Introduction au Management Interculturel.
Carlos A. Rabassó, professeur associé à l’ESC Rouen, est en charge de la Diversité au sein du groupe. Docteur ès Lettres (université Paris VIII), il a participé à des conférences dans différents pays d’Europe et d’Amérique sur des aspects en rapport avec la diversité culturelle. Fco. Javier Rabassó, titulaire d’un PhD à l’université de Toronto (Canada), est maître de conférences à l’université de Rouen. Frères jumeaux, ils ont publié en collaboration quatre ouvrages et une trentaine d’articles. Au sein du département des Langues des Cultures et des Sociétés de l’ESC Rouen, Carlos et Javier Rabassó assurent des enseignements interculturels au travers de cours permettant de comprendre les réalités linguistiques, culturelles et économiques des pays étudiés. Les recherches des deux auteurs portent sur les thèmes de l’économie et de la sociologie culturelle, du management interculturel, de la pédagogie des langues. Postulat de l’ouvrage . Le management interculturel mène implicitement à la gestion de tous les aspects de la diversité entre les peuples. Il convient ainsi d’avoir une approche critique du management traditionnel. Les cultures et identités et les différents modèles de management interagissent intimement. Le management interculturel est une opportunité de meilleure entente entre les peuples et de partage de leurs cultures ? Résumé de l’ouvrage Introduction – Du management au manager transculturel L’ouvrage traite, d’un point de vue critique, du management interculturel sous ses aspects comparatifs, à partir d’une analyse des compétences interculturelles et sur le plan de la diversité. Chapitre I – Culture(s) et Identité(s) 1. Cultures nationales et cultures d’entreprise Les études qui portent sur la culture sont assez récentes (19ème siècle) : Edward B. Tylor (4) qui examinait les rites et coutumes du Mexique, Charles Darwin (5) avec sa théorie de la sélection naturelle. Herbert Spencer (6), philosophe britannique, en arrive à la conclusion qu’il existe des cultures « supérieures » occidentales et des cultures « inférieures », les autres… Un siècle pus tard, le monde occidental devient le référent politique indiscutable selon Fukuyama (7) ; la religion serait à l’origine de l’identité culturelle des peuples d’après Huntington (8). Le complexe des pays colonisés sera étudié notamment par des écrivains tels que Franz Fanon (9), Jean-Paul Sartre (10) ou André Breton (11). Il s’avère qu’au travers de l’étude des cultures nationales, une grande part d’entre elles font partie de la culture de leurs entreprises. Les entreprises familiales sont à l’image de leur pays d’origine. A noter qu’un certain nombre d’entre elles, créées avant le 18ème siècle, sont toujours en activité de nos jours. 2. Les théories du management interculturel Selon Geert Hofstede (12), les dimensions culturelles influent sur la manière de percevoir l’espace, le temps et les relations interpersonnelles. Il établit des liens entre les modèles de gestion et les cultures organisationnelles. Il identifie trois niveaux de réalité: la réalité individuelle, le collectif et l’universel. Cinq dimensions relatives aux cultures nationales sont distinguées. Hofstede (12) établit une liste des différences entre les deux cultures plutôt qu’un comparatif. D’après Fons Trompenaars (1) et Charles Hampden (2), le modèle de culture est composé de trois niveaux : un niveau « observable », un niveau « médiane » et un niveau « implicite ». Dans leur ouvrage « Riding the Waves of Culture », ces deux auteurs distinguent 7 dimensions.
Dimension 1, la distance du pouvoir.
Les 5 premières sont liées aux problèmes avec les autres : l’universel et le particulier, le groupe et l’individu, l’objectivité ou la subjectivité, le limité ou le diffus et les réalisations ou la position sociale. Une 6ème dimension est liée au temps qui passe et la dernière est relative à l’environnement. 3. La communication interculturelle En fonction de la culture, la communication ne revêt pas la même signification. Dans les cultures occidentales, l’apprentissage d’une langue et son utilisation orale ou écrite permet de transmettre les idées, les pensées et les émotions. La notion de pouvoir prévaut et tout est mis au service de la compétitivité. Il faut convaincre par la raison. Le mode de communication est direct et explicite. Dans les cultures d’Asie, la connaissance représente un moyen de vivre mieux en harmonie avec la nature. Le développement des sentiments est l’objectif principal de la communication, les échanges sont émotionnels et ce qui compte c’est le processus. La communication est plus indirecte et implicite. D’après T. Hall (3) il existe une culture de haut contexte (intériorisation, communication non verbale importante) comme en Asie, en Afrique ou au Moyen-Orient et une culture de contexte faible (information largement explicitée, raisonnements verbaux) comme aux Etats-Unis ou en Europe du Nord. Il parle également de proxémique ou l’étude des distances entre la communication interpersonnelle liées à l’utilisation de l’espace public ou privé. Quatre distances sont identifiées, chacune subdivisées en deux phases, une proche et une éloignée : la distance intime, la distance personnelle, la distance sociale et la distance publique. Le rapport à l’espace est opposé entre cultures nordiques et cultures latines : des distances doivent être respectées pour les premiers, la proximité est la bienvenue pour les secondes. Le rapport au temps a évolué avec les siècles ; la maîtrise de celui-ci devient de plus en plus obsessionnelle. Mais des différences de conception sont notables d’une culture à l’autre : selon Hall (3), deux types de systèmes temporels existent : le monochronique et le polychronique. L’étude de toutes ces variantes est fondamentale pour améliorer les relations interculturelles. Chapitre II – Les modèles du management interculturel Sept grands modèles de management interculturel peuvent être distingués, auxquels il serait possible d’y ajouter d’autres sous modèles. 1. Le modèle anglo-saxon Dans ce modèle, la société est composée de vainqueurs et de vaincus résultat de la compétitivité (loi de l’offre et de la demande), du besoin d’abondance, d’individualisme et de valeurs patriotiques. La priorité est donnée au financier au détriment du social. La communication reconnue est écrite. Le formalisme et la bureaucratie caractérisent le système de fonctionnement, le temps est l’élément central de la productivité. 2. Le modèle latin Pour comprendre le modèle latin, il faut évoquer le grand contraste entre le rôle centralisateur de l’Etat et le comportement rebelle de ses citoyens. La logique du profit et du bénéfice à tout prix est soumise à des critères sociaux. La notion de succès personnel est liée au respect des traditions et aux valeurs ancestrales du groupe. Les relations sont de type paternaliste entre le chef et ses subordonnés. La culture d’entreprise est dominée par la créativité, un équilibre entre le social et l’économique. 3. Le modèle asiatique La Chine : philosophiquement parlant, le modèle chinois utilise les points forts contre les faiblesses des autres (stratégie militaire). En entreprise, des objectifs communs doivent être partagés de tous au sein d’une même famille. Les qualités essentielles pour un manager chinois sont : le savoir, la sincérité, l’abnégation, le courage et la fermeté. La structure des organisations chinoises est simple et informelle avec un mode de prise de décision intuitif, unilatéral et autoritaire. Le Japon : les employés sont excessivement loyaux vis-à-vis de leur entreprise dont le niveau de production est élevé et l’organisation très hiérarchisée. Le système japonais est extrêmement compétitif, assure la sécurité de l’emploi et fonctionne sur des décisions prises d’un commun accord entre toutes les personnes consultées. La Corée : le système de valeurs est binaire, basé sur le yin et le yang et influence énormément le management. Mais les manifestations individualistes ne peuvent pas être détachées du groupe. Les groupes se forment sur le principe de la confiance, sont formels ou informels. Le système de management est caractérisé par des décisions prises au plus haut niveau, un leadership paternaliste, la recherche de l’harmonie de l’individu dans le groupe, la flexibilité et la mobilité.
L’Inde pratique une culture dite de « haute distance », avec un mode de management clairement hiérarchisé. Le pouvoir est très concentré et il établit des relations de dépendance vis-à-vis du manager. L’organisation est basée sur les castes, donc sur une segmentation sociale profonde. La culture de l’Inde est complexe et variée ; pourtant le collectivisme est une caractéristique commune à l’ensemble du peuple indien. Les grandes valeurs de l’Inde sont : les valeurs spirituelles, cosmiques (la nature humaine), sociales (le groupe) et humaines (personnelles). 5. Le modèle musulman Quatre niveaux d’existence reflètent le monde musulman : une prise en compte de ses intérêts personnels, des règles de conduite strictes, la prise de conscience du mal, un esprit en parfaite harmonie avec les désirs et besoins essentiels. Ces niveaux d’existence ont des conséquences sur le management et les différents systèmes d’organisation : stratégies adaptées, mode de récompenses, motivation. Les idéaux de justice et de morale expliquent la pratique répandue du « marchandage ». Toute forme d’incertitude doit être exclue d’un contrat ou d’une transaction. 6. Le modèle africain Il n’y a pas de modèle unique de management africain et diverses formes de sociétés coexistent. Certains facteurs communautaires (aides mutuelles) sont des freins à l’évolution de l’entreprise mais le sens de la solidarité crée de la cohésion sociale et permet souvent d’éviter les conflits. La parole a une valeur sacrée et, associée à l’hospitalité, offre à l’entreprise des éléments d’intégration et d’adaptabilité. 7. Le modèle slave Les valeurs slaves se situent entre collectivisme et justice sociale (idéologie socialiste). La motivation est fondée sur les idéaux de progression collective. Le mode de fonctionnement des entreprises est autarcique et des économies parallèles et souterraines se développent. Avec la mort du système socialiste de l’Union soviétique, les pratiques de management se sont libérées et transformées, bénéficiant de la loi de l’offre et de la demande, du commerce international. Peu à peu la structure des organisations se démocratise. *** Chapitre III – Les compétences interculturelles dans l’entreprise 1. Analyse des compétences interculturelles dans l’entreprise La compétence interculturelle s’inscrit dans le cadre des compétences professionnelles. Quatre niveaux différents de compétences professionnelles existent : techniques, sociales, participatives et méthodologiques. L’interculturel repose sur la mise en œuvre de comportements communicatifs divers en acceptant la diversité de ses participants : tolérance et attentes positives sont essentielles. Pour développer des compétences interculturelles il faut : De la transversalité au sein de l’entreprise (fonctions multi disciplinaires) Des possibilités d’interactions multiples entre les individus Un sens développé de l’ouverture relationnelle La compétence interculturelle est caractérisée par trois niveaux : émotionnel, cognitif et comportemental. Elle se traduit par la notion primordiale « d’adaptation transculturelle », reposant sur trois phases essentielles pour l’individu dans son activité professionnelle que sont le diagnostic, la relation et la confrontation. 2. L’adaptation transculturelle et la construction de la troisième culture Dans un dialogue interculturel, le principe de l’égalité représente le point de départ. Un haut niveau d’incertitude rendra la communication plus difficile tandis qu’un niveau faible la facilitera. L’anxiété est la conséquence émotionnelle de l’étrangeté dans le processus de communication. Plus les interlocuteurs ont de points communs, plus la communication est efficace. Dans sa théorie de l’anxiété et de l’incertitude, Gudykunst (14) met en exergue trois aspects fondamentaux pour la compétence communicative : la motivation, la connaissance et la capacité à susciter l’empathie. La théorie de Young Yun Kim (15), professeur en communication à l’Université d’Oklahoma, expose les facteurs essentiels qui déterminent le degré auquel s’adaptent les individus à une culture peu familière. L’adaptation est un processus complexe d’échanges entre l’individu et son environnement. L’étranger qui souhaite s’acculturer doit le faire par le biais de l’imitation et du mimétisme. L’adaptation transculturelle comporte les phases d’apprentissage, d’acculturation et de déculturation. La société d’accueil devra en retour développer de la « réceptivité »… Selon les théories de Brockman (16) l’apparition d’une troisième culture est la conséquence inévitable de nouvelles épistémologies que sont les arts, les sciences et les technologies. La troisième culture se construit progressivement et naturellement, dans un contexte de mobilité et de changements. Elle est la conséquence de la communication interculturelle et s’appuie sur la dimension individuelle (être citoyen du monde), organisationnelle (entreprises multiculturelles) et médiatique (culture de masse). 3. Qu’est-ce qu’une formation interculturelle ? La formation interculturelle vise au bon exercice de l’activité professionnelle dans des contextes de travail interculturels, orientée vers la formation permanente.