Prévalence des classes multiprogrammes
Le phénomène des classes hétérogènes est de plus en plus présent et ceci partout dans le monde. Dans les Pays Bas, il y a plus de 50% des enseignants qui enseignent dans des classes multiprogrammes en 1994. En Irlande, pour l’année 2003 , 40% des classes au primaire sont formées de deux degrés ou plus. En 2004, en Angleterre, le quart des classes ont deux degrés ou plus et en Écosse, 33% des classes sont multiprogrammes. En 2002, environ 32% des classes au primaire en Finlande sont des classes multiprogrammes tandis qu’ en Norvège ce taux s’élève à 42%. Durant la même année, on retrouve des pourcentages similaires en Australie (25%), en Grèce (31 %) ainsi qu’en République Tchèque (35%). Plusieurs années auparavant, en 1991, mais plus près de chez nous, au Canada, une classe sur sept est une classe multiprogramme (Mulryan-Kyne, 2007). Ce constat mis en évidence par Mulryan-Kyne rend un portrait intéressant de la prévalence de ces classes à divers endroits dans le monde. Au Québec, le rapport de la Fédération des syndicats de l’enseignement (2003) mentionne que le phénomène des classes multiâges touche une classe sur dix et près de la moitié des écoles québécoises.
En effet, il y a eu une augmentation significative depuis 1998. Dans la région de Montréal, l’augmentation de ces classes atteint 136% à certains endroits selon les données du quotidien La Presse en avril 2009 et le MELS estime qu ‘ il y aurait environ 3000 groupes multiprogrammes au Québec. Selon un article de Daphné Dion-Viens publié dans le quotidien Le Soleil en septembre 2008, le nombre de classes multiâges aurait passé de 119 en 2006-2007 à 158 pour l’année scolaire 2008-2009 dans la région de Québec. Dans 38 commissions scolaires du Québec le phénomène des CMP s’ amplifie encore depuis 2002 et touche environ 65% des écoles québécoises (FSE, 2009). À la Commission scolaire de la Beauce-Etchemin pour l’année 2007-2008 et selon des données recueillies par la Fédération des syndicats de l’ enseignement, 90% des écoles sont touchées par le phénomène des classes multiprogrammes.
De façon plus précise, 123 classes sur 437 sont des groupes à plus d’une année d’études. Au cours de cette année scolaire, il n’y avait donc que 5 écoles à degrés uniques seulement sur 50 écoles (FSE, 2009). Jérôme l’Heureux, directeur des services éducatifs à la CS BE, affirme que sur 340 classes de niveau primaire pour l’année scolaire 2008-2009, 105 classes sont multiprogrammes. Malheureusement, la formation des maîtres ne fait qu’effleurer le sujet des classes multiprogrammes auprès des futurs enseignants. Aucun cours ni stage n’est obligatoire en lien avec ce type d’enseignement malgré que la présence des CMP ne cesse d’augmenter dans les écoles québécoises. Un autre fait pouvant être néfaste est que 57% des enseignants et enseignantes des classes multiprogrammes ont moins de 10 ans d ‘expérience (Fédération des syndicats de l’enseignement, 2003) et 40% du personnel concerné par ce type de classe ne reçoit aucun support.
Justification de la présence des classes multiprogrammes
Selon Desbiens (2006), la classe multiprogramme (CMP) est un suj et aUSSi incontournable que litigieux, notamment dans les régions où la population scolaire va en décroissant. En effet, le nombre restreint d’élèves du même âge sur un territoire, par exemple dans les petits villages des régions plus éloignées est la raison majeure qui justifie de tels regroupements. La présence des classes multiprogrammes devient donc essentielle pour répondre au besoin de la société en tenne d’éducation au primaire, même si plusieurs enseignants touchés par ce phénomène perçoivent la gestion de ces classes comme étant plus complexe et remettent en question la fonnation de tels regroupements (Chrétien, 2008). D’ailleurs, Little (2001) souligne que, dans les pays industrialisés, c’est la baisse des inscriptions dans les écoles qui a exigé l’ ouverture de classes multiprogrammes pour pennettre aux petites écoles de quartier de demeurer ouvertes. Il y aurait plus de 85% des classes qui serait le résultat d’ une contrainte (FSE, 2003). Plus précisément, 20% des groupes qui sont mis en place servent à garder l’école ouverte, 55% qui sont mis en place permettent d’atteindre les maxima et 13% des groupes sont mis en place pour des raisons pédagogiques (FSE, 2003). Dans la CSBE, le seul argument invoqué par le syndicat pour la mise en place de groupes à plus d’une année d’études est celui d’atteindre les maxima’ (FSE, 2009). Il est intéressant de noter que le regroupement de deux niveaux s’ effectue généralement en favorisant le jumelage de classes du même cycle d’apprentissage afin de faciliter l’enseignement (FSE, 2003). Malheureusement, la réalité est que «l’on regroupe comme on peut avec les élèves que l’on a.» (Chrétien, 2008) Le chevauchement de deux cycles est donc parfois nécessaire lors de la formation des groupes tout comme la nécessité de regrouper des élèves des 6 degrés du primaire (FSE, 2009). La totalité des CMP de la CSBE en 2007-2008 (123 groupes) regroupaient 2 degrés (FSE, 2009). De plus, la majorité des classes est formée de 2 années consécutives.
État de la recherche sur les classes multiprogrammes
Pratt (1986) s’ est intéressé à la dimension cognitive et non cognitive du développement des élèves à partir de différentes études expérimentales portant sur les classes multiprogrammes qui ont été menées entre 1943 et 1983 aux États-Unis et au Canada. La dimension cognitive signifie le niveau d’accomplissement en mathématiques et en lecture tandis que la dimension non cognitive comprend les modèles d’amitié, les concepts d’ autoportrait et d’estime de soi ainsi que le développement social. Pratt conclut qu’ il n’y a pas de modèle conforme au niveau cognitif; c’est-à-dire que quelques chercheurs ont identifié un niveau plus élevé chez les élèves intégrés dans des classes multiprogrammes, alors que d’autres ont remarqué un niveau plus élevé chez les élèves des classes simples. Cependant, la majorité des études menées s’entendent pour dire qu’il n’y a pas de différence entre les deux. Du côté non-cognitif, les résultats sont plus parlants. En effet, les chercheurs rapportent soit des résultats plus élevés dans les classes multiprogrammes soit aucune différence peu importe le type de classe. Il est intéressant de préciser qu’aucune étude n’a identifié d’avantages, pour le développement social, en faveur des classes simples. Miller (1991) confirme les résultats de Pratt en s’ intéressant à 21 études menées aux États-Unis. Ses conclusions démontrent que les élèves des classes multiprogrammes performent autant que les élèves des classes simples au niveau cognitif, mais les surpassent en ce qui concerne le développement social et affectif, c’est-à-dire non-cognitif. Mi 11er (1991) a identifié certains points importants quant à l’enseignement dans la classe multiprogramme.
Premièrement, les enseignants ont besoin d’ être mieux préparés pour enseigner dans ces classes. Deuxièmement, ils doivent maîtriser certaines stratégies d’enseignement comme l’enseignement individualisé et l’enseignement par les pairs, en mélangeant les niveaux scolaires, pour favoriser les apprentissages et l’ interdépendance chez les élèves. Troisièmement, il est essentiel que les enseignants possèdent un matériel didactique conçu pour les classes multiprogrammes et ceci dans toutes les matières. Quatrièmement, les enseignants doivent aussi faire preuve de motivation et d’enthousiasme face à l’enseignement dans ces classes. Miller (1991) affirme aussi que les études, sur l’enseignement multiprogramme dans les milieux ruraux de l’Amérique, révèlent que les enseignants utilisent diverses méthodes pour répondre aux besoins des élèves et que cellesci varient beaucoup selon chacun.
Thomas et Shaw (1992), incluent en plus des États-Unis et du Canada, des études venant d’Europe et des pays en voie de développement tels que l’ Inde, le Pakistan et le Togo pour émettre leurs propres conclusions. Pour ces derniers pays, malgré les limites principalement financières, les deux chercheurs concluent qu’en général les écoles multiprogrammes sont aussi efficaces que les écoles dites «régulières» lorsque la rigueur demeure une priorité au niveau de l’application des programmes. L’examen étendu et rigoureux de Veenman (1995) de la recherche disponible dans le monde entier et portant sur les classes regroupant plusieurs niveaux distingue les résultats dans différents types d’écoles et de classes multiprogrammes. Comme Pratt, Miller, Thomas et Shaw, Veenman a comparé les effets cognitifs et non cognitifs. Par contre, il a aussi fait une comparaison entre les classes multiprogrammes et les classes simples d’une part, et les classes multiâges et les classes simples de l’autre part. Il conclut qu’en rien l’étudiant ne semble souffrir dans son développement lorsqu’il est intégré dans une classe multiprogramme ou multiâge. Il faut noter, néanmoins, que les résultats des pays en voie de développement diffèrent des pays développés. Ces différences apparaissent dans la comparaison des classes multiprogrammes versus les classes simples. Certaines études démontrent les résultats cognitifs sont favorables aux élèves des classes multiprogrammes (Jarousse and Mingat, 1991; Rojas and Castillo, 1988) tandis que d’autres témoignent du contraire (Rowley, 1992).
REMERCIEMENTS |