Inventaire et diversité des ignames sauvages
Afin d’accompagner le développement de la culture d’ignames à Madagascar et de proposer des itinéraires techniques limitant l’impact des virus sur la production, nous avons souhaité connaître la présence ou l’absence des principaux virus susceptibles d’infecter les ignames cultivées et les caractériser, le cas échéant. Nous décrivons, dans la présente étude, en premier lieu, la caractérisation génétique de 94 échantillons d’ignames cultivées en utilisant 10 marqueurs microsatellites. Mais pour avoir plus d’information la détermination du niveau de ploïdie de ces ignames et de leur nombre de chromosome par la technique de coloration DAPI a été réalisée. Sept échantillons de Dioscorea alata de Madagascar ont été utilisés et nous avons comme résultat, 4 échantillons possèdent 60 chromosomes, 2 échantillons à 40 chromosomes et un échantillon à 80 chromosomes. En second lieu, une étude sur la détection des virus par les techniques de PCR (Polymerase Chain Reaction) et RT-PCR (Reverse Transcription Polymerase Chain Reaction) a été également réalisée. Ainsi, nous avons testé 6 espèces ou genres de virus à savoir tous les potyvirus et, en particulier, l’YMV (Yam mosaïc virus) et l’YMMV (Yam mild mosaïc virus), tous les potexvirus, le CMV (Cucumber mosaïc virus), et les badnavirus. Parmi les 93 échantillons d’ADN d’ignames testés, 29 sont positifs pour le test badnavirus. Pour les autres tests de potexvirus et de potyvirus, un seul échantillon étant positif pour le test d’YMMV et tout le reste est négatif pour les autres tests.
Caractérisation cytologique et génétique des ignames cultivées
A Madagascar, une forte pression anthropique est exercée sur les ignames endémiques sauvages. En revanche, les ignames introduites cultivées sont très peu exploitées et ont fait l’objet de peu ou pas de travaux. Nous avons collecté des ignames (Dioscorea alata) dans les différentes aires de culture afin de les caractériser. En utilisant les descripteurs morphologiques, treize morphotypes ont été déterminés. Avec la technique de coloration DAPI des chromosomes en mitose, nous avons identifié des accessions diploïdes, triploïdes et tétraploïdes. Enfin, l’analyse de la diversité, avec dix marqueurs microsatellites, a révélé une base génétique très étroite. Les conséquences de nos résultats sur l’exploitation des ignames cultivées et la pression sur les ignames sauvages seront discutées. Mots clés : Igname cultivée, diversité, microsatellites, diversité génétique INTRODUCTION A Madagascar, les ignames cultivées sont, historiquement, des espèces introduites et définies comme étant des aliments de base des étrangers venus pour peupler la grande île dans le temps (Raison, 1992). Elles sont maintenant devenues très peu connues des populations et sont même considérées comme des aliments de pauvreté. Actuellement, l’igname ne fait pas l’objet d’une véritable culture et sa production est devenue marginale (Penche, 2008).Elle n’est désormais utilisée par les malgaches que pendant les périodes de soudure et la mauvaise récolte pour substituer le riz (Tostain, 2009). Or une forte pression anthropique est exercée sur les ignames sauvages appréciées pour leurs qualités organoleptiques. En effet, Madagascar possède une diversité importante d’ignames sauvages. Burkill et al., (1950) décrivent 27 espèces endémiques et neuf nouvelles espèces endémiques ont été récemment découvertes par Wilkin et al., (2000,2002, 2006, 2009). Ces espèces sauvages endémiques sont très prisées et sont menacées par la déforestation et la pratique des cueillettes ancestrales. De ce fait, il existe une forte incitation au retour vers la pratique de culture des ignames cultivées, par certains organismes nationaux et non gouvernementaux, comme une solution alternative pour la préservation des espèces endémiques et leur habitat. Les ignames (Dioscoreae spp) sont des plantes alimentaires de grande importance pour les régions tropicales humides et subhumides. Il existe 3 espèces majeures cultivées: Dioscorea trifida, D. alata et D. rotundata et plusieurs espèces mineures (D. bulbifera, D. nummularia, D. esculenta, D. cayenensis, D.dumetorum et D. oppositifolia). Trois espèces cultivées, seulement, ont été recensées à Madagascar :Dioscorea alata, D. esculenta et D. bulbifera. Il n’y a pratiquement pas de données disponibles sur ces espèces car les recherches faites sont toutes axées sur les espèces sauvages. Ainsi, la connaissance de ces ignames cultivées, qui sont toutes introduites, se limite au niveau du rang espèce et en effet la diversité génétique ou variétale reste encore à analyser. Or, plusieurs travaux ont été réalisés surtout sur l’espèce D. alata. En effet, la grande igname ou Dioscorea alata est la plus répandue dans les régions tropicales et subtropicales. Atelier Corus & Aires-Sud « Agronomie et Ecosystèmes » – 21-25 mars 2011 – Antananarivo (Madagascar) 215 L’origine de D. alata reste encore un sujet de débat puisqu’on ne l’a pas trouvé à l’état sauvage dans son milieu naturel. Malapa et al., (2005, 2006) ont utilisé les markers AFLP pour montrer que D. alata est plus proche de D. nummularia et D. transversa que D. persimilis, deux espèces qui sont endémiques du sud Est Asiatique et de l’Océanie (Lebot, 1997). C’est une espèce polyploïde comprenant des accessions avec des chromosomes 2n = 40, 60 et 80 (Abraham et Nair, 1991; Gamiette et al., 1999; Malapa et al., 2005; Arnau et al., 2009.) Le niveau de ploïdie a été corrélé avec le développement de la plante, une plus grande tolérance aux stress abiotiques et biotiques, et le rendement supérieur du tubercule (Malapa, 2005; Abraham et Arnau, 2007; Lebot, 2009). L’anthracnose, causée par le champignon Colletotrichum gloeosporioides, est la maladie la plus grave affectant cette espèce (Winch et al., 1984; Onyeka et al., 2006.). Dioscorea alata se distingue par son rendement élevé, surtout dans des sols peu fertiles, sa facilité de propagation (production de bulbilles, bonne capacité de germination), ses qualités nutritionnelles et sa bonne aptitude au stockage. Elle est également tolérante aux viroses qui affectent D. trifida. En Afrique, l’appauvrissement des sols du à la pression foncière et à la diminution des durées de jachère la fait préférer aux D. rotundata et D. cayenensis plus exigeantes. La présente recherche vise donc à faire un inventaire sur les ignames de D. alata cultivées dans l’île dans le but de les caractériser, sur le plan morphologique, d’étudier leur diversité et leur structure génétique.