Invasion de la mineuse de la tomate, Tuta absoluta (Lepidoptera Gelechiidae)
Les invasions biologiques
Définition de l’invasion biologique
Les invasions biologiques sont actuellement la deuxième cause d’extinctions d’espèces (Elton, 1958; Lodge, 1993; Williamson, 1996; Hobbs, 2000). Elles s’inscrivent dans la dynamique de changement global (Vitouseck et al., 1997) dû à l’augmentation du taux d’introduction d’espèces liée à l’intensification des échanges (Williamson and Fitter, 1996; Hochberg and Gotelli, 2005). La fréquence des invasions biologiques augmente de manière remarquable à la faveur des échanges commerciaux. Ces derniers ont tendance à supprimer les barrières naturelles et par conséquent facilitent la migration des espèces. L’intensification des échanges, notamment commerciaux, avec le développement des activités humaines, est ainsi responsable de nombreuses introductions involontaires d’espèces (Vitouseck et al., 1997; Banks et al., 2015). Le succès d’une espèce introduite rend l’espèce envahissante et devient alors une véritable menace pour la biodiversité de la région envahie provoquant ainsi des pertes de biodiversité par extinctions d’espèces autochtones. Tout organisme vivant est probablement capable de devenir invasif si les caractéristiques dans son nouvel habitat lui sont favorables à son développement. Les invasions biologiques sont des notions pour lesquelles une multitude de définitions existent (Williamson and Fitter, 1996; Falk-Petersen et al., 2006; Valéry et al., 2008), souvent liées aux processus d’invasion pouvant être extrêmement complexes et spécifiques à chaque contexte et histoire de colonisation (Heger et al., 2013) mais également au qualificatif attribué à l’espèce envahissante : étrangère (Crawley et al., 1996), exotique (Green, 1997), non-indigène (Mack et al., 2000; Pimentel et al., 2000; Kolar and Lodge, 2001), importée (Williamson et Fitter, 1996), introduite (Lonsdale, 1994), non-Native (Davis et al., 2000), immigrante (Bazzaz, 1986), colonisée (Williamson, 1996), naturalisée (Richardson et al., 2000). Proposer une définition applicable à toutes les situations d’invasions (Facon et al., 2006; Blackburn et al., 2009) semble extrêmement compliqué, voire même impossible (Hodges, 2008). Classiquement et en se référant à l’Union internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN), une espèce envahissante se définit comme une espèce exotique qui s’implante dans un écosystème ou un habitat naturel ou semi-naturel, qui induit des changements et menace la diversité biologique endémique (Shine et al., 2000).
Processus d’invasion biologique
On distingue plusieurs stades pour une invasion biologique : l’introduction de l’espèce exotique dans un nouvel écosystème, l’établissement (ou naturalisation) de l’espèce et la prolifération (expansion de son aire géographique et colonisation de nouvelles aires avec potentiels impacts écologiques sur l’écosystème d’accueil, et d’éventuels impacts économiques et sociaux). Le passage d’une stade à une autre correspond au franchissement de plusieurs types de barrières (Richardson et al., 2000; Sakai et al., 2001; Colautti et al., 2004) (Figure 1). Les individus introduits issus de l’aire d’origine de la population doivent être à mesure de survivre durant le transport et d’acceder à la nouvelle région. Cette étape du processus d’invasion, très liée aux activités humaines (Lockwood et al., 2009), correspond au franchissement des barrières géographiques (Richardson et al., 2000). Cette phase d’introduction se fait en empruntant au moins une voie de dispersion. Parmi ces voies de dispersion, on note : la dispersion par corridor, la dispersion à très longue distance, la dispersion de masse et l’introduction volontaire (Williamson, 1999)
Établissement
La deuxième phase du processus d’invasion biologique correspond au franchissement de deux barrières écologiques. Les individus introduits doivent tout d’abord survivre dans leur nouvel environnement. Ensuite, ils doivent être capables de se reproduire naturellement (Richardson et al., 2000). Lorsqu’une espèce introduite a réussi à s’établir avec succès, on parle alors de « naturalisation » de l’espèce (Richardson et al., 2000). Cette phase est très sensible, les nouvelles pressions abiotiques et/ou biotiques auxquelles les espèces introduites sont soumises ne leur permettent pas de survivre dans des environnements peu adaptés (Maron et Vilà, 2001). Dans le cas où l’espèce se reproduit dans sa nouvelle région géographique, mais ne peut pas s’y maintenir à long terme, on parle d’espèce adventice ou occasionnelle. On peut citer l’exemple de la tortue de Floride qui se reproduit dans le bassin Adour-Garonne mais pas dans celui d’Artois-Picardie où sa présence est pourtant signalée (Nepveu et Saint-Maxent, 2002).
Prolifération
La dernière phase du processus d’invasion est caractérisée par une explosion démographique et une expansion géographique des populations naturalisées dans leur nouvel Synthèse bibliographique 5 environnement. Après une première phase de colonisation dans des milieux anthropiques (ex : milieu agricole) ou milieux naturels, on observe souvent une expansion spatiale très rapide (Williamson and Fitter, 1996; Richardson et al., 2000; Duncan et al., 2003). Cette dernière phase correspond à une capacité de franchissement des barrières démographiques (croissance et dispersion) (Kowarik, 1995; Richardson et al., 2000; Duncan et al., 2003). Cependant, la plupart des espèces introduites ne parviennent pas à se reproduire dans leur nouveau milieu et celles qui réussissent à s’établir et maintenir leurs effectifs ne prolifèrent pas. Ainsi, parmi les espèces établies, toutes n’ont pas forcément d’impacts écologiques et économiques majeurs. Selon un constat statistique (Williamson et Fitter, 1996), la «règle des dix», une espèce introduite sur dix réussit à s’établir, et une espèce établie sur dix devient invasive. Une fois l’espèce envahissante est établie, la propagation subséquente est liée à la dispersion et à la capacité de colonisation de l’envahisseur. Les espèces envahissantes qui réussissent sont généralement des espèces avec un taux reproduction rapide. Ils sont souvent des espèces à stratégie r caractérisés par une croissance rapides, la maturation sexuelle rapide et un taux de fécondité élevé (Lodge, 1993; Williamson and Fitter, 1996; Sakai et al., 2001)
I. Les invasions biologiques : Contexte général |