Les diélectriques des condensateurs de mémoire DRAM
La mémoire dynamique à accès aléatoire DRAM (Dynamic Random Access Memory) a pour fonction de stocker des charges électriques. Chaque cellule est formée par un condensateur relié à un transistor qui joue le double rôle de lecture – écriture , soit pour récupérer l’information contenue dans le condensateur (lecture), soit pour en modifier l’état (écriture). Le condensateur joue le rôle d’une mémoire logique «1» ou «0» respectivement suivant la présence ou l’absence de charges aux électrodes. La capacité de stockage d’un dispositif mémoire est déterminée par le nombre de condensateurs dans le circuit et la valeur de capacité du condensateur. Chaque cellule doit occuper le minimum de place et chaque condensateur doit avoir une densité de capacité élevée. Le condensateur doit aussi conserver la charge pour minimiser la fréquence des opérations de rafraichissements, aujourd’hui typiquement de l’ordre de 15 ns, et présenter pour cela de faibles courants de fuite.
Chronologiquement, le diélectrique utilisé dans ces capacités a été l’oxyde de silicium SiO2, puis l’oxynitrure de silicium SiOxNy et enfin l’alumine Al2O3. Initialement les électrodes de ces condensateurs étaient en polysilicium fortement dopé, c’est-à-dire des électrodes semiconductrices aux propriétés proches de celles d’un métal. On parlait de condensateurs SIS.
Aujourd’hui, elles sont devenues MIM principalement pour des raisons de budget thermique. En effet, le polysilicium a été remplacé par des électrodes métalliques car les capacités DRAM sont situées ≪au-dessus≫ des transistors MOS, ce qui empêche la réalisation de recuits aux budgets thermiques trop importants que nécessite par exemple le dopage du polysilicium.
Des courants de fuite très faibles à la tension de fonctionnement (quelques volts) éviteront les pertes et minimiseront la fréquence des rafraichissements suite à une bonne conservation de la charge. Une permittivité élevée garantira une densité de capacité élevée et une intégration poussée.
Les diélectriques pour condensateurs de découplage et de liaison
Condensateur de découplage : Ce condensateur a pour fonction de filtrer les signaux parasites sur les tensions d’alimentation entre deux blocs. Il est monté en parallèle du circuit d’alimentation. Les composantes sinusoïdales sont éliminées par filtrage et seule la tension continue est récupérée aux bornes du condensateur. Pour ce type de condensateur, une forte densité de capacité, une tension de claquage élevée et surtout une tenue en champ électrique très élevée sont requises. Condensateur de liaison : Ces condensateurs ont un rôle inverse des condensateurs de découplage : ils sont cette fois utilisés pour éliminer la composante continue d’un signal. Il est monté en série dans le circuit. Les spécifications sont une forte densité, une très faible valeur du coefficient quadratique pour la linéarité en tension α et une bonne tenue en fréquence afin de conserver la composante spectrale du signal.
Les différentes catégories de diélectriques
Cette liste de matériaux, non exhaustive, permet de donner quelques exemples de diélectriques utilisés, étudiés, pressentis ou innovants, dont certains feront l’objet d’études plus approfondies. Une classification selon la gamme de permittivité est proposée ci-dessous .
Diélectrique à faible permittivité : L’oxyde de Silicium, SiO2, avec une permittivité relative de 3,9, a été le premier à être intégré dans les technologies silicium. Il dispose naturellement d’une bonne stabilité thermique et chimique et avec une large bande interdite (Eg), de l’ordre de 9 eV, il a de bonnes propriétés isolantes. Il présente également une faible non-linéarité en tension. Cette qualité et sa large bande interdite font que ce matériau a été longtemps utilisé dans les condensateurs MIM damascènes pour les applications RF avec une densité surfacique de capacité de l’ordre de 1 nF/mm². Le nitrure de Silicium, Si3N4, a ensuite remplacé le SiO2 car il permet d’atteindre de plus fortes valeurs de capacités. En effet, ce diélectrique a une permittivité relative qui varie entre 6 et 8 selon le mode de dépôt, l’interface avec l’électrode inférieure et le taux d’oxygène dans le film. Ceci permet d’atteindre des densités de capacité de l’ordre de 2 nF/mm². Son gap de 5,1 eV, plus faible que celui du SiO2, permet encore de conserver des courants de fuite réduits. Il reste un bon diélectrique avec une faible non-linéarité en tension.
Diélectrique à permittivité moyenne : L’oxyde d’Hafnium, HfO2, est le diélectrique le plus souvent cité du fait de son rôle dans le diélectrique de grille des transistors MOS 45 nm de chez Intel . Avec une permittivité de l’ordre de 20 et un gap de 5.8 eV, de remarquables performances concernant les densités surfaciques (de l’ordre de 5 nF/mm²) peuvent être obtenues pour une intégration dans des capacités MIM. Toutefois ce matériau présente une non-linéarité importante et un champ de claquage plus faible, de l’ordre de 3.7 MV.cm-1. Différentes approches pour améliorer ses performances électriques en terme de constante diélectrique ont été étudiées et notamment celle du dopage au titane (Ti) au cours de son dépôt par ALD (Atomic Layer Deposition). Une constante diélectrique de l’ordre de 27 ainsi qu’un faible niveau de courants de fuite a ainsi été démontré . De plus, de nombreuses études sont actuellement réalisées afin de démontrer le potentiel de ce matériau dans des applications de mémoires non-volatiles type RRAM. Diélectrique à forte permittivité : La permittivité relative des matériaux ≪ high-k ≫, en comparaison aux ≪medium-k≫ présentés précédemment, peut atteindre des valeurs très élevées variant de quelques centaines à plusieurs milliers. Parmi eux, beaucoup font partie de la famille des pérovskites correspondant à une structure cristalline commune à de nombreux oxydes dont la composition typique est ABO3 où A et B sont des éléments métalliques. Les problèmes communs à tous ces matériaux pérovskites sont un courant de fuite relativement important, un champ de claquage relativement faible qui de surcroit diminue quand la permittivité réelle augmente .
Phénomènes de relaxation diélectriques : comportement fréquentiel
La relaxation diélectrique caractérise la difficulté qu’ont les dipôles, liés aux différents ensembles de charges positives et négatives modélisant le diélectrique, à suivre les variations du champ électrique appliqué. Ce phénomène est à l’origine de la diminution de la valeur de la permittivité des matériaux diélectriques avec l’augmentation de la fréquence du champ électrique alternatif appliqué. Sous l’action d’un champ électrique, les atomes, les molécules et les ions se polarisent : les charges positives se déplacent dans le sens du champ et les charges négatives en sens inverse. Les barycentres des charges positives et négatives ne coïncident plus et il en résulte un dipôle induit. La polarisation totale se décompose en trois parties :
la polarisation électronique : elle résulte de la déformation des nuages électroniques des atomes sous l’action d’un champ électrique ;
la polarisation ionique : elle résulte du déplacement des ions positifs et négatifs en sens inverse qui induit un moment dipolaire ; la polarisation dipolaire : elle est liée à l’orientation des dipôles moléculaires sous l’action du champ électrique.
La technique de dépôt de diélectriques par ALD
L’ALD (Atomic Layer Deposition) est une technique de dépôt de plus en plus utilisée comme procédé de fabrication en microélectronique dans l’élaboration de couches minces. Elle dérive historiquement de la technique de dépôt CVD (Chemical Vapor Deposition) mais comporte, à la différence de celle-ci, deux étapes de réaction chimique distinctes et autolimitées. Les épaisseurs de couches communément déposées par voie ALD varie de 10 Å à 2000 Å .
Ce procédé de dépôt par voie chimique se distingue du procédé CVD classique par le fait que le substrat est successivement exposé à deux précurseurs gazeux différents. Ainsi, le mécanisme de dépôt est composé d’une première étape correspondant à la saturation du substrat par condensation de l’espèce chimique A formant une monocouche atomique. La deuxième étape est la réaction de l’espèce chimique B avec la monocouche de l’espèce A jusqu’à ce que tous les sites actifs chimiquement soient comblés par l’espèce A ce qui provoque l’arrêt de la réaction. La surface de l’échantillon est alors prête à recevoir une nouvelle couche monoatomique d’espèce A et ainsi de suite…
L’ALD est donc une méthode de dépôt par voie chimique en phase gazeuse basée sur l’alternance de réactions de surface auto-limitantes ou saturantes. Elle se distingue de la technique CVD par une injection alternative et séparée («pulse» en anglais) des précurseurs chimiques dans la chambre de dépôt. Chaque nouvelle injection de précurseur est précédée d’un temps de purge permettant l’évacuation des produits de réaction et des réactifs en excès présents dans la chambre, résidus de la réaction précédente. Chaque exposition du substrat à un précurseur aboutit à la formation d’une couche monoatomique de ce précurseur.
Il en résulte un mécanisme de dépôt autolimitant unique présentant d’énormes avantages tels qu’une excellente conformalité ainsi qu’un contrôle simple et très précis de l’épaisseur de la couche déposée.
Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 Introduction aux matériaux diélectriques en Microélectronique
I. Les condensateurs
II. Les applications visées
1) Les diélectriques des condensateurs de mémoire DRAM
2) Les diélectriques pour condensateurs de découplage et de liaison
a) Condensateur de découplage
b) Condensateur de liaison
3) Diélectriques pour condensateurs MIM RF & analogiques
III. Les diélectriques utilisés et leurs propriétés
1) Les différentes catégories de diélectriques
a) Diélectrique à faible permittivité
b) Diélectrique à permittivité moyenne
c) Diélectrique à forte permittivité
2) Propriétés électriques et physiques de ces diélectriques
a) Permittivité complexe et pertes diélectriques
b) Phénomènes de relaxation diélectriques : comportement fréquentiel
c) Effet du champ électrique
d) Piézoélectricité et ferroélectricité
Chapitre 2 Techniques expérimentales
I. La technique de dépôt de diélectriques par ALD
1) Le cycle standard ALD
2) Les réacteurs ALD
3) Conditions de dépôt en régime ALD : la fenêtre ALD
4) Les limites de l’ALD
5) Caractéristiques de l’équipement ALD utilisé
a) Les différents organes de l’équipement ALD
b) Procédé utilisé dans l’élaboration de couches diélectriques par ALD
II. Techniques de caractérisation physico-chimique des couches minces élaborées par ALD
1) Techniques de caractérisation par rayonnement X
a) La réflectométrie X ou XRR
b) Analyse de couches minces diélectriques par diffraction des rayons X
c) La spectroscopie de photoélectrons ou XPS
2) Techniques de caractérisation par microscopie
3) La spectrométrie de masse à ionisation secondaire ou TOF – SIMS
4) L’ellipsométrie
Chapitre 3 Etude des propriétés physico-chimiques des structures MIM à base d’oxyde de titane
I. Présentation des structures MIM élaborées
1) Choix des matériaux d’électrode
II. La fenêtre ALD pour le dépôt de TiO2
III. Caractérisation par rayonnement X
1) Caractérisation par XRR
a) Vitesses de dépôt par ALD du TiO2
b) Elaboration et mise en évidence de la couche de RuO2
2) Caractérisation XPS des couches de TiO2
3) Influence du substrat sur la structure cristalline du TiO2, caractérisation XRD et images TEM associées
IV. Analyse structurale des couches TiO2 dopées à l’Aluminium
1) Etude TOF – SIMS des couches ATO avant et après traitement thermique
2) Rugosité des interfaces du dispositif MIM
V. Conclusion
Chapitre 4 Etude des caractéristiques électriques des structures MIM à base d’oxyde de titane
I. Caractéristiques électriques des structures MIM : mesures de courants de fuite et de capacité surfacique
1) Les différents facteurs influençant la valeur de la capacité
2) Les différents facteurs influençant le niveau de courants de fuite
3) Influence du profil de dopage sur les propriétés électriques des structures MIM
4) Influence du traitement par plasma O2/Ar de la couche du diélectrique après déposition
5) Courants de conduction en fonction du temps (I(t)) pour des échantillons avec ou sans dopage
II. Etude des mécanismes de conduction dans les structures MIM avec couches de TiO2 dopé aluminium
III. Etude des performances électriques en basses fréquences des condensateurs MIM élaborés
1) Variation de la capacité en fonction de la fréquence
2) Linéarité en tension de la structure MIM en fonction du type de diélectrique déposé
IV. Conclusion
Conclusion générale
Perspectives