Investigation de l’iode comme propergol pour la
propulsion ionique à grilles
La conquête spatiale : tenants et aboutissants
Propulsion spatiale : outil du rêve ou symptôme de notre malédiction ?
There is no place like home The Wonderful Wizard of Oz (1900), L. Frank Baum Mon tourment est grand. Je ne sais comment débuter ce manuscrit. La logique voudrait que j’ouvre ce bal sur la beauté de l’espace, de sa conquête imminente par notre noble espèce et des bienfondés de cette expansion. Je pourrais alors introduire la propulsion comme le glaive de la destinée, de notre destinée, celle de pourfendre les cieux et d’étendre notre influence aux barbares. Il aurait également été intéressant de fournir un point de vue plus pragmatique et des raison claires et précises sur le pourquoi du comment un groupe d’Humains surentrainés et sur-diplômés irait se perdre dans l’immensité du vide, avec comme seul objectif la découverte de territoires vierges et comme seul moyen de locomotion des tonnes de métal mis en mouvement par un système pensé par un scientifique probablement fou et mort depuis bien longtemps. Quelles pourraient être les retombées positives d’une telle expérience? En prenant en compte le coˆut d’une telle opération, le jeu en vaut-il la chandelle ? Mais la forme et le fond me font défaut, et la gravité ne me sied guère. J’opte donc pour la fuite, la diversion. Je débuterai alors mon argumentaire avec une explication anthropophilosopho-poético-scientifique pessimiste sur la condition Humaine, peuplée de mots compliqués incorporés dans des phrases beaucoup trop longues et ponctuées de citations pompeuses d’auteurs que je n’ai jamais lus, ayant peu ou aucun rapport avec le sujet. En effet, comme peut l’exprimer Dorothy à propos de son cher Kansas, le sentiment de plénitude et de confort qu’apporterait la contemplation d’un territoire vaste et sien peut être placé au dessus de tout autre ressenti. La signification du terme ”home”, maison, peut cependant être précisée. Il prend ici le sens du lieu familier et réconfortant que l’on ne connaît que trop bien et qui nous procure cette sensation incomparable, mêlant sécurité, puissance et appartenance à un tout. L’indescriptible satisfaction provoquée par la possession entière et absolue de ce lieu est un élément important de la psyché Humaine, et nous rapproche de notre condition de primate. Regroupés en communautés pour la plupart, nous sommes vite prompts à assoir une domination par la loi du plus fort, afin d’acquérir terres et individus, et de pouvoir appeler tout cela ”mien”. Le besoin de l’Homme de posséder le mène à la protection de ce qu’il possède et le pousse régulièrement vers des extrémités qu’il jugera nécessaires et justifiera sans mal, appliquant un tampon ”mon toit, mon droit” à toute exactions sanglantes ou non, atténuant sa portée en renvoyant l’image douce et enveloppante d’un foyer heureux et protégé. L’Homme est sˆur de son bon droit, l’Homme est serein. L’homme doit être élevé pour la guerre et la femme pour le délassement du guerrier : tout le reste est folie ! Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche Les notions d’héritage et de lignée est également un donnée importante de notre dynamique de groupe, autre vestige du temps o`u nos mains trainaient sur le sol. La transmission des gènes à de multiples partenaires, consentants ou non, apporte cette satisfaction du devoir accompli, ce besoin de perpétuation de l’espèce que suit instinctivement tout être vivant. La transmission matérielle, en revanche, est le témoin de notre détachement du primitif, une volonté plus spirituelle que naturelle, et, couplée à l’hérédité de l’ADN, assure une empreinte éternelle sur le monde. La possession des corps et de la terre, l’Humain s’assurerait immortalité et sécurité, pouvoir et éternité. Contemplant son royaume, l’Homme est heureux, l’Homme est paisible. L’Homme possède.
La conquête spatiale : tenants et aboutissants
Les hommes sont des insectes se dévorant les uns les autres sur un petit atome de boue. Zadig ou la destinée (1747), Voltaire Mais la sécurité est une illusion et tout empire, aussi puissant qu’il soit, se doit de retourner à la poussière. Les ”invasions barbares” ne sont jamais loin, et finiront par venir à bout des murs épais qui séparent l’Homme de sa destinée. L’Homme cherche donc sans cesse de nouveaux horizons à s’approprier et o`u apposer sa marque, des terres loin des tourments et de la nécessité du partage. Cette quête du ”home” idéal le poussera vers l’immensité du vide interstellaire, et, par conséquent, à développer le moyen de déplacement idéal à cela. La propulsion spatiale est l’outil du rêve de contrôle de l’Homme sur son environnement, sur l’immensité de son environnement infini, symptôme de notre éternelle insatisfaction, malédiction d’une espèce ayant transcendé l’état naturel il y a bien longtemps. Tout existant naît sans raison, se prolonge par faiblesse et meurt par rencontre. La Nausée (1938) Jean-Paul Sartre Après cette note funeste ne laissant que peu de place à la magie et à l’émerveillement, j’exposerai une théorie plus optimiste, idéale, na¨ıve, enrobée de rubans couleur octarine et d’arcs-en-ciel, à grand coup de phrase inspirante des plus grands hommes de science de notre société patriarcale. Les références aux grands noms de la science fiction sont nombreuses, témoins forcés d’un désir de cracher au monde ma connaissance aig¨ue de cette littérature alternative, et la pop culture s’insinue dans les moindres recoin de mon argumentation, puisqu’internet est ma religion. Le désir de découverte et de renouveau est intrinsèque à notre condition Humaine. Nous sommes indubitablement poussés vers l’inconnu, vers l’infini et au-delà, et une absence d’évolution et de changement n’est jamais bon présage. On pourrait penser l’Homme casanier, désireux de rester dans son cocon de confort ou d’y retourner au plus vite comme Dorothy, mais il n’en est rien. La moindre petite secousse dans notre quotidien et nous nous retrouvons tel Bilbo s’élan¸cant sur les routes de la Comté avec 13 nains et un vieux barbu odorant et mal coiffé. L’Humain apprécie par dessus tout découvrir, observer, comprendre, pla¸cant la science au-dessus de tout. Par l’espace, l’Univers me comprend et m’engloutit; par la pensée, je le comprends. Blaise Pascal (1623 – 1662) citations : Tesla, Einstein Cependant, là n’est pas la seule explication au désir de l’Homme d’explorer l’espace qui nous entoure. Notre quotidien peut paraître morne et sans saveurs, le vrai monde ne possédant 4 Chapter 1. Introduction pas de Ministère de la Magie (pour autant que je sache). L’herbe semble toujours plus verte dans la galaxie d’à côté et on se prend à rêver d’un monde merveilleux o`u les nuages seraient faits de glace sans lactose et o`u les chats domineraient le monde grˆace à la présence de petits pouces opposables sur leurs pattes soyeuses. En témoigne la multitude d’oeuvres traitant de la découverte de mondes étrangers, plus ou moins éloignés de notre foyer dans l’espace et le temps (Voyage au centre de la Terre (1864) de Jules Verne, La machine à explorer le temps (1895) de H.G. Wells). Il peut également être question de lieux en total scission avec notre environnement (Le cycle de Fondation (1951 – 1993) de Isaac Asimov, Dune (1965) de Franck Herbert, Les Cantos d’Hypérion (1989 – 1997) de Dan Simmons) ou de visions alternatives, futuristes de notre société (Le cycle d’Ender (1977 – 2008) de Orson Scott Card, Le meilleur des Mondes (1931) de Aldous Huxley, 1984 (1949) de George Orwell) permettant une critique parfois acerbe de certains penchants humains. Lorsqu’on emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger en son pays. René Descartes (1596 – 1650) La découverte de nouvelles Terres provoquerait l’explosion de millions de cerveaux abreuvés des répliques d’un homme masqué manifestement asthmatique et pouvant dialoguer en klingon dans les dîners mondains. Elle serait annonciatrice d’une future mission scientifique menée par de courageux membres de notre communauté, poussés uniquement par la beauté de la science. La propulsion spatiale n’est donc ici que l’outil de l’innocente soif de découverte de l’Humain, porteuse des espoirs de tous les rêveurs de notre monde, souhaitant plus que tout connaître le calcul menant à 42. Et bien que de nombreux auteurs nous avaient avertis du potentiel danger d’un contact avec d’autres formes de vie ( Oms en série (1957) de Stefan Wul, La Guerre des mondes (1898) de H. G. Wells), ce contact est évoqué comme bénéfique, parfois symbole de l’élévation spirituelle et technologique de l’espèce humaine ( Stalker (1972) de Arkadi Strougatski et Boris Natanovitch Strougatski, Abyss (1989) de James Cameron, Contact (1997) de Robert Zemeckis). Our virtues and our failings are inseparable, like force and matter. When they separate, man is no more. Nikola Tesla (1856 – 1943) La propulsion sert nos rêves de grandeur, de transcendance de notre simple état d’humain par la connaissance ultime et absolue. Une question se pose alors : quelle est donc cette introduction beaucoup trop longue pour une thèse que personne ne lira ? Je vous répondrai ceci : j’aurais en effet pu choisir l’une des deux versions écrites plus haut, mais cela aurait été synonyme de renier une partie de moi-même. J’ai en effet une culture de l’imaginaire développée et la pop culture guide mes choix de vie de fa¸con parfois alarmante. J’apprécie également me la raconter par des citations de gens dont je n’approuve pas forcément la philosophie pronon¸cant des phrases dont le sens profond doit sˆurement m’échapper. Je pose donc ¸ca là, et je m’en vais tenter une dernière fois de répondre à la question premièrement posée. Pourquoi aider au développement de la propulsion spatiale et donc des voyages interplanétaires ? Pourquoi aider à développer cette technologie coˆuteuse et pour l’instant fort limitée ? Ma réponse est simple : et pourquoi pas ? Nous ne savons finalement que peu de chose sur notre futur proche. Il est tout à fait possible que demain, une bombe explose en plein Washington, marquant le début d’une Guerre Mondiale sans précédent car désormais nucléaire. Il est tout à fait possible que des millions, que dis-je, des milliards d’entre nous périssent dans les flammes et le sang, puis de famine, puis de maladie, puis d’ennui par la disparition totale de la 4G. Nous sommes peut-être à l’aube de notre extinction sans le savoir, et notre salut ne repose peut être que sur le goˆut prononcé de certains leaders mondiaux pour les séries médiévales fantastiques dénudées. Alors, si aider à développer une technologie pour l’instant jugée gadget par certains pisse-froids m’aide à croire la potentialité de jouer un jour au pingpong avec E.T. dans un avenir radieux béni par la paix dans le monde, je veux bien foncer à toute blinde sur l’autoroute de la science. Et comme disent les jeunes, YOLO (You Only Live Once, ndlr né avant 1998). Mais assez parlé de moi, l’exploration spatiale par l’humain a d’ores et déjà commencé et de nombreuses navettes ont été envoyées. Les années 50 et le lancement d’un certain voyageur russe ont marqué le début de l’ère spatiale. Cependant, rien ne venant sans un certain coˆut, les débuts de la conquête spatiale laissent derrière eux une trainée de poudre, de métal, de matériaux en tout genre et de taille très variée, formant ce que l’on appelle désormais les débris spatiaux.
Les débris spatiaux : le revers de l’ère spatiale
Les débris spatiaux sont des objets spatiaux inactifs, des fragments de navettes spatiales, de satellites ou sondes ayant explosé, se disloquant et perdant peu à peu des morceaux dans l’espace interplanétaire (figure 1.1). En d’autres termes, ils sont les objets résiduaires des missions spatiales menées à bien depuis le lancement du premier satellite. Ces débris restent en orbite autour de notre planète un certain temps, puis sont progressivement attirés vers l’atmosphère pour finir brˆulés dans celle-ci [1]. Cependant, l’errance précédant le brasier final peut durer 20 ou 30 ans, parfois plus. La conséquence directe de cette longue espérance de vie est l’augmentation constante du nombre de débris. Ils étaient 338 en 1963, ils sont maintenant plus de 30.000 dépassant les 10 cm et répertoriés, avec 21.000 objets quotidiennement suivis, dont seulement 1200 satellites actifs et fonctionnels. Mais ces chiffres ne tiennent pas compte des petits objets : ils seraient plus de 300 000 à dépasser un centimètre, et 30 millions dépassant un millimètre. Sachant que la vitesse en orbite dépasse les 100 km/h, le moindre bout de métal peut causer beaucoup de dégˆats à lui tout seul. Figure 1.1: Débris spatiaux polluant l’orbite terrestre, vue d’artiste (www.eric-group.co.uk) Figure 1.2: Graphique représentant l’augmentation du nombre de débris spatiaux depuis le début de l’ère spatiale dans les années 1960 [4]. Malgré leur nombre relativement restreint, les débris spatiaux situés en orbite constituent une menace pour les engins spatiaux en activité du fait de leur énergie cinétique très élevée. Avec une vitesse moyenne en cas d’impact de 10 km/s, l’énergie cinétique d’un débris spatial de 10 grammes est supérieure à celle d’un véhicule d’une tonne percutant un mur à 100 km/heure. Avec des milliers de débris en orbite et de nouveaux arrivant chaque année (environ 200 par an, sans compter ceux générés par impact, voir figure 1.2), le risque de collision n’est plus négligeable. Si un débris dont la taille est inférieure à 1/10 mm ne fait qu’éroder la surface d’un satellite, les débris dont la taille est comprise entre 1/10 mm et 1 cm peuvent perforer des équipements et entraîner selon le cas une panne mineure, majeure ou la perte du satellite. Entre 1 et 10 cm les dommages sont très importants alors que les débris de cette taille ne peuvent être systématiquement détectés depuis le sol. L’utilisation d’un blindage ne permet de résister qu’à des débris dont la taille est inférieure à 2 cm [2]. Plus inquiétant encore : les simulations effectuées prédisent un effet boule de neige dans les années à venir si les choses ne changent pas. Ce phénomène, aussi appelé syndrome de Kessler, du nom de son auteur Donald J. Kessler, scientifique ayant travaillé à la NASA, décrit l’escalade fulgurante du nombre de débris : avec une densité suffisante, quelques collisions d’objets pourront générer d’autres collisions qui en génèreront d’autres et ainsi de suite, provoquant une cascade d’impacts, augmentant indéniablement la densité en premier lieu responsable du phénomène [53]. Une illustration de ce danger est visible dans le film Gravity, d’Alfonso Cuar´on, sorti au cinéma en 2013. Il est alors évident que la présence de débris spatiaux dans l’espace circumterrestre menace son utilisation à des fins tout aussi bien commerciales que scientifiques.
1 Introduction |