Introduction théorique Visite, dispositif et confiance
Introduction L‘entrée théorique qui est analysée dans ce chapitre introductif à la troisième partie est la relation entre la notion de dispositif (elle cristallise l‘analyse des visiteurs : leur expérience est avant celle d‘un dispositif) et celle de confiance. La confiance que font les individus à l‘institution muséale, en tant qu‘elle engage des rapports spécifiques aux objets, aux savoirs, précisément, non marchands, est un résultat capital des récentes enquêtes menées auprès des publics de la culture553. Par ailleurs, cette notion de confiance a rencontré récemment une nouvelle fortune – et aussi un nouvel espace de débat – avec le déploiement des nouvelles technologies dont la spécificité, on l‘a vu, est de gérer l‘apparition de l‘information entre masquage et dévoilement, de prendre en charge une partie des opérations réalisées jusque-là par l‘individu et, enfin, de masquer à l‘utilisateur une partie des opérations dont procède ce qui lui est rendu à ces modalités de circulation de l‘information. Il n‘est pas anodin que l‘IRI (l‘institution pour la recherche et l‘innovation) consacre son prochain cycle de conférences « les entretiens du nouveau monde industriel », au rapport entre confiance et numérique : « Une société, quelle que soit sa forme, est avant tout un dispositif de production de fidélité. Croire en l‘autre – et non seulement lui faire confiance : compter sur lui au-delà même de tout calcul, comme garant d‘une inconditionnalité, c‘est à dire comme garantissant des principes, une droiture, une probité, etc. […] Nul ne peut ignorer qu‘avec le développement du numérique, qui est le stade le plus récent du processus de grammatisation, les grandes questions que posa l‘imprimerie et qui induisirent en large par la Réforme puis la Contre-Réforme réapparaissent : la confiance, dans le monde du metadataware, des réseaux sociaux et de la traçabilité (sans parler des questions de paiements sécurisés qui prennent ce sujet par son enjeu le plus superficiel) est devenue une question primordiale. C‘est à tenter d‘évaluer sa portée et les modèles
Ce chapitre propose deux sections. La première revient sur la notion de dispositif et montre qu‘elle ouvre, notamment, deux pistes d‘analyse sur la nature de l‘espace de relation entre sujet et objet, d‘une part, et sur la réflexivité des acteurs, d‘autre part. La seconde section propose une lecture des textes de Donald Winnicott et d‘Emmanuel Belin afin de comprendre comment peuvent s‘articuler la notion de dispositif et celle de confiance. Les deux auteurs abordent la relation entre l‘acteur et la réalité, à partir d‘une genèse de la notion de confiance. Winnicott montre, par exemple, l‘importance que revêtent les « espaces transitionnels », dans la vie d‘un individu, dans la mesure où ils sont des lieux construits depuis la petite enfance, dans lesquels l‘expérience de la réalité est un exercice de créativité, le lieu où le désir peut se charger en réalité. Or c‘est la mise en place des conditions de la confiance qui permet d‘entretenir une relation créative avec la réalité qui intéresse Winnicott. Emmanuel Belin propose une analyse de ce travail en y ajoutant une réflexion sur la médiation à la réalité par le dispositif, ou plutôt, par la « logique dispositive ». Cette première section propose une discussion de la notion de dispositif afin de montrer qu‘elle ouvre le questionnement sur la relation de communication entre le sujet social et la réalité. Elle permet aussi de réfléchir à la question de la nature de l‘engagement de l‘acteur dans et avec le dispositif. Ainsi, elle engage une première piste pour l‘analyse de la réflexivité des acteurs.
Revenons à la notion de dispositif ; elle est employée dans des champs disciplinaires et des univers professionnels très différents, recouvrant à la fois des réalités souvent disparates et une même urgence à se référer à un concept-clef comme le constatent les auteurs du vingt- cinquième numéro de la revue Hermès, consacré au concept de dispositif dont ils interrogent le caractère de « mot-valise », de « concept caoutchouc », « concept de l‘entre-deux » ou encore de « joker »557. Le prisme large du regard porté sur la notion, dans la revue, permet aux auteurs de rappeler que le terme de dispositif a, en réalité, cristallisé la rencontre et l‘alliance entre plusieurs disciplines des sciences humaines, notamment autour de l‘analyse des processus de travail et de l‘innovation, et a permis d‘interroger la relation trop univoque entre le sujet et l‘objet, le jeu entre usage, pratique, culture matérielle, interaction et normes. « Emerge alors, dans les sciences sociales et cognitives [il s‘agit des années 90], un modèle alternatif de l‘action, où l‘acteur n‘est plus le siège exclusif de la capacité d‘agir et de contrôler, mais ―partage ces attributs avec les objets, les artefacts,