niveau d’organisation du système nerveux (biologique) est brièvement inclus dans la compréhension de l’anxiété.
Dans la perspective centrée sur l’individu, l’anxiété peut être expliquée par des théories béhavioristes qui centrent leur analyse sur le comportement humain. De grands théoriciens ont critiqué ces théories et ont ajouté une perspective à ce phénomène psychologique (Hergenhahn, 2007). L’arrivée de cette nouvelle perspective a signé ce qu’on appelle la deuxième vague en TCC. Beck (1985) et Ellis (1962) ont été les précurseurs de cette révolution cognitive qui a permis un changement dans la conception des pathologies psychologiques, dont l’anxiété (Simpson, 2010). Depuis cette révolution, les attitudes, les attributions, les croyances et les interprétations de l’individu sont devenues des variables centrales dans notre compréhension de l’anxiété. Le discours interne et le traitement de l’information ont une place encore plus fondamentale dans la conceptualisation des réponses anxieuses. Selon cette conception, la perception de menace ou de sécurité d’un stimulus est influencée par l’interprétation de l’individu (Beck & Clark, 1997). L’homme est donc considéré comme actif dans la réponse anxieuse. Dans cet ordre d’idées, les personnes anxieuses ont tendance à avoir des interprétations biaisées ou erronées dans plusieurs situations et à sous-estimer leurs stratégies d’adaptations personnelles dans leur environnement.
Aussi, selon les cognitivistes, la cognition s’ avère primordiale dans le trouble anxIeux et peut ainsi devenir un levier important dans leur traitement. La notion de distorsion cognitive fut amenée et définie comme des croyances irrationnelles et inadaptées qui s’ éloignent de la réalité. D’ailleurs, Vasey et MacLoed (2001), appuyés par une recension des écrits scientifiques, soutiennent que les enfants anxieux ont des distorsions cognitives dans le traitement de l’information, des biais de mémoire pour des événements stressants, une hypersensibilité pour des indices de menace et une tendance à interpréter une situation ambiguë comme dangereuse.
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