Avec les progrès de l’imagerie médicale, en particulier par résonance magnétique nucléaire, l’exploration du cerveau néonatal est en plein essor. Le développement cérébral est un processus sophistiqué qui débute pendant la vie fœtale, avec une croissance marquée pendant la fin du troisième trimestre de grossesse et la période périnatale et se poursuivant jusqu’à la fin de l’adolescence.
D’un point de vue microscopique, il existe une prolifération cellulaire associée à une migration et une organisation des neurones avec création de communication inter neuronales. D’un point de vue macroscopique, cette augmentation progressive du volume cérébral est à l’origine d’un plissement de la surface corticale avec la formation de sillons et de gyri. Ces phénomènes sont visualisés et décrits in vivo en IRM, que ce soit la migration cellulaire chez le fœtus (N. J. Girard & Raybaud, 1992), chez le prématuré (Judas et al., 2005) ou l’aspect du ruban cortical selon le terme (C Garel et al., 2001).
Parallèlement à ce phénomène physique de croissance cérébrale, la myélinisation des axones des neurones (formation d’une gaine de myéline, un composant graisseux) est à l’origine d’une modification progressive du signal du tissu cérébral en IRM. La composante liquidienne principale est remplacée par cette composante graisseuse, selon un schéma établi (N. Girard, Raybaud, & du Lac, 1991a).
La conjonction de ces processus aboutit à la distinction entre la substance grise et la substance blanche, myélinisée ou non. La substance grise, composée de corps cellulaires de neurones, de dendrites et de synapses, forme le cortex cérébral et les noyaux gris centraux. La substance blanche est, quant à elle, composée essentiellement d’axones en cours de myélinisation et d’un tissu de soutien. Ces différentes composantes cérébrales sont fréquemment étudiées pour améliorer la connaissance du développement cérébral normal fœtal (Glenn, 2009) puis néonatal (A J Barkovich, 1998; Rutherford, Malamateniou, Zeka, & Counsell, 2004), initialement avec un champ magnétique de 1,5 T et de plus en plus fréquemment à 3 T.
Toutefois une naissance prématurée peut perturber ce processus complexe de formation et maturation cérébrale. L’augmentation du nombre de nouveau-nés prématurés et l’amélioration de la prise en charge médicale initiale permettent une survie de 85 % de ces enfants (Horbar et al., 2002). Mais la prématurité augmente la survenue de deux complications neurologiques principales liées à une hémodynamique précaire : la leucomalacie périventriculaire et les hémorragies. Une grande prématurité expose à un risque accru de déficit moteur (paralysie cérébrale), d’épilepsie ou de déficiences sensorielles (visuelles, auditives), amenant à des troubles des fonctions exécutives. Une des difficultés majeures de cette prise en charge des prématurés est de pouvoir fournir aux néonatalogistes, et dans un second temps aux parents, une information la plus fiable possible sur le développement potentiel ultérieur de ces nouveaunés prématurés (Aida et al., 1998). Le recours en première intention à l’échographie transfontanellaire (ETF) permet de dépister dans la couveuse du prématuré les pathologies les plus sévères (Brissaud et al., 2012). L’ETF peut visualiser les lésions hémorragiques et de leucomalacie périventriculaire. Elle est très efficace pour mettre en évidence les formes kystiques (Blumenthal, 2004) mais est moins sensible pour dépister les formes non kystiques incluant les formes débutantes, marquées essentiellement par une hyperéchogénicité locale de la substance blanche (Inder, Anderson, Spencer, Wells, & Volpe, 2003). Toutefois, les hyperéchogénicités de la substance blanche ne sont pas spécifiques et peuvent traduire une pathologie ischémique, hémorragique, ou être une variante de la normale. En cas de découverte d’anomalie ou de doute diagnostique, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale permet d’obtenir des informations complémentaires plus précises (L. S. de Vries, Benders, & Groenendaal, 2015). Elle étudie le parenchyme cérébral selon deux modes d’approches : une analyse morphologique de la structure cérébrale et une analyse du signal des tissus (Inder, Wells, Mogridge, Spencer, & Volpe, 2003). Les principales pathologies du nouveau-né prématuré, hémorragiques ou ischémiques (Dyet et al., 2006; Sie et al., 2000) sont décrites précisément. L’idée sous-jacente est d’obtenir des facteurs prédictifs du développement cérébral normal ou anormal de ces nouveau-nés prématurés. La comparaison de la sulcation et de la giration à des atlas de référence permet d’évaluer un retard de maturation cérébrale. L’estimation du volume des structures cérébrales (Argyropoulou, 2010a) et l’analyse du signal cérébral permettent d’établir ce pronostic. Cependant l’accès à la visualisation de structures cérébrales in vivo par IRM est de plus en plus facile et celle-ci est de plus en plus précise. Une question importante et ouverte reste celle de la définition de ce qui est normal, variant de la normale, ou pathologique, en particulier en termes de signal de la substance blanche.
La réalisation d’IRM à terme corrigé chez les nouveau-nés prématurés est, sans être consensuelle (L. S. de Vries, Benders, & Groenendaal, 2013), de plus en plus systématique (L. S. de Vries et al., 2015), même si son impact est mal évalué et les variantes de la normale mal connues. Avec l’utilisation de champs magnétiques de plus en plus élevés, à 1,5 T en routine clinique et davantage en recherche (Lüsebrink, Wollrab, & Speck, 2013), l’IRM est une source considérable d’informations, en permettant de visualiser des structures et des phénomènes de plus en plus subtiles. Il existe toutefois des particularités de ces images inhérentes à la population de prématurés étudiée : contraste inversé entre les substances blanche et grise, petite taille des structures, faible résolution spatiale, faible rapport signal sur bruit et artefacts de mouvements, qui complexifient l’interprétation des images. La visualisation des principales structures cérébrales permet actuellement de segmenter puis d’estimer un volume de ces derniers à partir d’images acquises avec un champ magnétique de 3 T (Gui et al., 2012; Prastawa, Gilmore, Lin, & Gerig, 2005; Weisenfeld & Warfield, 2009), mais une controverse concerne l’interprétation d’anomalies de signal de la substance blanche. Elles sont décrites initialement comme des hyperintensités en pondération T2 de la substance blanche survenant chez d’anciens grands prématurés à terme corrigé, dont la topographie, l’étendue et l’importance sont plus sévères que celles des régions appelées « cross-road », habituellement en hypersignal, de la substance blanche périventriculaire du nouveau-né. Cette controverse a pris de l’ampleur lorsque ces hyperintensités nommées « diffuse excessive high signal intensity » (DEHSI) ont été associés à un pronostic très défavorable (Woodward, Anderson, Austin, Howard, & Inder, 2006). Les études suivantes ont abouti à des conclusions très variées, allant d’un phénomène physiologique transitoire (de Bruïne et al., 2011a; Jeon et al., 2012; Leitner et al., 2014), une anomalie de la substance blanche (Counsell et al., 2003) ou à un facteur péjoratif majeur du développement cérébral (Dyet et al., 2006; Parikh et al., 2013). Ces disparités de résultats s’associent à une disparité des populations de prématurés étudiées.
1. Introduction |