Introduction aux décharges électrostatiques (ESD – ElectroStatic Discharge), formes d’onde standardisées et outils de caractérisations

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Introduction Générale

Nous sommes actuellement dans un monde où l’électronique est omniprésente. Elle ne cesse d’évoluer et de s’intégrer dans tous les objets qui nous entourent. Il n’y aurait donc aucune limite ? À croire que tout ce qui peut être imaginé aujourd’hui serait réalisé dans le futur.
Prenons l’exemple de l’industrie automobile, qui aurait imaginé dans les années 1880, que nous serions capables de passer de la voiture vapeur à la voiture électrique.
L’électronique est apparue dans l’industrie automobile à partir des années 1920 avec de simples applications telles que les phares, le démarreur, la radio. Elle a été ensuite utilisée dans le moteur avec l’injection électronique qui permet une meilleure gestion du carburant nécessaire pour alimenter le moteur ou pour réguler la vitesse souhaitée par les utilisateurs (vers les années 1970). Dans les années 1980 le coût de l’électronique embarquée était d’un tiers du prix du véhicule. Durant ces années l’industrie automobile a intégré aux véhicules des assistances permettant d’améliorer la sécurité des passagers tel que l’assistance aux freinages afin d’éviter de bloquer les roues, connue sous l’abréviation ABS (Anti-lock Braking System). Ainsi que l’ESP (Electronic Stability Program) qui permet d’améliorer le contrôle de trajectoire en cas de dérapage non contrôlé du véhicule. Ainsi on introduit dans l’automobile une nouvelle électronique qui assiste le conducteur et ajoute de la sécurité, alors que jusque-là l’électronique avait pour fonction d’améliorer les performances moteur. Cette évolution est bien représentée dans la Figure 1.
Depuis elle n’a cessé d’être intégrée dans les véhicules et prend désormais une part importante du coup final du produit soit 35% en 2010. Comme vous pouvez le constater dans les véhicules modernes, l’électronique est utilisée partout. Elle se trouve dans les systèmes de commande, comme pour les vitres ou les rétroviseurs ou bien, sur le tableau de bord à usage indicatif pour le conducteur.
Figure 1 : Évolution en pourcentage du coût de l’électronique dans le prix final d’une voiture depuis 1920 à 2010 [1].
L’électronique actuelle permet de réaliser des systèmes embarqués bien plus complexes, capables de faire du traitement en temps réel et de prendre en charge aussi bien de la gestion moteur que des systèmes de sécurité. Pour ce faire, de l’électronique a été intégrée à tous les niveaux du véhicule, même dans les systèmes les plus critiques pour la sécurité des utilisateurs. Il y a aujourd’hui dans presque tous les véhicules de série un grand nombre de systèmes électroniques dit ADAS (Advanced Driver Assistance Systems) ayant pour rôle d’assister le conducteur en prenant en charge les principales fonctions. C’est le cas des systèmes tels que les systèmes de freinage (ABS), de trajectoire (ESP), la commande de l’accélérateur (BSM- Boitier de Servitude Moteur). Prenons l’exemple de la direction, des systèmes complexes de capteurs et de processeurs sont intégrés pour rajouter au véhicule de l’autonomie de décision comme la détection de franchissement de la ligne blanche avec une correction de la trajectoire automatique par le véhicule. Concernant le système de frein, si vous arrivez trop rapidement sur un véhicule, les automobiles équipées des systèmes électroniques adéquates sont capables de freiner toutes seules, jusqu’à l’arrêt, afin de respecter une distance de sécurité entre votre véhicule et celui que vous suivez. Le principal objectif de l’industrie automobile, outre le fait d’accroître le confort de l’utilisateur en lui proposant ces véhicules autonomes, est de garantir la sécurité d’autrui. En effet d’après le président directeur général de PSA, Carlos Tavares, « 90% des accidents sont liés à une erreur humaine » annoncée en 2015 sur Franceinfo [2] et ce chiffre avait été estimé à 95% dans un projet de loi de 2001 [3]. Des chercheurs de l’université de Carnegie Mellon à Pittsburgh ont démontré en 2016 [4] qu’une voiture qui possède les systèmes de sécurité énoncés précédemment permettraient d’éviter 24% des accidents annuels aux États-Unis.
Depuis peu, les concepteurs automobiles font appel à l’intelligence artificielle capable de prendre des décisions selon une situation [5][6]. L’industrie automobile pense être capable de réaliser des voitures totalement autonomes grâce à toute l’électronique embarquée. C’est-à-dire un véhicule capable de transporter des passagers d’un point à un autre sans l’intervention de l’homme hormis pour donner la destination finale. Avec de tels véhicules, le risque de l’erreur humaine n’existe plus. La capacité d’embarquer de l’intelligence artificielle dans les véhicules sera le facteur clef pour arriver à cet objectif [7].
Cependant pour que le véhicule autonome soit plus fiable que l’être humain, tous les systèmes embarqués doivent être fonctionnels au moment de la prise de décision au risque de mettre en danger ces passagers ou d’être un danger pour les autres [8]. Dans une présentation à la conférence IEW 2016 [9] une estimation faite par Audi donne les chiffres suivants : un véhicule de haut de gamme possède 7000 composants à semi-conducteurs qui ont statistiquement une erreur intrinsèque par millions. Pour 4000 voitures par jour il y aurait alors environ une erreur toutes les heures. De plus l’électronique embarquée dans les véhicules est régulièrement soumise à des changements d’atmosphère telles que la variation de température ou d’humidité, mais elle est également sujette à d’autres phénomènes qui peuvent induire des défaillances telles que les décharges électrostatiques ou « ElectroStatic Discharges » (ESD) en anglais.
Une décharge électrostatique est le résultat du passage de charges accumulées par une entité vers une autre chargée à un niveau différent. Ces décharges sont rapides et peuvent atteindre quelques kilovolts et des dizaines d’ampères. Un système électronique embarqué dans un véhicule subit deux décharges électrostatiques par jour selon l’étude de Renault [10]. Dans l’étude, ils démontrent que ces décharges pouvaient faire déclencher spontanément l’airbag du véhicule. Ces décharges peuvent subvenir à tout moment et à tout niveau dans un système.
Ma thèse s’inscrit dans ce contexte, et vise à trouver des solutions pour prédire l’impact des décharges sur les systèmes embarqués en simulation. Cela permettra au concepteur du système de le modifier autant de fois que nécessaire durant la phase de conception afin de trouver la configuration la plus robuste. Il pourra par la suite lancer la production du produit. Ces travaux de thèses sont guidés par le projet EFT-SAFE3A (Electrical Fast Transient –SAFE Embedded electronics for Aeronautic and Automotive Applications), financés par l’agence nationale de la recherche (ANR). Dans ce projet nous travaillons en collaboration avec un fondeur « FREESCALE » Toulouse, un équipementier automobile « VALEO » Créteil et des experts CEM de « NEXIO » Toulouse. Cela permet au cours de l’avancement des travaux d’avoir des discussions entre le fondeur et l’équipementier et ainsi bien définir le cahier des charges des modèles comportementaux. Cet aspect modélisation fait également partie des travaux collaboratifs réalisés dans le groupe de travail WG26 qui porte sur l’aspect « System ESD Modeling » de l’ESD Association (ESDA) dans lequel nous nous sommes investis tout au long de cette thèse.
Pour bien comprendre la problématique des décharges électrostatiques, le premier chapitre introduit la provenance de ces décharges ainsi que leurs conséquences sur les composants électroniques. Les études reportées dans ce chapitre montrent que ces stress peuvent engendrer des défaillances plus ou moins sévères sur les systèmes électroniques réparties en deux principales classes. La première défaillance, la plus étudiée, est la défaillance matérielle (« Hardware failure – en anglais). Cela signifie que le composant est endommagé de manière permanente. Dans ce cas il est nécessaire de procéder au remplacement de la partie détruite. Les défaillances matérielles issues de décharges ESD représentent 30% des retours client sur les systèmes. Elles ne peuvent donc pas être négligées car elles représentent un coup important pour les équipementiers et fabricants de systèmes. La seconde classe de défaillance sont les défaillances fonctionnelles, où les stress ESD provoquent des dysfonctionnements temporaires des systèmes. Cela peut se traduire par des pertes de fonctionnement temporaire (RESET) ou par des altérations d’exécution de code liées à des données erronées. Pour les applications embarquées dans l’automobile, de tels phénomènes ne sont pas envisageables au regard des enjeux de sécurité. C’est en connaissance de cause que les concepteurs de systèmes embarqués et de circuit intégrés (CI) font leur nécessaire pour protéger cette électronique d’éventuelles agressions. Ils mettent en place des protections qui dévient ces décharges des composants ou des zones sensibles. Ces protections rendent les composants ou les systèmes plus robustes voire immunes aux ESD. Des normes ont été développées telles que le standard IEC61000-4-2 [11]. Elles sont utilisées afin de vérifier et de quantifier la robustesse des composants et des systèmes du commerce vis-à-vis des ESD. La norme ISO 10605 [12] est utilisée spécifiquement pour caractériser la robustesse des systèmes électroniques dédiés aux applications automobiles. Outre les standards, un certain nombre d‘outils existent et sont essentiellement utilisés pour l’investigation. Tous ces outils de caractérisations qui ont été utilisés au cours de ces travaux seront détaillés dans ce premier chapitre.
Il n’existe à ce jour aucun moyen pour prédire l’impact d’un ESD dans un système au moment de la conception de celui-ci. L’expérience permettait jusqu’à il y a quelques années en arrière de développer des systèmes robustes, mais ceci n’est plus possible aujourd’hui. En cause, l’explosion du nombre de systèmes et les quantités d’informations à traiter dans les systèmes embarqués actuels, qui nécessitent des composants de très haute performance. Le domaine automobile est aujourd’hui un gros consommateur de processeurs (une centaine actuellement par voiture), et ce besoin de traitement explosera avec les voitures autonomes. Déjà, cela oblige, les équipementiers à modifier leur système autant de fois que nécessaire afin de respecter les standards et les exigences en termes de sécurité des systèmes électroniques embarqués. C’est donc une énorme contrainte et perte d’argent pour les équipementiers. Les fondeurs quant à eux s’obligent à fournir des composants bien plus robustes que nécessaire, par l’implémentation de structures de protection encombrantes et coûteuses. Pour pallier ce problème, le conseil d’industriel a écrit en 2010 dans un document [13] une méthodologie intitulée « System-Efficient ESD Design » (SEED). Cette démarche vise à concevoir des systèmes robustes face aux ESD. Pour ce faire, ils proposent des règles pour le partage d’informations sur les circuits intégrés (CI) et les systèmes de sortes à co-développer une stratégie de protection. De nouvelles méthodes de conception et d’analyse sont nécessaires. Pour y répondre, des travaux de N.Lacrampe [14] et N.Monnereau [15] ont précédemment été effectués sur l’analyse de la propagation du courant d’un ESD dans un système, du générateur jusqu’aux protections internes du composant qui défaillit. Ces études ont mené à l’élaboration d’une méthodologie de modélisation de système complet c’est-à-dire d’une carte électronique constituée de plusieurs composants simples ou élaborés comme les circuits intégrés. Cette méthodologie est détaillée dans le chapitre 2. Elle est appliquée sur des circuits intégrés LIN « Local Interconnect Network » utilisé dans les applications de communications automobiles. Nous montrerons les problèmes de convergences sur l’allure des transitoires liés à la méthodologie de modélisation. La prise en compte des transitoires est très importante pour prédire le chemin et l’impact d’un ESD dans un système. Nous proposons dans ce chapitre des méthodes pour extraire des éléments permettant d’améliorer les modèles comportementaux. Les résultats de simulations obtenus avec ces nouveaux modèles sont confrontés aux résultats des anciens modèles et à la mesure.

Table des matières

Introduction Générale
1 Introduction aux décharges électrostatiques (ESD – ElectroStatic Discharge), formes
d’onde standardisées et outils de caractérisations
1.1. Origine des ESD
1.2. Impacts des ESD sur l’électronique
1.2.1. Au niveau des composants
1.2.2. Dans les systèmes électroniques
1.3. Les moyens mis en oeuvre pour y remédier (Protection ESD)
1.3.1. Réseaux de protections internes
1.3.2. Protections externes
1.4. Les formes d’ondes des ESD, normes et testeurs associés
1.4.1. Testeurs de décharges pour les composants (HBM, MM, CDM)
1.4.2. Testeurs de décharges pour les systèmes
1.4.2.1. Standards IEC 61000-4-2 / HMM / ISO 10605.
1.4.2.2. Cable Discharge Event (CDE)
1.5. Outils de caractérisation des protections ESD
1.5.1. Impulsion par Ligne de transmission : Transmission Line Pulse (TLP)
1.5.1.1. Réflectométrie temporelle : Time Domain Reflectometrie (TDR)
1.5.2. Le VF-TLP : Very Fast Transmission Line Pulse
1.5.3. Le MR-TLP (Multi Réflexions TLP)
1.5.4. Le TLP comme standard HMM
1.5.4.1. Le générateur TLP2P
1.5.4.2. Le générateur TLP-HMM
1.6. Conclusion
2 Méthodologie de modélisation des systèmes
2.1. Modèles de composants passifs
2.1.1. Problématique des condensateurs Multi-Couches en Céramique (MLCC)
2.1.1.1. Les différentes classes de condensateurs MLCC
2.1.1.2. Modèle comportemental d’une capacité MLCC
2.1.1.3. Première méthode pour extraire la caractéristique C(V)
2.1.1.4. Simulation d’une capacité de deuxième classe
2.1.1.5. Deuxième méthode : caractéristique C(V) temporelle
2.1.1.6. Impact des condensateurs MLCC de 2ème classe dans les systèmes
2.2. Modélisation de protections ESD
2.2.1. Modèle quasi-statique
2.2.2. Modèle de circuit intégré (CI)
2.2.3. Mise en oeuvre sur un circuit intégré dédié à une application automobile
2.2.3.1. Description du circuit intégré étudié : le LIN
2.2.3.2. De la caractérisation TLP au modèle comportemental
2.2.3.3. Configuration de mesure et d’injection sur la carte LIN
2.2.3.4. Analyse des résultats de simulations et de mesures
2.2.3.5. Conclusion sur le modèle comportemental quasi-statique
2.3. Modèle dynamique développé
2.3.1. Principe du modèle dynamique
2.3.2. Extraction des paramètres dynamiques.
2.3.2.1. Extraction du modèle comportemental de la charge de la protection
2.3.2.2. Extraction du modèle comportemental de la mise en conduction de la protection
2.3.3. Validation du modèle dynamique
2.3.4. Communication LIN soumise à un stress ESD
2.3.4.1. Configuration de mesure et de simulation
2.3.4.2. Analyse des résultats de mesure et de simulation des modèles dynamiques
2.4. Conclusion
3 Recherche de méthodes pour extraire un modèle dynamique
3.1. Modéliser le composant à partir d’une courbe Z(t)
3.2. Mise en place d’un modèle équivalent par l’utilisation des paramètres [S].
3.2.1. La « linéarité » d’une protection ESD
3.2.2. Principe et théorie
3.2.3. Mise en oeuvre
3.2.3.1. Extraction de Vréfléchie et Vincident à partir de la mesure TLP-TDR
3.2.3.2. Choix et configuration des appareils de mesure et de caractérisation
3.2.4. Validation sur un circuit RLC
3.2.4.1. Validation sur la simulation du circuit RLC
3.2.4.2. Validation sur la mesure du circuit RLC
3.2.4.3. Extraction du modèle SPICE sur ADS du circuit RLC mesuré
3.2.5. Application de la méthodologie sur une protection ESD de circuit intégré
3.2.5.1. Résultats sur les circuits intégrés numéro 1 et 2
3.2.5.2. Résultats sur le circuit intégré numéro 3
3.3. Analyse des paramètres [X] pour la modélisation des protections ESD
3.3.1. Principe des paramètres [X]
3.3.2. Configuration pour la mesure de paramètres [X]
3.3.3. Simulation de composants non linéaires grâce aux paramètres [X]
3.4. Proposition d’extraction de paramètres dynamiques via le TLP2P
3.5. Conclusion
4 Modèles génériques pour la détection de défaillances matérielles et fonctionnelles
dues à un ESD
4.1. Les défaillances matérielles
4.1.1. Détection des défaillances matérielles dues à un ESD
4.1.1.1. Configuration de mesure et extraction de courbes W&B
4.1.1.2. Analyse des résultats de mesure
4.1.1.3. Modèle pour la simulation
4.2. Erreurs fonctionnelles dues à un ESD
4.2.1. Détection d’erreurs dans une communication LIN sous stress ESD
4.2.2. Configuration de test.
4.2.3. Critères de défaillance fonctionnelle du LIN
4.2.4. Modèle complet du circuit intégré pour la prédiction des défaillances
4.2.5. Validation du modèle
4.2.5.1. Validation du modèle avec une injection TLP
4.2.5.2. Validation du modèle pour une injection MR-TLP
4.2.5.3. Validation du modèle avec un stress HMM
4.2.6. Etude des erreurs fonctionnelles lors d’une communication LIN maître esclave
4.2.6.1. Analyse des résultats
4.2.6.2. Comparaison des résultats du LIN testé seul et en configuration Maitre Esclave.
4.3. Conclusion
Conclusion générale
Liste des publications
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