Décentralisation budgétaire Un guide d’introduction à la gestion des finances publiques
Un aperçu de la décentralisation budgétaire
Introduction à la décentralisation budgétaire
Ce guide d’introduction à la gestion des finances publique fournit des conseils pratiques pour relever les défis de la mise en œuvre de la décentralisation budgétaire. Elle s’adresse principalement aux décideurs, c’est-à-dire aux fonctionnaires et à leurs conseillers qui s’attaquent aux défis de la réforme de la décentralisation budgétaire pour leurs dirigeants politiques. L’analyse part du point de vue que la décentralisation, y compris ses éléments budgétaires, se produit rarement parce que les politiciens veulent uniquement améliorer la prestation des services. Ce sont plutôt des facteurs politiques plus larges et plus complexes qui sont à l’origine de la décision d’un gouvernement central de céder des pouvoirs et des ressources aux organismes gouvernementaux infranationaux. Des préoccupations pour améliorer la gouvernance sont souvent au cœur d’une telle décision. Cela peut inclure la volonté visant à améliorer l’inclusion et la participation (comme en Bolivie et au Pérou, par exemple), en réponse à des événements majeurs tels qu’une crise politique ou économique (comme aux Philippines, en Indonésie et au Kenya), dans le cadre d’un passage d’un gouvernement autoritaire à la démocratie (comme au Brésil, au Mexique et en Afrique du Sud) ou encore en raison de la nécessité de renforcer ou de reconstruire la légitimité de l’État dans tout le pays à la suite d’un conflit civil (comme au Cambodge, en Colombie, en Éthiopie, au Rwanda et en Ouganda). Ce n’est que dans quelques pays, comme l’Inde et la Tanzanie, que la décentralisation a été justifiée avant tout comme un moyen d’améliorer la prestation des services (Faguet, 2014 ; Eaton et al, 2011). Si la décentralisation peut être motivée à un degré plus ou moins élevé par des décisions politiques, les fonctionnaires sont susceptibles d’avoir des préoccupations très différentes. Les fonctionnaires d’un ministère des Finances, par exemple, peuvent se préoccuper des conséquences de donner un contrôle financier au gouvernement local qui a un pouvoir inférieur. En revanche, les fonctionnaires des ministères sectoriels responsables de l’éducation, de la santé, des routes et de l’eau peuvent être préoccupés principalement par l’amélioration de la prestation des services. Les fonctionnaires du gouvernement local, quant à eux, tendent à soutenir les réformes qui leur procurent des budgets plus élevés, une plus grande autorité et un plus grand contrôle sur les décisions. Le principal défi dans la gestion de la décentralisation est de trouver un équilibre approprié entre la surveillance centrale et l’autonomie locale. L’objectif est de tirer le meilleur parti de la plus grande capacité technique du gouvernement central et, en même temps, de plus grandes connaissances et responsabilités des gouvernements locaux. Ce guide d’introduction vise à fournir des conseils pratiques spécifiquement sur la décentralisation budgétaire, c’est-à-dire la manière dont le contrôle et la responsabilité de la gestion des fonds sont transférés du gouvernement central au gouvernement infranational. Deux thèmes vont se répéter à travers ce guide pratique. Premièrement, il n’existe pas de « plan directeur », ni de meilleures pratiques que les pays puissent simplement adopter dans leurs réformes de décentralisation, y compris la décentralisation budgétaire. Les réformes se produisent pour des raisons différentes et ne commencent jamais par faire « table rase », ce qui signifie que les réformes doivent être adaptées au contexte institutionnel existant. Deuxièmement, la décentralisation et ses composantes budgétaires doivent être considérées comme un processus et non comme un point final. Tout processus de réforme prendra des années et devra être ajusté au fur et à mesure que les leçons seront tirées de la mise en œuvre.
La décentralisation dans son contexte
Avant d’aborder les principes et les considérations clés qui devraient guider la conception des réformes de décentralisation, il est nécessaire de définir et de contextualiser la décentralisation et d’identifier son impact potentiel.
Qu’est-ce que la décentralisation ?
Afin de définir ce que l’on entend par réformes de décentralisation, il est essentiel de distinguer clairement entre décentralisation et déconcentration. La déconcentration se réfère à la façon dont les responsabilités et la dotation en personnel sont gérées au sein des structures ministérielles du gouvernement central. Il s’agit d’un transfert de responsabilités, de pouvoirs et de ressources au sein du gouvernement national, en provenance du siège vers les bureaux régionaux et locaux (PEFA, 2013). Contrairement à la décentralisation, la déconcentration a lieu au sein des organismes gouvernementaux centraux plutôt qu’entre le gouvernement central et un échelon subalterne de gouvernement. Par exemple, si un ministère de l’Éducation établit des bureaux de district et dispense un certain degré de pouvoir de gestion à ces bureaux, il s’agit d’une déconcentration. Dans ce cas, tout le pouvoir reste entre les mains du ministère du gouvernement central. Pour leur part, les responsables de l’éducation au niveau du district continuent de rendre compte au ministère de l’Éducation du gouvernement central et sont rendus responsables. La décentralisation, au contraire, est le transfert ou la réaffectation de pouvoirs spécifiques « avec tous les attributs administratifs, politiques et économiques que ces pouvoirs impliquent du gouvernement central aux gouvernements infranationaux qui sont autonomes dans leurs sphères d’autorité géographique et fonctionnelle » (Faguet, 2014). Au lieu de rendre des comptes à un niveau supérieur du gouvernement, les gouvernements locaux deviennent donc responsables devant leurs électeurs locaux. Revenant à l’exemple d’un bureau d’éducation de district, dans un système décentralisé, ce département relèverait du dirigeant politique élu pour le district, qui est supervisé par un conseil élu de district plutôt que par le ministère central de l’Éducation. Dans un tel système, le ministère de l’Éducation du gouvernement central n’a pas de rôle direct dans l’enseignement primaire, puisque les enseignants et les écoles sont gérés par le gouvernement local.
Quel impact peut avoir la décentralisation ?
Alors que la décentralisation peut être plus ou moins motivée par des décisions politiques, la principale préoccupation des fonctionnaires d’un ministère des Finances – et des ministères sectoriels responsables de l’éducation, de la santé, des routes et de l’eau – est souvent de fournir des services publics. La question qui se pose, par conséquent, est celle des effets de la décentralisation sur la prestation des services. L’argument le plus important en faveur de la décentralisation est qu’elle améliorera la responsabilisation et la réactivité du gouvernement et augmentera ainsi l’efficacité globale du gouvernement. Pour ce faire, elle doit modifier les structures de gouvernance afin d’accroître la voix des citoyens et de renforcer les incitatifs des fonctionnaires afin de fournir des services. Le principal mécanisme d’amélioration de la prestation de services vient du fait que la décentralisation accroîtra la responsabilisation et la réactivité des gouvernements locaux et améliorera en définitive les services publics (Faguet, 2012). Cet argument est étayé par des études récentes sur l’impact de la décentralisation sur la prestation des services. Ces études mettent l’accent sur ses effets positifs, constatant que les gouvernements locaux décentralisés offrent une qualité et une quantité accrues de services publics. Channa & Faguet (2016) ont classé ces études en fonction de la solidité des preuves et ont constaté que, même si certaines études montrent des résultats mitigés dans l’ensemble, les études de plus haute qualité montrent les effets les plus positifs de la décentralisation. Martinez Vazquez et al. (2015) rapportent des résultats similaires. Selon les auteurs, la décentralisation améliore la prestation des services dans le secteur de l’éducation, mais les résultats sont plus mitigés dans le secteur de la santé, y compris des preuves d’effets négatifs de la décentralisation sur la prestation de services de qualité.