Le vingtième siècle a vu le vecteur électricité se répandre au point de devenir indispensable au fonctionnement de nos sociétés. Le développement des dispositifs électromagnétiques de façon de plus en plus intensive nécessite l’emploi de matériaux de plus en plus performants. Ainsi, la maîtrise des pertes d’énergie dans les machines électriques, ou la réduction de la masse des matériels électriques dans les systèmes embarqués, passe par un choix adéquat des matériaux utilisés pour leur fabrication.
Les principaux éléments constitutifs des dispositifs électromagnétiques sont les matériaux diélectriques et ferromagnétiques. Cette étude porte sur deux points du comportement de ces matériaux. Le premier point concerne la déformation de magnétostriction (resp. d’électrostriction) apparaissant à l’application d’un champ magnétique (resp. électrique). Ces déformations spontanées sont intrinsèques à ces matériaux. Bien que de faible amplitude, ces déformations sont généralement nuisibles au fonctionnement des dispositifs électromagnétiques. On sait par exemple que la déformation de magnétostriction est l’une des sources du bruit émis par les machines électriques, en particulier les transformateurs. Le second point est l’effet de l’application d’une contrainte mécanique sur le comportement magnétique (resp. diélectrique). L’application d’une contrainte conduit à une modification des propriétés magnétiques (resp. diélectriques) de ces matériaux. Cette modification du comportement magnétique (resp. diélectrique) peut avoir une incidence sur les performances des dispositifs électromagnétiques. Il est à noter que les sources potentielles de contraintes sont nombreuses, qu’elles soient héritées des procédés de fabrication ou associées aux conditions de fonctionnement.
Pour certains matériaux, les déformations induites par les champs électromagnétiques peuvent atteindre des amplitudes considérables (de l’ordre de 10⁻³ ). C’est le cas notamment de certaines céramiques piézoélectriques et de certains alliages de terres rares et de métaux de transition, communément appelés matériaux à magnétostriction géante. Ces matériaux sont appelés matériaux actifs, car ils sont le siège d’une conversion d’énergie. Cette conversion d’énergie résulte des couplages entre les propriétés électromagnétiques et mécaniques au sein de ces matériaux. Les matériaux actifs sont à la base du fonctionnement d’applications nécessitant soit une conversion de type actionneur magnétique-mécanique (resp. électrique-mécanique) soit une conversion de type capteur mécanique-magnétique (resp. mécanique-électrique). Ces applications emploient généralement un seul élément actif. Cependant, la conception de nouvelles architectures à base de matériaux actifs peut tirer partie d’une association d’éléments actifs, notamment de matériaux à magnétostriction géante et piézoélectriques. L’association de ces matériaux actifs conduit à un effet couplé appelé “Effet Magnéto-Électrique ». La présence d’un champ magnétique engendre une déformation du matériau magnétostrictif, qui, transmise au matériau piézoélectrique, est à l’origine d’une polarisation électrique. Inversement, un champ électrique dans un matériau piézoélectrique peut induire une modification de l’aimantation dans le matériau magnétostrictif.
La conception d’une nouvelle génération de structures actives utilisant cet effet demande le développement de modèles de comportement fiables, ainsi que d’outils de modélisation robustes pour la résolution des problèmes couplés dans le but d’optimiser ces structures. L’étude présentée ici concerne ce couplage magnéto-électrique résultant d’une association de matériaux magnétostrictifs et piézoélectriques. L’objectif consiste à obtenir un modèle magnéto-électrique capable de rendre compte de ces effets de couplage. On verra que ce modèle consiste à obtenir la formulation de problèmes magnéto-mécanique et électromécanique résolue simultanément par une méthode numérique basée sur les éléments finis.
Les difficultés associées à la résolution de ce problème sont de plusieurs natures. Il s’agit tout d’abord de définir des lois de comportement magnéto-élastique macroscopique. Ces lois doivent décrire le plus précisément possible le comportement couplé des matériaux considérés, et être par ailleurs facilement intégrable dans un logiciel de calcul des champs. Il s’agit en l’occurrence de définir des termes du second ordre relatifs à l’effet des contraintes sur le comportement magnétique ou à l’effet du champ magnétique sur l’état de déformation. Ces effets s’ajoutent aux effets non-couplés, termes du premier ordre, dont dépendent essentiellement les matériaux considérés (l’aimantation dépend principalement du champ magnétique appliqué et la déformation de la contrainte).
L’établissement de ces lois de comportement nécessite l’obtention de données expérimentales. Ces données expérimentales doivent décrire le plus précisément possible l’état magnéto-élastique d’un échantillon sollicité simultanément par une contrainte mécanique et par un champ magnétique. L’une des difficultés majeures dans la conception de ce type d’expérimentation réside dans la maîtrise des conditions aux limites, en particulier du point de vue mécanique.
Il s’agit également de définir des formulations adaptées à la résolution de ce type de problème fortement non-linéaire. L’utilisation de méthodes robustes pour la résolution numérique est alors nécessaire.
Phénomènes de couplages
Jusqu’à présent, on s’est intéressé, de façon découplée, aux comportements électromagnétique et mécanique. Cependant, des couplages ont lieu entre les états électromagnétiques et mécaniques. Ces couplages se manifestent principalement de deux façons : une déformation induite par une sollicitation magnétique (resp. électrique) et une modification de l’état magnétique (resp. électrique) sous l’effet des contraintes. Il convient alors de distinguer deux niveaux de couplages. Les couplages dits globaux et ceux dits locaux ([Hirsinger et Billardon, 1995]). On parle de couplage global dès que la solution d’une équation d’équilibre vient induire une modification de la solution d’une autre équation d’équilibre. Typiquement, ce cas est celui où l’on cherche la solution d’équilibre d’une structure mécanique soumise à des efforts d’origine électromagnétique. Le couplage local quant à lui intervient dans la définition des lois de comportement. Le couplage local se définit alors par la relation existant entre, au minimum, deux lois de comportement : la modification d’une variable d’état intervenant sur plusieurs lois à la fois. Ainsi, dans le cas où des phénomènes magnétiques, mécaniques et électriques cœxistent, différents couplages électro-magnéto-mécaniques peuvent être mises en évidence par les fonctionnelles suivantes :
B = F(H, S, E) (1.25) σ = F(H, S, E) (1.26) D = F(H, S, E) (1.27)
Les phénomènes résultants sont observables au niveau macroscopique, mais proviennent essentiellement d’interactions microscopiques.
Couplage global – Efforts d’origine électromagnétique
Différentes formulations permettent de calculer les efforts exercés sur un matériau plongé dans une distribution de champ électromagnétique. Selon les circonstances, elles peuvent conduire à des distributions d’efforts électromagnétiques différentes ([Müller, 1990], [Henrotte et Hameyer, 2004]), cependant les résultantes globales sont identiques. Les formulations basées sur les notions de sources équivalentes, courants fictifs. . . , ne feront pas l’objet d’un développement dans ce document. Ces formulations constituent des extensions des concepts introduits pour modéliser la polarisation des matériaux magnétiques et diélectriques. Le lecteur pourra toutefois se reporter à [Arzeliès, 1963] et [Barré, 2003] pour une description détaillée de ces formulations.
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