INTOXICATION AU CANNABIS PAR INGESTION ACCIDENTELLE

INTOXICATION AU CANNABIS PAR INGESTION ACCIDENTELLE

LE CANNABIS

Le cannabis représente la drogue la plus consommée dans le monde avec 188 millions de consommateurs en 2017 (soit environ 4% de la population mondiale). (1) En France, il est également de loin la substance illicite la plus consommée. En 2017, 45% des adultes âgées de 18 à 64 ans déclarent avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie. (2) La France devance clairement les autres membres de l’Union Européenne comme le décrit l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) avec une prévalence d’usage nettement supérieure à celles observées dans la plupart des pays. (2) A. Informations générales La plante : Le cannabis, se regroupant en deux espèces avec l’humulus lupulus : le houblon, appartient à la famille des Cannabinacées. Ceux-ci sont des dicotylédones. Les botanistes modernes ne retiennent qu’une seule espèce : le cannabis sativa (ou chanvre fibreux) (3). Les deux principales formes de ce dernier sont le chanvre textile (cannabis sativa sativa) le THC (tétrahydrocannabinol) y étant limité à 0,2%, (4) répandu dans les climats tempérés où il est cultivé pour ses fibres et pour ses graines oléagineuses, et le chanvre indien ou type « drogue » (cannabis sativa indica) avec un taux de THC variant entre 1 et 50% en fonction de sa forme, il pousse de façon endémique dans les zones tropicales ou subtropicales. La spécificité du cannabis tient à la présence de cannabinoïdes responsables des effets psychotropes, les composés actifs sont le tétrahydrocannabinol mais aussi le cannabinol et le cannabidiol, surtout présents dans la résine. (3) Le principal responsable des effets psychoactifs recherchés lors de la consommation récréative est le delta-9-transtétrahydrocannabinol ( ∆9-THC), qui est classé comme stupéfiant. 28 Il représente le produit final de la dégradation des cannabinoïdes dans la plante. La consommation peut se faire sous plusieurs formes : (3,4) – L’herbe ou marijuana, ganja représente un mélange séché de sommités fleuries (feuilles tiges graines en proportions variables) Son taux de THC varie entre 1 et 10%. – La résine de cannabis ou haschich, forme la plus consommée, obtenue en tamisant ou en séparant les sommités florales séchées puis comprimées ensuite en forme de barrettes, pains, savons… Elle contient entre 5 et 15 % de THC. – L’huile obtenue à partir de l’extraction de la résine par de l’alcool à 90°. Elle est la plus concentrée en THC avec un taux variant de 10 à 50%. L’herbe et la résine sont le plus souvent fumées sous forme d’un joint mélangées ou non à du tabac tandis que l’huile, dont l’usage en Europe est moins répandu, est consommée à l’aide d’une pipe. Moins souvent le cannabis peut aussi être ingéré dans des préparations alimentaires (space cake) ou bu (infusions). Histoire du cannabis : Le cannabis ou chanvre est une plante connue et cultivée depuis longtemps par l’Homme. (3) La mention de cannabis, est retrouvée dans plusieurs textes égyptiens dont un datant du XVIIIème siècle avant JC avec mention de « la plante médicale de la marijuana ». Des textes anciens chinois et indiens rapportent aussi l’utilisation du cannabis notamment dans le Shen nung Ts’ao king, le plus vieux recueil traitant des plantes médicinales, attribué à l’empereur Shennong, avec pour principales prescriptions les vomissements, maladies infectieuses parasitaires et hémorragies. En occident, bien plus tard, au 19ème siècle, son utilisation thérapeutique est attribuée à Sir William Brooke O’Shaughnessy, qui étudiera les effets thérapeutiques du chanvre en Inde, notamment sur des patients atteints de rhumatisme, hydrophobie, choléra ou tétanos. Il en importera des spécimens à Londres et en popularisera son utilisation. Le chanvre entre dans la pharmacopée américaine en 1851. On rapporte son utilisation en tant que sédatif, analgésique, antispasmodique ou encore antiémétique, son usage étant donc multiple. C’est au cours du XXème siècle que les utilisations médicinales commencent à décliner avec arrêt des recherches et développement des applications thérapeutiques devant l’intérêt accru d’analgésiques de synthèse, le manque de standardisation de ces préparations et la prohibition globale du cannabis dans la moitié du 20ème siècle. C’est également à la moitié du 20ème siècle que la composition du cannabis sera identifiée avec découverte du delta-9-tetrahydrocannabinol comme étant l’ingrédient psycho-actif primaire du cannabis. L’utilisation ludique du cannabis va alors se développer de manière importante dans les sociétés occidentales. L’usage du cannabis ne se limite pas à ces seules utilisations récréatives ou médicinales. En effet on retrouve l’utilisation multiple du chanvre avec faible teneur en THC depuis l’antiquité. En Chine il servait tant à la fabrication de toile de papier ou de matériaux de construction. En occident on l’utilisait pour la fabrication de toile, cordage et linges. B. Épidémiologie de la consommation Dans le monde en 2017, environ 271 millions de personnes soit 5,5% de la population mondiale âgée de 15 à 64 ans avaient consommé des drogues dans l’année précédente, avec, à noter, une augmentation de 30% des consommateurs depuis 2009. (1) Pour le cannabis, la consommation est estimée à 188 millions de personnes en 2017. En Europe, la France, avec L’Italie, l’Espagne et la République Tchèque forment le quatuor de tête. Le cannabis reste la drogue la plus consommée au monde, en Europe et en France (5). En 2017, 45% des adultes de 18 à 64 ans déclarent avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie contre 33 % en 2010. (En France) (2,6) En 2014, la proportion d’usagers réguliers ou occasionnels est maximale entre 18 et 34 ans, âge compatible avec la parentalité. Par ailleurs, 8 % des 18-25 ans sont des usagers réguliers (au moins 10 consommations de cannabis dans le mois) et 4 % quotidiens (7). 

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Toxicocinétique et toxicopharmacologie 

Les effets neuropsychiques du cannabis fumé apparaissent environ 15 à 20 min après son inhalation chez un consommateur occasionnel, un peu plus tard chez un usager régulier. (8) Après inhalation et selon la manière de fumer 15 à 50 % du ∆9-THC présents dans la fumée sont absorbés et passent dans le flux sanguin et les concentrations sanguines maximales sont très rapidement atteintes, en 7 à 10 minutes. (9,10) Ces dernières sont également dosedépendante. Sa détection plasmatique est alors quasiment « immédiate ». (4) Par inhalation il est une perte importante de THC d’une part par la pyrolyse lors de la combustion et d’autre part, moindre, dans la fumée secondaire qui n’est pas inhalée. Très lipophile le ∆9-THC se distribue rapidement dans tous les tissus riches en lipides, dont le cerveau, expliquant ses effets psychoactifs. Il entraîne une euphorie associée à une somnolence. Des troubles psychiatriques aigus peuvent apparaître. (11) Cette distribution tissulaire importante entraine une diminution rapide des concentrations sanguines. (9) La biodisponibilité varie entre 2 et 56 % avec une forte variabilité intra- et interindividuelle, fonction de la fréquence et du mode de consommation. (10) En cas d’ingestion, le THC est facilement résorbé du fait de sa lipophilie, mais celle-ci est plus lente que l’absorption pulmonaire. La biodisponibilité du THC par ingestion est inférieure à l’inhalation, par une dégradation dans l’estomac et un premier passage hépatique important, les pics plasmatiques sont alors plus faibles et observés plus tardivement, en moyenne 60 à 120 minutes après l’ingestion (10), maximum 4 à 6 heures. Au total, la biodisponibilité du THC par voie orale varie de 4 à 20% (4) Plusieurs pics sont possibles, le THC est métabolisé dans le foie en 11-OH THC (11-hydroxy- ∆9-tetrahydrocannabinol), métabolite au moins aussi actif que le THC lui-même. Ce métabolisme actif est formé principalement lors de l’ingestion, sa concentration plasmatique sera alors supérieure à celle du THC (12) et ses effets seront prolongés par ce mode de consommation. Lors d’une prise orale de cannabis, on estime que c’est ce composé qui agit, plus encore que le THC. Les récepteurs du THC sont des récepteurs membranaires localisés principalement au niveau du système nerveux central : cortex frontal, cortex occipital, locus niger, cervelet, hippocampe. Chez l’adulte il n’y a pas de récepteur dans le bulbe, ce qui explique l’absence 31 de décès directement imputable à une surdose de cannabis (12). Chez l’enfant, ces récepteurs sont plus nombreux dans le tronc cérébral (13). Cette différence est responsable d’une toxicité́neurovégétative et centrale. La symptomatologie neurologique est donc au premier plan chez l’enfant. La voie d’intoxication, majoritairement inhalation chez l’adulte et ingestion chez l’enfant, et sa pharmacodynamie expliquent les différences en termes de gravité. De rares cas d’inhalation chez l’enfant ont été rapportés. 

Table des matières

PREMIERE PARTIE : INTRODUCTION
I. LE CANNABIS
A. Informations générales
B. Épidémiologie de la consommation
C. Toxicocinétique et toxicopharmacologie
D. Dépistage dans l’organisme
E. Effets et complications du cannabis chez l’adulte
1) Les complications somatiques
a. Risques aigus
b. Risques chroniques
2) Les complications psychiatriques
a. Troubles psychiatriques aigus
b. Troubles psychiatriques chroniques
F. Aspects légaux
II. LES ACCIDENTS DOMESTIQUES
A. Définitions
B. Épidémiologie
C. Accidents domestiques et pédiatrie
III. INTOXICATIONS PAR INGESTION ACCIDENTELLE AU CANNABIS
A. Définition
B. Signes cliniques
C. Gravité de l’intoxication
D. Épidémiologie de l’intoxication pédiatrique
E. Prise en charge sociale
DEUXIEME PARTIE : L’ETUDE
I. OBJECTIF
II. MATERIEL ET METHODES
A. Choix du type d’étude
B. Population
C. Élaboration du questionnaire
D. Diffusion du questionnaire et recueil des données
E. Analyse des réponses
III. RESULTATS
A. Population d’étude
B. Caractéristiques démographiques de la population ayant répondu
C. Analyse des réponses concernant la connaissance et la prévention de l’intoxication au cannabis chez les enfants par les médecins généralistes
D. Analyse des réponses concernant le questionnaire court proposé en support de prévention
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
I. REPRESENTATIVITE DE L’ENQUETE
II. PLACE DU MEDECIN GENERALISTE DANS LA PREVENTION
III. PLACE DU MEDECIN GENERALISTE DANS LE SUIVI PEDIATRIQUE
IV. LA PREVENTION DES ACCIDENTS DOMESTIQUES
V. LA CONNAISSANCE ET LA PREVENTION DE L’INTOXICATION AU CANNABIS
A. Connaissance de l’intoxication
B. Informations reçues et prévention possible
VI. UN QUESTIONNAIRE COURT PROPOSE EN SUPPORT DE PREVENTION
QUATRIEME PARTIE : CONCLUSION

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