Cas du Sénégal
Selon le Programme National de Lutte contre le Paludisme (2020) au Sénégal, la transmission du paludisme est toujours étroitement liée au rythme des pluies et s’effectue en général au cours de la saison des pluies et au début de la saison sèche. Ces périodes correspondent en celles de forte densité des populations vectorielles. En général, les pluies commencent entre juin et juillet, plus tôt au Sud qu’au Nord, et se poursuivent jusqu’en octobre. Le pic de transmission (la période où la majorité des cas sont diagnostiqués) se trouve entre octobre et novembre.
Au Sénégal, le paludisme est toujours inégalement réparti entre les régions. Seules trois régions (Kolda, Tambacounda et Kédougou) portent l’essentiel de la charge du paludisme. En effet, les régions de Kédougou, Tambacounda et Kolda, couvrant au total 11% de la population générale (1 822 372 habitants contre 16 209 119), enregistrent 81% (286 001 sur 354 708 cas) des cas de paludisme confirmés en 2019. Ces trois régions enregistrent aussi 88% (33 396 sur 37 941 cas) des cas chez les moins de 5 ans et 89% (6 361 sur 7 155 cas) des cas chez les femmes enceintes. Concernant la mortalité, sur les 260 cas de décès liés au paludisme enregistrés en 2019, les 39% (102 décès) sont notifiés par ces trois régions. Chez les moins de 5 ans, sur 62 décès liés au paludisme enregistrés en 2018, les 58% (36 décès) sont notifiés par les mêmes régions de Kédougou, Tambacounda et Kolda. A côté des trois régions qui portent le plus lourd fardeau, une analyse des indicateurs montre aussi que trois autres régions (Ziguinchor, Dakar et Thiès) sont les seules à avoir enregistré une augmentation de l’incidence entre 2018 et 2019.
Cycle biologique
Le cycle de vie du Plasmodium se déroule chez deux hôtes : le moustique, hôte définitif et l’homme, hôte intermédiaire (Figure 1). Chez l’anophèle femelle, le cycle (sporogonie) est sexué. Les éléments asexués, trophozoïtes et schizontes absorbés au cours du repas sanguin du moustique sont digérés. Les gamétocytes seuls poursuivent leur développement pour donner l’ookinète après fécondation des gamètes mâles et femelles. L’ookinète donne à son tour l’oocyste dans lequel s’individualisent les sporozoïtes. Les sporozoïtes libérés par l’éclatement de l’oocyste mûr gagnent les glandes salivaires de l’anophèle d’où ils sont inoculés à l’homme au cours d’un repas sanguin (Diarra, 2003).
Cycle chez le moustique (sporogonie)
Lors d’un repas sanguin sur un individu infecté, l’anophèle femelle ingère les gamétocytes mâles (micro-gamétocytes) et femelles (macro-gamétocytes). Ces derniers parviennent dans l’estomac du moustique et se transforment en gamètes. Le gamète mâle subit un processus d’exflagellation à la suite duquel les gamètes femelles sont fécondés. Il en résulte un zygote appelé ookinète ; celui-ci s’implante sous la paroi stomacale en formant l’oocyste. Cette brève phase diploïde s’achève par une division méiotique suivie par plusieurs milliers de mitoses qui conduit à la production de sporozoïtes. L’éclatement de l’oocyste libère des éléments mobiles et haploïdes dans l’hémolymphe. Les sporozoïtes gagnent préférentiellement les glandes salivaires du moustique d’où ils pourront être injectés avec la salive lors d’une piqûre infectante. Chez le moustique, l’ensemble de ce cycle se déroule entre 10 à 40 jours, suivant la température extérieure et l’espèce en cause.
Cycle chez l’homme (Schizogonie)
Cycle exo érythrocytaire
Au cours de la piqûre, l’anophèle femelle infecté injecte dans un capillaire des sporozoïtes. Les sporozoïtes transitent dans la circulation générale et, en quelques minutes, envahissent les hépatocytes grâce à une interaction spécifique entre la protéine majeure de surface du sporozoïte (CSP) et un récepteur spécifique situé sur la membrane plasmique de l’hépatocyte du côté de l’espace de Disse, espace directement en contact avec le sang circulant. Le sporozoïte entre alors dans une phase de réplication au sein de la vacuole parasitophore et de prolifération intracellulaire qui repousse en périphérie le noyau de la cellule. Il finit par constituer une masse multinucléée appelée schizonte (schizonte hépatocytaire) qui conduit à la libération de plusieurs dizaines de milliers de mérozoïtes dans la circulation sanguine. Cette phase de multiplication est asymptomatique et dure 8 à 15 jours selon les espèces (Figure 1).
Cycle intra érythrocytaire
C’est la seule phase symptomatique du cycle et est d’intensité variable selon le statut immunitaire de la personne infectée. Les mérozoïtes libérés lors de la rupture de l’hépatocyte vont débuter le cycle sanguin asexué de prolifération de P. falciparum en infectant les érythrocytes. Le mérozoïte pénètre grâce à un processus parasitaire actif et se différencie en anneau (trophozoïte jeune), puis en trophozoïte mature, stade à partir duquel une intense phase réplicative commence. Il donne alors naissance au schizonte (schizonte érythrocytaire), celui-ci après segmentation montre une forme caractéristique de rosace, puis libère 8 à 32 mérozoïtes qui rapidement réinfectent des érythrocytes sains. L’ensemble de ce cycle dure 48 heures chez P. falciparum (Figure 1).
L’apparition des gamétocytes se déroule en général à la deuxième semaine qui suit l’infection et ces formes peuvent persister plusieurs semaines après la guérison. A la suite d’une nouvelle piqûre par un anophèle, les gamétocytes mâles et femelles (au dimorphisme sexuel marqué) sont ingérés lors du repas sanguin. Il est à noter que moins de 20% des piqûres de moustiques contenant des sporozoïtes dans leurs glandes salivaires sont responsables d’infections en zone endémique.
Physiopathologie du paludisme
Signes cliniques
Fièvre, c’est le symptôme majeur du paludisme humain, utilisée habituellement comme marqueur clinique de la maladie (Smith et al., 1995).
Anémie, elle est due à la lyse des globules rouges (GR) parasités et dépend de la parasitémie (Waitumbi et al., 2000).
Convulsion, elle est provoquée par la libération des cytokines ainsi que l’obstruction des vaisseaux sanguins par les GR parasités qui conduit à l’hypoxie. Elle est fréquemment rencontrée au cours du neuropaludisme (Marsh, 1992).
Formes cliniques du paludisme
Accès palustre simple
Les symptômes du paludisme commencent à se prononcer à partir du stade intra-érythrocytaire du cycle de développement du parasite. La fièvre, lors de l’accès simple survient au moment de la lyse des hématies qui libèrent les mérozoïtes, l’hémozoïne (pigment malarique) et d’autres antigènes parasitaires (Angulo et Fresno, 2002).
Au cours de l’infection palustre, le système phagocytaire débarrasse l’organisme non seulement des pigments malariques, mais aussi des débris érythrocytaires ce qui aboutit à l’hépato-splénomégalie (Newton et Krisna, 1998).
Accès palustres graves et compliqués
Seule l’espèce P. falciparum et dans certains cas P. vivax sont responsables du paludisme grave et compliqué. Ces cas graves s’observent surtout chez les sujets non-immuns (jeunes enfants, femmes enceintes, expatriés, sujets vivants en zone hypoendémique). Les concepts physiopathologiques du paludisme grave font intervenir deux phénomènes interdépendants :
• la séquestration des hématies parasitées,
• le phénomène immunologique (Rowe et al., 1995, 1997).
Trois éléments déterminent la pathogénicité du Plasmodium : le parasite lui-même, l’hôte et l’environnement. Des interactions spécifiques interviennent entre le parasite et l’hôte et aboutissent à diverses manifestations cliniques du paludisme. Parmi ces interactions, nous pouvons citer : l’invasion des globules rouges, la fixation de GR non parasités par des GR parasités formation de rosettes ou « Rosetting », l’adhésion des GR parasités aux cellules endothéliales dans les petits vaisseaux (Cytoadhérence), la production de toxines par les parasites (Rowe et al., 2009 ; Craig et al., 2012).